
Le paiement instantané part à la conquête des entreprises
Le paiement instantané ne suscite pas l’engouement des entreprises. Dans quelques cas particuliers, il représente un avantage, lié à l’activité de l’émetteur, notamment pour les assureurs souhaitant dépanner leurs clients au plus vite, ou encore dans le secteur des paris en ligne. Sinon, l’immédiateté n’est pas forcément la préoccupation des corporates.
Ce moyen de paiement s’est ainsi surtout répandu dans le BtoC (business to consumer), les entreprises y trouvant un élément de sécurité. « L’‘instant payment’ est avant tout un enjeu pour les entreprises actives en BtoC et son avantage majeur, avant l’instantanéité, est la simultanéité qu’il permet entre le paiement et la transaction physique, supprimant le risque de crédit sur l’acheteur », expose Samuel Guillon, directeur de la stratégie chez Kyriba.
Dans cette même logique, les solutions de paiement innovantes en BtoB (business to business) qui se rapprochent du paiement immédiat et irrévocable rencontrent un écho. « Son positionnement de tiers de confiance permet à Libeo de se porter garant de la mise à disposition des fonds auprès du fournisseur : donner au bénéficiaire la certitude que son paiement est validé et ordonné par le débiteur répond à la principale préoccupation des entreprises », rapporte ainsi Pierre Dutaret, dirigeant fondateur de Libeo, dont la solution de paiement BtoB en un clic, lancée il y a un an, compte déjà 22.000 entreprises utilisatrices, TPE et PME.
Double enjeu
Pour les entreprises d’une certaine taille, les choses se présentent toutefois différemment, d’abord pour des raisons d’organisation. « Dans le secteur BtoB où la date de valeur compte, le besoin du paiement instantané est limité, explique Lionel Vincke, président d’Azzana Consulting (groupe Finnegan). Les réflexions sur la gestion de trésorerie en temps réel sont plutôt prospectives. En fait, le trésorier a surtout besoin d’anticiper les opérations. » En outre, tant que les marchés ne fonctionnent pas au même rythme, l’exécution des flux en instantané n’apporte pas d’avantage. « La gestion de trésorerie se fait avant 12 heures et recevoir de l’argent après cette limite horaire constitue une perte d’opportunité, relève Samuel Guillon. Le paiement instantané constitue ainsi un double enjeu organisationnel et prévisionnel ».
Jusqu’ici, le nouveau virement instantané a présenté plutôt des inconvénients spécifiques face aux attentes des corporates. « En effet, ce service restait payant et limité en montants (principalement pour des raisons de lutte contre le blanchiment, les contrôles devant être réalisés en moins de 10 secondes), alors que les ‘corporates’ qui en avaient réellement besoin pouvaient déjà réaliser des virements de gros montants en temps réel depuis longtemps par le biais de Target (Trans-European Automated Real-time Gross settlement Express Transfer system) », rappelle Guillaume Metman, VP product management payments chez Kyriba. De fait, le système de lutte contre la fraude doit pouvoir tenir le choc devant la progression de l’instantanéité et s’adapter. On note ainsi que les paiements réalisés entre des marchés matures via Swift sont réalisés sans contrôle de conformité, avec une performance comparable à des paiements domestiques (par exemple, 72 % des paiements du Royaume-Uni aux Etats-Unis sont effectués dans les 30 minutes et 95 % dans les 6 heures, selon la coopérative).
En pratique, l’instant payment démarre sur le socle européen. « La majorité des grandes banques offre cette possibilité mais les entreprises l’utilisent encore peu. Le plafond est passé de 15.000 à 100.000 euros en juillet dernier, ce qui devrait accélérer les choses , annonçait récemment Nicolas Cailly, directeur adjoint payments & cash management à la Société Générale, lors d’une table ronde Universwiftnet. En outre, l’‘instant payment’ sera plus efficace avec le format de fichier de paiement ISO 20 022, l’information transportée plus riche et structurée permettra un traitement plus fluide. »
Visibilité
De fait, les grandes entreprises envisagent le paiement instantané dans le cadre d’une optimisation de trésorerie : le temps réel les intéresse pour la visibilité qu’il apporte et la crise a renforcé cette considération. « Face au risque de liquidité qui s’est amplifié avec la crise, les entreprises veulent avoir une visibilité immédiate et exercer un contrôle quotidien sur leurs liquidités, décrypte Serge Masliah, general manager Southern Europe chez Kyriba. Même si on observe encore peu de volumes sur l’‘instant payment’ pour le moment, les nouveaux modes et systèmes de paiement instantané comme les API (interface de programmation d’application), mis en place progressivement par les banques dans le cadre de la DSP2, suscitent de l’intérêt. En effet, ils permettent aux directions financières de mieux maîtriser leurs flux.«
Le succès de GPI (global payment innovation) de Swift, lancé en 2017 pour accélérer les paiements de gros montants à l’international, s’explique par cette même logique. « Dans les paiements véhiculés par Swift, la question était surtout celle de la visibilité sur le processus, d’où la solution GPI qui a ajouté aux rails de Swift un ‘tracker’, une technologie pour savoir où en est le paiement et quelles seront les commissions. La solution a connu un succès fulgurant avec, à ce jour, 750 groupes bancaires participants. En outre, GPI permet d’effectuer 40 % des paiements confiés à Swift dans les 30 minutes, et à 92 % le même jour », déclare Alain Raes, directeur du développement commercial chez Swift. Gage de maîtrise de la trésorerie, l’instantanéité va s’imposer inéluctablement.

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