
Paiements : la concurrence fait rage

En quelques années, le marché français du paiement dominé par Worldline, partenaire historique des banques et des marchands, a vu arriver des fintechs efficaces et volontaires comme Adyen, Stripe, Checkout, Mollie, et plus récemment Square ou Revolut Pay. Et des sociétés françaises comme Iliad ou la Française des Jeux (FDJ) se sont également lancées. La bataille est permanente. Stancer, l’activité développée en interne par les équipes de Free pour servir son réseau de boutiques et pour l’acceptation des paiements en ligne, cible désormais les petits commerçants avec une offre présentée comme « deux à trois fois moins chère que la concurrence », les terminaux de paiement électronique étant mis à leur disposition gratuitement. La FDJ a acquis L’Addition, une jeune entreprise spécialisée dans les services informatiques aux restaurateurs incluant un dispositif d’encaissement à table par QR code, et prépare pour 2023 Nirio, une application de paiement de loyers ou de factures par QR code également afin de faciliter le règlement en face à face dans les bureaux de tabac.
Simple et fluide
Les petits commerçants sont la principale cible de ces nouvelles offres généralement compétitives et surtout plus simples à intégrer. Revolut Pay, par exemple, se fixe pour objectif de boucler la boucle. « Nous sommes un gros émetteur de cartes bancaires, explique Thibault Genevrier, head of merchant acquiring de Revolut. En proposant aux commerçants une solution pour accepter les paiements, nous améliorons l’expérience du payeur car le paiement est fluidifié, mais aussi celle du marchand qui dispose d’un compte pour gérer ses finances, de son argent sous 24 heures, le tout sans avoir à réconcilier les transactions. » L’offre inclut par ailleurs des liens de paiement, le règlement de factures, des terminaux de paiement électronique… et s’intègre déjà avec diverses plateformes d’e-commerce comme Shopify ou Prestashop. Revolut, qui compte 25 millions de clients particuliers et dit accueillir 2.000 entreprises par semaine, crée ainsi son propre écosystème.
L’arrivée de Square en France a également marqué l’année 2021. Son objectif est le même, attirer les petits commerçants avec une offre tout-en-un intégrant le logiciel de caisse et le terminal de paiement. Deux de ses terminaux, Square Reader et Square Terminal, sont disponibles en ligne et dans une centaine de magasins Boulanger. Les prix s’étendent de 19 à 599 euros. Les solutions sont disponibles avec ou sans abonnement et la commission est fixée à 1,65 % du montant des transactions en magasin. Aucun chiffre n’est encore diffusé mais Square affiche une ferme volonté de conquête de cette clientèle.
Et pour les grands corporates de la vente en e-commerce, Bank of America s’est associée avec la fintech londonienne Banked pour lancer Pay by Bank en Europe, une solution de paiement open banking qui apporte plus de sécurité, moins de frais, une connexion simplifiée grâce aux API (interfaces de programmation) et une réconciliation rationalisée grâce à un tableau de bord unique.
Slimpay et GoCardLess, deux acteurs du prélèvement (SDD) qui s’adressent aux entreprises ayant un modèle économique par abonnements (salles de sport, énergie, assurance…), font également évoluer leur offre : ils utilisent l’open banking pour vérifier le compte du nouveau client et procéder à un premier paiement fluide avant la mise en place du prélèvement récurrent. Slimpay s’est associé à Tink pour pouvoir proposer son offre dans toute l’Europe. Et GoCardLess a racheté Nordigen avec le même objectif et levé 312 millions de dollars en février. Sa croissance est dynamique avec +26 % de commerçants français devenus clients et un volume de transactions qui a augmenté de 66 %. Les marchands constituent donc un segment de marché très disputé mais difficile à conquérir en raison de sa fragmentation.
Les acteurs du paiement cherchent aussi à s’imposer plus largement dans les transactions interentreprises, autrement dit au-delà de la carte bancaire, en proposant des paiements de compte à compte ou des services bancaires en marque blanche. Ils visent à multiplier les rails de paiement et à maîtriser davantage de maillons de la chaîne de valeur. Adyen, le nouvel entrant le plus important avec un chiffre d’affaires de plus de 608 millions d’euros, vient par exemple d’annoncer le lancement de nouveaux services financiers embarqués pour les PME, disponibles sur les plateformes et les marketplaces : avance de trésorerie, comptes bancaires professionnels, émission de cartes… le tout bien intégré avec son offre de paiements. Adyen devient ainsi un fournisseur de Banking-as-a-Service et fait miroiter à ses clients une croissance de leurs revenus jusqu’à 70 %...
De même, Stripe s’oriente désormais vers les paiements B2B avec plusieurs produits : la facturation en ligne avec option de paiement électronique intégrée,
permettant aux clients de payer selon le moyen de paiement et dans la langue de leur choix, enrichie d’outils de récupération ou de représentation du paiement pour optimiser le taux de réussite des transactions. Le prestataire de service de paiement a également mis en place des Iban virtuels qui permettent d’automatiser le traitement des paiements par virement et ainsi de gagner du temps.
Riposte par l’innovation
Cette effervescence entraîne les banques qui ne sont pas prêtes à se laisser concurrencer sans réagir. Elles lancent également de nouveaux produits : BNP Paribas, via sa filiale Axepta, propose Aliae, un dispositif de paiement par carte sur la nouvelle autoroute A89 sans péage. La Banque Postale a déployé via Ezyness, son établissement de paiement, le PIN Online pour les Taxis G7, permettant aux clients de saisir leur code sur leur propre téléphone. La banque a mis en place des Iban virtuels pour faciliter l’encaissement des loyers par les bailleurs sociaux. D’autres innovations sont en préparation, comme l’encaissement de paiements cartes sur smarphone (Soft POS) pour équiper les facteurs. La Société Générale a racheté PayXpert, pour renforcer sa présence auprès des marchands et avoir une couverture européenne grâce à la variété des moyens de paiement acceptés. « Nous contribuons à la dynamique du marché, estime Philippe Marquetty, directeur des paiements de la banque de détail Société Générale. Une partie de l’activité est prise par les nouveaux arrivants mais le marché croît et nous continuons de croître avec lui. »
Et la bataille se poursuit également au niveau des grands acteurs internationaux qui sont aussi les partenaires historiques des banques, comme Visa, qui a déployé son offre de paiement de compte à compte sur la plateforme de Finastra, ou Mastercard qui promeut les solutions open banking (en parallèle de la carte), mais aussi les paiements en cryptomonnaies qui pourraient circuler sur les rails carte, si le test en cours aboutit. Enfin Worldline, qui sert 320 banques et 1,1 million de marchands en Europe, poursuit son expansion internationale à coup de rachats multiples pour offrir tous les types de paiements et les services possibles et se hisser au niveau de son rival italien, Nexi. Plus que jamais, le paiement est un marché fragmenté qui cherche à se connecter pour parvenir à une plus grande fluidité.
Pour aller plus loin, « Global Payments 2022 », BCG, octobre 2022 dans la version digitale de L’AGEFI HEBDO
www.agefi.fr

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