Le clap de l’harmonisation se prépare avec le règlement Mica

L’avis d’expert de Franck Guiader, directeur de Gide 255, Innovation & FinTech
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Franck Guiader, directeur de Gide 255, Innovation & FinTech

Les instruments numériques émis par des protocoles blockchain1 sont des actifs incorporels divers qui posent de nombreuses questions juridiques selon leurs caractéristiques intrinsèques, les prérogatives auxquelles ils donnent droit et la nature de leurs émetteurs. Aucune catégorie juridique unique ne peut ainsi leur être attribuée, laissant la voie ouverte à des errances réglementaires quant à leur émission, leur usage ou leur échange notamment.

Les crypto-actifs font encore souvent l’objet de positions binaires au cœur de débats passionnés, où cryptophiles et conservateurs confrontent la plupart du temps leur vision de ce nouvel écosystème. Le législateur européen pourrait, avec sa proposition de règlement MiCA, entré depuis le 24 novembre 2021 dans sa dernière phase de négociations1, mettre fin, au sein de l’Union européenne (UE), à un manque d’harmonisation. Cela semble nécessaire à présent, au vu des volumes d’échanges qui ne cessent de croître sur ces marchés à l’échelle internationale (capitalisation du marché « crypto » à plus de 1.500 milliards d’euros au 1er février 20222).

Depuis deux ans, le recours aux crypto-actifs s’est aussi diversifié et s’inscrit désormais dans un mouvement d’adoption « mass market » qui confirme la nécessité d’un cadre réglementaire sur la scène européenne.

Les prestataires de l’écosystème, plateformes d’échanges, fournisseurs de solutions de sécurité ou encore experts en matière de données « crypto » comptaient aussi sur davantage de cohérence et de convergence entre les 27 pays de l’UE pour que les volumes européens puissent réellement décoller sans avoir à attendre les clarifications réglementaires – jugées parfois longues à venir – des autorités compétentes nationales.

Si l’UE placée sous présidence française en fait l’une de ses priorités dans les négociations en cours, MiCA devrait alors être adopté au cours des prochains mois, donnant ainsi aux acteurs de l’écosystème une visibilité à moyen terme sur les attentes unifiées des régulateurs qui devront se ranger derrière le cadre adopté à Bruxelles.

En France, même si le cadre juridique pionnier dédié aux crypto-actifs, que l’on trouve dans la loi Pacte, avait permis aux prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) de trouver, dans un régime conçu pour eux, davantage de clarté et de sécurité, les différentes typologies de crypto-actifs en développement – jetons, monnaies virtuelles, stablecoins3 – continuent de nécessiter, pour leur émission et leur distribution, une analyse au cas par cas, laissant la porte ouverte à des possibilités d’arbitrage réglementaire en Europe.

Le règlement MiCA apporte ainsi son lot de définitions et de règles applicables à l’émission de ces instruments et aux services qui leur sont associés. Emission de jetons (ICO), stablecoins et « prestataires de services sur crypto-actifs » y trouvent ainsi un régime façonné sur mesure susceptible de leur faire prendre une autre dimension. Publié par la Commission européenne le 24 septembre 2020 dans son Digital Finance Package, ce projet de règlement poursuit l’objectif de permettre à ce marché de se développer sainement, en distinguant les acteurs européens du fait de la qualité de leur mode opératoire, face à d’autres sans doute moins contraints, notamment en matière de sécurité et de lutte contre le blanchiment.

En fixant un cadre clair et des règles exigeantes aux acteurs qui développent des activités « crypto », MiCA vise ainsi l’harmonisation des règles qui avait commencé à se mettre en place de manière disparate au sein de Etats membres. Le rôle des autorités européennes de supervision sera donc primordial pour assurer la convergence réglementaire sur un marché qui ne cesse d’innover, compte tenu des questions d’interprétations qui devraient fleurir.

Pour réussir le passage à grande échelle des acteurs européens sur ces marchés et leur permettre d’espérer rivaliser avec certains nouveaux géants américains ou asiatiques, il conviendra impérativement que les autorités nationales sachent les accompagner dans leur démarche de développement réglementaire. Il faudra qu’elles assurent, avec réactivité et sans gold-plating (sur-réglementation, NDLR), que les acteurs obtiennent leurs agréments et bénéficient du passeport européen qui constituera sans doute une forme de graal dans la conquête, en 2022, de ces nouveaux marchés de l’économie numérique.

MiCA pourrait ainsi constituer un clap d’harmonisation et d’accélération nécessaire au développement du marché européen des crypto-actifs, à condition que les enjeux de compétitivité soient parfaitement et immédiatement intégrés par les autorités nationales et européennes dans la mise en œuvre de ce nouveau dispositif réglementaire.

(1) Négociation actuelle dans la phase des trilogues entre le Conseil et le Parlement européens. (2) Source : coinmarketcap.com.

(3) Jetons à valeur fixe.

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