Le Sénat met la pression aux acteurs cryptos

C’est une réaction politique directe à la faillite de la plateforme FTX dont les répercussions sont désormais mondiales. Le 12 décembre, le Sénat a adopté un amendement demandant aux acteurs enregistrés en tant que prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) d’obtenir avant le 1er octobre 2023 l’agrément PSAN, échelon bien plus lourd à atteindre administrativement. Un tel calendrier paraît techniquement très difficile à respecter.
Apparu avec la loi Pacte en 2019, l’enregistrement PSAN délivré par l’Autorité des marchés financiers est indispensable pour une entreprise qui souhaite soit proposer des services de conservation d’actifs numériques, d’achat ou de vente d’actifs numériques contre des monnaies ayant cours légal, soit exploiter une plateforme de négociation d’actifs numériques.
Le périmètre de cet enregistrement concerne essentiellement la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il ne permet pas d’éviter les risques de contreparties comme le montre l’effet de souffle lié à FTX qui touche de nombreux acteurs français comme Coinhouse. Comme le rappelle William O’Rorke, fondateur du cabinet d’avocats ORWL, spécialisé dans le droit du numérique, l’enregistrement PSAN «n’est qu’un point de départ pour les acteurs cryptos dans la réglementation», une sorte de passage avant l’agrément.
Procédure lourde
Aujourd’hui, aucun acteur français n’a obtenu l’agrément PSAN qui est, comme le précise bien l’AMF, pour le moment optionnel. Mais avec la réglementation européenne MiCA (Markets in Crypto-Assets) permettant de fournir un cadre réglementaire harmonisé au sein de l’Union européenne pour les cryptoactifs, tous les PSAN devront avoir obtenu leur agrément pour exercer. La mise en application de MiCA est attendue au plus tôt en 2024.
«L’agrément exige de mettre en place des dispositifs de contrôle interne, de gestion des conflits d’intérêts et de sécurité informatique structurellement beaucoup plus lourd administrativement et économiquement que l’enregistrement PSAN», explique Frédérick Lacroix, responsable de la régulation financière chez Clifford Chance. «Selon moi, le délai qu’imposerait l’amendement voté au Sénat est complètement irréaliste, à moins que l’agrément soit accordé au rabais. Mais je ne vois pas l’AMF prendre un tel risque», poursuit l’avocat, également en charge du groupe de travail dédié au comparatif entre les agréments PSAN et MiCA, au sein du Comité juridique de l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan).
La nouvelle organisation beaucoup plus structurée qu’impose l’agrément oblige les acteurs à recruter en conséquence. «Et là encore, il faudra des personnes disposant des compétences et de l’expérience adéquates. Ce qui n’est pas toujours facile à trouver, en général, et plus particulièrement dans des secteurs nouveaux comme la crypto», fait une nouvelle fois remarquer Frédérick Lacroix. «Ce niveau d’exigence sera difficile à satisfaire pour les petits acteurs. Et plus l’acteur sera grand avec une organisation structurelle complexe et plus le processus pour obtenir l’agrément sera long», conclut l’avocat. Selon lui, il aurait été plus raisonnable d’imposer une date limite aux acteurs pour déposer une demande d’agrément, plutôt que pour l’obtention de cet agrément.
L’AMF contrainte de trier ?
Selon nos informations, plusieurs dizaines de dossiers pour un enregistrement PSAN sont actuellement en attente chez le gendarme financier français qui voit les demandes se multiplier ces derniers mois. Ce qui pourrait en définitive le conduire à gérer de trop nombreuses procédures d’agrément le moment venu, y compris de la part d’acteurs n’ayant quasiment aucune chance de l’obtenir. Or, certaines demandes pourraient être faites pour profiter de la période de tolérance envers les PSAN, permise par les premiers mois de la mise en application de MiCA. Des sociétés qui seraient pourtant en incapacité d’obtenir l’agrément pourraient en profiter.
L’amendement qui sera présenté à l’Assemblée nationale le 24 janvier, tranche avec l’attitude du gouvernement. L’exécutif a multiplié les mains tendues envers l’écosystème crypto ces derniers mois. Le ministre délégué chargé de la Transition numérique Jean-Noël Barrot s’est notamment rendu à l’ouverture de la NFT Factory en octobre et a inauguré le début de la Binance Blockchain Week au côté du patron de la plateforme Changpeng Zhao en septembre. C'était avant la faillite retentissante de FTX.
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