
Très à la mode, la tokenisation immobilière crypto reste une utopie réglementaire

Démocratiser l’investissement immobilier. C’est la promesse portée par des acteurs proposant des modèles de tokenisation immobilière via un système blockchain. Un cryptoactif représentant une part d’un bien immobilier va circuler sur une blockchain publique comme Ethereum, c’est-à-dire accessible sans restriction. Les investisseurs entrevoient donc la possibilité de faire drastiquement baisser le ticket d’entrée pour investir dans la pierre et en tirer un rendement, mais aussi permettre à l’actif d’être plus liquide, puisque plus rapidement échangeable. C’est notamment ce que propose l’entreprise RealT qui offre la possibilité d’acheter «dès 50 dollars» une part d’un logement aux Etats-Unis avec un rendement associé.
«Dans le processus de financement ou de vente d’un projet immobilier, un certain nombre d’opérations ne sont pas automatisées, notamment pour mettre à jour des bases de données. Il existe également un grand nombre d’intervenants qu’il est parfois difficile à suivre. Sortir d’un investissement immobilier prend également du temps», explique Florian Freyssinet, auteur du rapport Immobilier 3.0.
Le droit est naissant dans ce secteur et met le régulateur au défi. Actuellement, la législation ne permet pas de tokeniser directement un bien immobilier en France comme dans la majorité des pays en Europe. Le registre n’est pas directement transposable dans une blockchain publique, «la profession des notaires ayant le monopole sur son enregistrement», explique Stéphane Daniel, avocat chez DNA Partners.
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La quête d’un socle réglementaire adéquat
Un modèle a particulièrement séduit de nombreux acteurs désirant se lancer sur ce marché : celui dit des royalties , c’est-à-dire basé sur un contrat de redevance sur revenus futurs. De manière générale, un ensemble d’investisseurs vont avancer des fonds sous forme de crowdfunding à une foncière pour faire l’acquisition d’un bien. En contrepartie, elle leur cède une part des loyers qu’elle va générer au prorata de l’investissement.
Ce montage présente l’avantage de simplifier l’investissement pour l’utilisateur et surtout permet d’entrevoir la création d’un marché secondaire plus liquide pour l’immobilier. Une caractéristique moins évidente pour les modèles de société civile de placement immobilier (SCPI). «Via le modèle de royalties, l’utilisation de la blockchain et de la crypto serait pertinent», explique un connaisseur du marché. Bricks.co, qui n’inclut pas de volet blockchain dans son offre, a été la première plateforme à utiliser ce modèle et représente actuellement l’immense majorité du marché français avec près 50.000 investisseurs dont une grande majorité de moins de 30 ans.
Mais le 23 décembre 2022, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a tapé du poing sur la table. L’institution a publiquement considéré que ce montage juridique associé à l’immobilier relevait de la catégorie des titres de créances, «condamnant de facto ce marché», regrette un entrepreneur du secteur. «Alors que la communication commerciale met souvent l’accent sur un investissement dans l’immobilier, les investisseurs ne deviennent en aucun cas propriétaires du bien mais sont de simples créanciers d’une société», précisait le régulateur. C’est ce que reprochent les détracteurs de la plateforme Bricks.co.
«Dans ce type de modèle, l’investisseur est complètement à la merci d’éventuels frais cachés ou d’une mauvaise gestion de la plateforme qui peut quasiment à sa guise dégrever son rendement», explique Stanislas Gobert, co-président de la fédération des plateformes de partage de revenus (F2PR) qui milite pour la création d’un cadre réglementaire clarifié.
«Nous sommes en passe de devenir la première plateforme fonctionnant initialement avec un modèle de royalties à basculer vers un modèle de crowdfunding européen», assure Cédric O’Neill, le PDG de Bricks.co. Cet agrément de prestataire de services de financement participatif (PSFP) sera obligatoire à partir de fin 2023 pour ce type d’activité en Europe.
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RealT mise sur un futur marché secondaire
Le nord-américain RealT, pour sa part, devient de plus en plus populaire dans l’Hexagone en multipliant notamment les partenariats avec des médias et influenceurs cryptos. L’entreprise a été fondée en 2019 par les frères Rémy et Jean-Marc Jacobson, auparavant entrepreneurs dans l’immobilier et dans le minage de bitcoins.
Dans son modèle, l’investisseur devient actionnaire d’une société enregistrée au Delaware aux Etats-Unis en achetant des cryptoactifs circulant sur la blockchain Ethereum, les realtokens. Ils représentent une part d’un bien immobilier, pour l’essentiel situés dans la ville de Detroit, Chicago et Cleveland. A ce jour, RealT revendique avoir tokenisé plus de 280 propriétés pour une valeur d’un peu plus de 70 millions de dollars et compte près de 13.000 investisseurs dans 154 pays avec une vingtaine de salariés.
Via le modèle proposé par RealT, l’investisseur a plus de garanties réglementaires que dans le modèle proposé par Bricks.co. Seul bémol et pas des moindres, «le modèle que nous proposons n’est pas viable en France à cause des taxes, notamment les droits d’enregistrement, qui sont trop importantes», explique Jean-Marc Jacobson dont l’entreprise porte de grandes ambitions en Europe. «Ce qui bloque actuellement, ce n’est pas la technologie mais le socle réglementaire. Nous aurons bientôt des annonces importantes à faire dans ce sens», assure-t-il.
Au-delà de cette offre, RealT a déjà commencé à travailler sur les mécanismes d’un marché secondaire pour ses cryptoactifs. Il est déjà possible pour ses détenteurs de les échanger sur des places de marché de la finance décentralisée (DeFi).
Depuis avril 2022, il est également possible de contracter des prêts dans la DeFi en mettant en garantie les cryptoactifs de RealT, par exemple pour emprunter des stablecoins et ainsi disposer d’un levier supplémentaire de liquidité. «Toutes ces opérations sont automatisées et réalisables en quelques clics. Notre objectif est de démocratiser au maximum le marché secondaire qui est la clé en immobilier», explique Jean-Marc Jacobson. Il espère avoir une longueur d’avance dans le futur marché de l’immobilier.
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