Les règlements MiCA et TFR brident les ‘stablecoins’

Les jetons non fongibles et la finance décentralisée sont passés entre les gouttes des deux textes qui posent les bases de l’utilisation des crypto-actifs dans l’Union européenne.
Louis Tellier
Stablecoin-
Les stablecoins sont des crypto-actifs dont le cours promet de rester fixe par rapport à un sous-jacent en cryptomonnaie ou en monnaie fiat.  -  Adobe stock

«Pour le moment, c’est l’expectative», déclare Rija Rameloarison, directeur Compliance et juridique chez Just Mining, une entreprise française spécialisée dans la blockchain et les crypto-actifs. Cette attitude est représentative de celle de beaucoup d’intervenants de la cryptosphère, qui s’étonnent du caractère «incomplet» de la réglementation sur les crypto-actifs – MiCA et TFR – arrêtée par le Conseil et le Parlement européens. Mais ce sentiment d’inachevé n’est pas une surprise pour les instances européennes. Celles-ci ont sciemment voulu s’accorder sur un socle réglementaire destiné à être modifié pour s’adapter au mieux aux évolutions technologiques de l’écosystème.

En conséquence, les NFT (jetons non fongibles), assimilables à des titres de propriété circulant sur la blockchain, ne sont quasiment pas concernés par l’accord politique. Sauf s’il est démontré qu’ils sont considérés par les investisseurs comme des actifs notamment soumis au trading. Autre absence notable : la finance décentralisée (DeFi). Une victoire pour Rija Rameloarison, qui a œuvré en coulisses pour convaincre de ne pas tout de suite l’intégrer dans les textes : «Il y a encore une grosse incompréhension par un trop grand nombre de dirigeants européens sur ce qu’est vraiment la DeFi et les possibilités qu’elle offre. L’intégrer trop tôt dans les textes aurait été problématique pour le développement des acteurs.»

Le TFR (Transfer of Funds Regulation) est le premier texte sur lequel se sont accordés les élus européens. Il vise à imposer un standard de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, en y intégrant les crypto-actifs.

La vérification d’identité (KYC, pour Know your customer) sera nécessaire pour tous les virements à partir de 1.000 euros entre une plateforme (comme Binance ou Coinbase) et un wallet (une clé Ledger par exemple). Pour une bonne partie de l’écosystème crypto, cela équivaut à du traçage quasi systématique puisqu’il est assez rare de déplacer de petites sommes, les cryptomonnaies n’étant pas encore massivement utilisées dans les paiements du quotidien. C’est pourtant le même montant qui est demandé en finance classique.

Le KYC sera en revanche obligatoire pour les virements entre plateformes à partir du premier euro. Contrairement à ce qui avait été proposé par le Parlement, l’identification ne sera pas demandée pour les virements de wallet à wallet. Une petite victoire pour la cryptosphère, qui dénonçait quasi unanimement une «grave atteinte à la vie privée» et les risques de traçage généralisé avec la mise en place d’une telle mesure, d’une sévérité supérieure à celle appliquée au système bancaire traditionnel.

MiCA, très restrictif envers les ‘stablecoins’

L’autre texte est donc MiCA (Markets in Crypto Assets). Il est séparé en deux grandes parties. La première concerne les émetteurs de jetons et les stablecoins, ces crypto-actifs circulant sur une blockchain et dont le cours promet de rester fixe par rapport à un sous-jacent en cryptomonnaie ou en monnaie fiat (dollar, euro…).

Une mesure a fait beaucoup réagir l’écosystème crypto : celui du plafond autorisé d’échanges journaliers, fixé à 200 millions d’euros et qui a tout de suite été jugé trop restrictif. A titre d’exemple, les volumes d’échanges journaliers de l’USDT de Tether atteignent plus de 40 milliards de dollars. Son dauphin, l’USDC, est à 5 milliards échangés quotidiennement, selon Coinmarketcap. Le BUSD de Binance aussi dépasse la limite, avec un peu moins de 5 milliards échangés. Le DAI est dans la même situation, et pourrait même voir s’ajouter d’autres problématiques réglementaires, en sa qualité de stablecoin décentralisé, puisque l’émetteur devra avoir son siège au sein de l’Union européenne. Ces crypto-actifs devront aussi être collatéralisés par une réserve à 100%.

Statut d’intermédiaire

Une autre mesure concerne les intermédiaires, avec la création d’un statut de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN)européen (en anglais CASP, pour crypto assets services provider), largement inspiré de la version française apparue dans la loi Pacte de 2019. L’idée générale de MiCA sera de leur imposer les mêmes contraintes réglementaires qu’aux acteurs financiers classiques.

«Cette réglementation va permettre au consommateur d’être mieux protégé. En revanche, les nouvelles contraintes risquent de ne pas être supportées par de nombreux petits acteurs, qui pourront disparaître ou seront rachetés, ce qui pourrait potentiellement entraîner une forme d’oligopole», remarque William O’Rorke, fondateur du cabinet ORWL, avocat spécialisé dans la réglementation des crypto-actifs. «L’Europe prend également un risque à légiférer en premier au niveau mondial, continue l’avocat. L’avenir nous dira si le timing réglementaire était le bon», notamment par rapport aux Etats-Unis.

L’ensemble des acteurs auront dix-huit mois pour se conformer à ce règlement européen. Le texte devra être validé lors de la prochaine séance plénière, donc pas avant le mois de septembre ou d’octobre.

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