
Les paiements digitaux s’imposent partout

C’est désormais une évidence, la crise sanitaire a donné un coup d’accélérateur aux paiements digitaux, au premier rang desquels la carte bancaire qui reste l’instrument préféré des Français. Selon un sondage* commandé par la Banque de France, 67 % des Français ont davantage utilisé les moyens de paiement électroniques pendant la crise sanitaire en raison de leur simplicité d’emploi, la carte bancaire étant utilisée pour 77 % des achats quotidiens. Le commerce en ligne s’est également développé, à un rythme croissant : son chiffre d’affaires a augmenté de 1,8 % au premier trimestre, puis +5,3 % au deuxième trimestre, selon la Fevad (Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance). La part des ventes en ligne dans les ventes de détail pourrait dépasser les 10 % en France. Au niveau mondial, Juniper Research prévoit d’ailleurs une hausse de 33 % du commerce en ligne d’ici à 2025.
La transformation digitale du commerce et sa survie post-crise sont désormais une véritable préoccupation pour les fournisseurs du paiement. Beaucoup se sont mobilisés pour apporter des solutions aux commerçants afin de maintenir un minimum de leurs ventes, même à distance. Les confinements sont les grands propulseurs du « click and collect », entre autres. Les prestataires de services de paiement, certaines fintech mais aussi les banques, se sont portés au secours de leurs clients commerçants, proposant notamment des liens de paiement par e-mail ou par SMS permettant d’encaisser à distance. Par exemple, SumUp, Verifone avec Paybox Mail, ou encore L’Addition, concepteur d’un logiciel d’encaissement spécifique pour les cafés-hôtels-restaurants, ont mis en place un service favorisant le « click and collect ». Obvy, qui sécurise les paiements entre particuliers, a ouvert son service aux professionnels afin d’éradiquer les impayés. De quoi protéger leur activité et leur santé financière. Le Crédit Agricole veut donner des coups de pouce pour améliorer la visibilité des commerçants sur ses propres sites web, les équiper en solutions d’encaissement à distance ou en mobilité, et même leur rembourser leur abonnement monétique en cas d’inactivité.
Succès des portefeuilles mobiles
Outre le renforcement de la carte bancaire en proximité ou en ligne, les portefeuilles mobiles ont émergé, offrant une meilleure fluidité aux paiements. Ainsi, selon le Cashless Society Survey 2020** de Capterra, 57 % des Français ont une application de portefeuille mobile sur leur smartphone, dont 84 % l’utilisaient déjà pour effectuer des achats avant la crise. Durant la crise, 92 % y ont eu recours de manière occasionnelle ou régulière et 90 % souhaitent continuer à payer avec leur portefeuille mobile une fois la crise sanitaire passée. L’utilisateur type de portefeuille mobile a entre 26 et 35 ans (cette classe d’âge représente 38 % des utilisateurs de portefeuille mobile, soit le groupe le plus important), 42 % ont payé régulièrement des services par mobile pendant la crise, soit 20 % de plus qu’avant cette période.
Les solutions françaises, comme Lydia, Paylib, LyfPay ont pu attirer de nouveaux utilisateurs. Mais les portefeuilles internationaux sont de plus en plus présents. Si les chiffres ne sont pas publics, Loup Ventures estime qu’ApplePay est désormais partenaire de 5.480 banques et que plus de 500 millions de personnes l’utilisent régulièrement. Avec beaucoup moins de banques partenaires, SamsungPay est encore loin derrière, mais GooglePay pourrait améliorer son adoption avec l’enrichissement par de nouvelles fonctionnalités (P2P, partage de dépenses, catégorisation des transactions, cashback et compte courant). Et, même s’il n’est quasiment pas utilisé pour les paiements de proximité, Paypal reste en France le deuxième mode de paiement pour les achats en ligne (10 %) derrière la carte bancaire (80 %) et continue de conquérir de nouveaux utilisateurs à un rythme régulier, atteignant 10 millions dans l’Hexagone. D’autres applications cherchent à se faire une place. Par exemple, Stocard, jusqu’à présent portefeuille mobile de dématérialisation des cartes de fidélité utilisé par 50 millions d’Européens, lance le paiement en France, en Italie, en Allemagne et aux Pays-Bas.
Autre phénomène en pleine accélération, le paiement fractionné (en trois, quatre ou dix fois) ou différé qui convient bien aux achats de montant élevé de type équipement électronique, sportif, mobilier... Oney Banque, Floa (ex-Banque Casino), Cofidis, Franfinance, Alma, Younited Credit mais aussi Paypal se sont positionnés sur ce service qui attire beaucoup de commerçants, ces derniers y voient un moyen de développer leur chiffre d’affaires tout en sécurisant les encaissements. Les prestataires de paiement fractionné se livrent une intense concurrence auprès des marchands : Younited Credit annonce sa collaboration avec Microsoft pour le financement des nouvelles Xbox, Cofidis avec Huawei… L’enjeu est également dans l’intégration la plus fine possible dans les parcours clients, en ligne et parfois aussi en magasin, afin de faciliter leur acceptation de cette proposition et le calcul de leur solvabilité. Côté consommateurs, l’adoption progresse. Chez Oney, par exemple, la production de paiement fractionné a augmenté de 51 % durant le premier confinement et la tendance reste stable. Globalement, un quart des Français utilisent cette option désormais.
Une nouvelle tendance encore naissante mérite d’être soulignée : c’est l’achat de cryptomonnaies. L’annonce par Paypal de la mise à disposition de ce nouveau service au sein de son application, notamment, a stimulé la valorisation du bitcoin : si des acteurs aussi globaux et connus du grand public réussissent à faciliter l’achat et l’usage de ces actifs virtuels, il y a fort à parier que l’adoption va s’accélérer nettement. Azzana Consulting cite les chiffres de 50 millions de détenteurs uniques de cryptomonnaies dans le monde, soit 40 % de plus qu’en 2019, et entre 2,5 et 4 millions pour la France. Il reste à développer l’acceptation par les commerçants, un point sur lequel l’Hexagone est nettement moins avancé que ses voisins européens. Néanmoins, quelques acteurs travaillent le marché français soit pour développer l’achat-vente auprès des particuliers ou des institutionnels (Coinhouse, LGO, Crypto.com, Sheeldmarket…), soit pour aider les commerçants à les accepter, à l’instar de Lunu, une société basée en Allemagne qui produit un terminal de paiement électronique haut de gamme permettant d’accepter divers wallets de cryptomonnaies et a convaincu le joailler parisien Courbet de le tester. L’intérêt du législateur et des autorités de contrôle ACPR et AMF*** pour le sujet a permis la création d’un cadre réglementaire et d’un enregistrement/agrément propices à l’instauration d’un climat de confiance, condition importante du développement des cryptomonnaies. Ce à quoi s’ajoute une réflexion poussée sur la création d’une monnaie digitale de banque centrale, qui donnerait du crédit à ce type d’actifs. Le monde numérique avance à grands pas, surtout dans le paiement.
*Sondage Kantar Public réalisé par téléphone auprès de 1.005 personnes âgées de 18 ans et plus, représentatives de la population française, du 9 au 27 octobre 2020 (méthode des quotas après stratification par régions et catégories d’agglomérations). **Enquête en ligne menée en juillet 2020 auprès d’un panel de 1.034 Français de plus de 18 ans, résidant en France, ayant un emploi ou étudiant ou retraité ou ayant perdu un emploi pendant la crise.
***ACPR : Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ; AMF : Autorité des marchés financiers. Pour aller plus loin : Le sondage « Les Français et l’économie » de la Banque de France
L’enquête « La crise favorise les méthodes de paiement sans contact » de Capterra
dans la version digitale de L’AGEFI HEBDO


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