Malgré les doutes, Tether continue de battre ses concurrents

Alors même que les volumes d’échanges du marché crypto atteignent des plus bas historiques, le stablecoin le plus populaire du marché continue de faire mieux que ses concurrents.
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L’USDT veut orienter une portion croissante de son panier d’actifs vers le bitcoin  -  © AdobeStock

Tether ne connaît pas la crise. L’émetteur de l’USDT, le plus grand stablecoin de l’écosystème crypto, dont le cours est arrimé au dollar américain, est en passe de retrouver sa capitalisation de marché, qui atteignait près de 83 milliards de dollars en mai 2022, au moment du krach Terra-Luna. Elle avait chuté à 65 milliards de dollars le 28 novembre 2022, deux semaines après l’annonce du placement sous le régime des faillites de la plateforme FTX et de la firme de trading Alameda Research, alors dirigées par Samuel Bankman-Fried.

Une bonne santé remarquable puisque ses concurrents ne peuvent pas en dire autant. La capitalisation de l’USD Coin (USDC), émis par Circle, ne cesse de chuter depuis sa perte d’ancrage au dollar qui aura duré quelques jours, alimentée par les turbulences des banques régionales américaines. Depuis quelques mois, elle stagne autour des 30 milliards de dollars. De son côté, le BUSD de Binance est à l’arrêt depuis l’ordre donné, le 9 février, par le régulateur new-yorkais à Paxos, entreprise régulée qui émettait son stablecoin, de ne plus permettre la création de nouvelles unités.

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Le triptyque Tether – Binance – Tron

Le retour en grâce de Tether, symbolisé par le regain de sa capitalisation de marché, ne manque pas d’étonner. Car, dans le même temps, le stablecoin n’échappe à la baisse des volumes d’échanges, généralisée à l’ensemble du secteur. «Dans l’ensemble, la capitalisation boursière de l’USDT est peu corrélée au volume des échanges, ce qui est discutable si l’on considère que le principal cas d’utilisation de ce stablecoin est l’échange», explique Kaiko, entreprise spécialisée dans les données blockchain.

Historiquement, l’USDT bénéficie de taux d’intérêt plus élevés dans la finance décentralisée que chez ses concurrents directs en raison de sa réputation sulfureuse, ce qui en fait un instrument de trading plus important et explique en partie sa popularité. A rebours, l’USDC est davantage identifié comme un stablecoin permettant de sécuriser ses positions pour les institutionnels.

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L’explication est sans doute à aller chercher du côté du rapprochement entre Tether, la blockchain Tron et la plus grande plateforme d’échange de cryptos du monde, Binance, trois acteurs qui connaissent régulièrement des conflits avec les régulateurs.

Depuis le krach de Terra-Luna, l’émission des USDT s’est nettement orientée vers la blockchain Tron. Au moment de la chute de Terra-Luna, 43,69% circulaient sur le réseau lancé en 2014 par Justin Sun, quand 40,23% l’étaient sur Ethereum selon les données compilées par Defillama. Aujourd’hui, cette répartition est de 51,81% contre 39,83%, soit l’équivalent de plus de 46 milliards de dollars en circulation pour Tron, quand Ethereum voit ce montant stagner autour des 36 milliards de dollars. Un nouveau paradoxe alors même que Tron présente une activité minimale dans la finance décentralisée et que plusieurs plateformes d’échange importantes, comme Coinbase, ne la prennent pas en charge.

«Les plateformes d’échange offshore, comme Binance et OKX, possèdent les plus grands soldes d’USDT sur Tron, ce qui suggère que les teneurs de marché et les baleines préfèrent ce réseau pour ses faibles frais de transaction», explique Kaiko. Selon les données présentées par Nansen, plus de 92% des USDT gérés par Binance circulent actuellement sur Tron. Ce pourcentage atteint les 94% pour OKX. Alors même que la situation du marché baissier s’éternise, les frais de transaction sur les différentes blockchains pour les plateformes d’échange sont devenus un enjeu important. En témoigne la décision de Binance d’interrompre temporairement les retraits de bitcoins pour ses utilisateurs début mai à cause d’une congestion importante du réseau et donc de frais de passage trop élevés, notamment causés par la fièvre des NFT.

Emettre des USDT via la blockchain Tron permet donc une gestion des liquidités à moindres frais, tout en évitant également un certain nombre de tracas réglementaires, à un moment où, depuis le scandale FTX, les régulateurs américains tracent une frontière de plus en plus visible entre le monde financier traditionnel et celui des cryptoactifs.

Une posture de crypto-natif renforcée

Dans son dernier rapport, présenté comme «indépendant», sur l’état de ses réserves au 31 mars, réalisé par le cabinet comptable BDO et signé du très discret fondateur de Tether, Jean-Louis van der Velde, Tether annonce avoir réalisé un bénéfice net de 1,48 milliard de dollars pour le premier trimestre 2023. Une sacrée performance puisque ce chiffre a doublé en un an. En revanche, une grande opacité autour du fonctionnement de Tether règne toujours. En témoigne la ligne «autres investissements» comptant pour près de 2 milliards de dollars. Sa capacité d’accès au dollar fiduciaire reste également un mystère.

Au-delà des bons du Trésor américains qui constituent l’immense partie des réserves du stablecoin, Tether détiendrait 3,4 milliards de dollars en or (environ 4%) et 1,5 milliard de dollars de bitcoins (environ 2%). Le 17 mai, l’entreprise a d’ailleurs annoncé dans un communiqué qu’elle allait dorénavant investir 15% de son profit net dans la reine des cryptomonnaies, au détriment des obligations d’Etat américaines.

«Le bitcoin a continuellement prouvé sa résilience et s’est imposé comme une réserve de valeur à long terme avec un potentiel de croissance substantiel. Son offre limitée, sa nature décentralisée et son adoption généralisée ont fait du bitcoin un choix privilégié pour les investisseurs institutionnels et les particuliers», explique Paolo Ardoino, le médiatique directeur technique de l’entreprise.

Ce positionnement renforce l’image de crypto-natif de Tether, qui ne cesse de s’inscrire en opposition à son concurrent Circle, qui place la régulation au centre de sa stratégie, en rappelant régulièrement que l’un des credo est d’offrir des services financiers à une large frange de la population mondiale non bancarisée.◆

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