
L’Amérique part en croisade contre les plateformes cryptos

Le couperet est tombé. Les deux plaintes déposées à l’encontre de Binance et de Coinbase par la Securities and Exchange Commission (SEC) restent aujourd’hui dans le domaine du civil. Mais le gendarme boursier américain, incarné par son patron Gary Gensler, a mis ses menaces à exécution après des mois d’avertissements.
Si le superviseur charge nettement moins la barque de Coinbase que celle de son rival Binance, les deux plaintes symbolisent l’étau réglementaire qui ne cesse de se resserrer autour des plateformes d’échanges de cryptoactifs. Un tour de vis qui intervient un peu plus de sept mois après le camouflet subi par les autorités américaines avec l’affaire FTX en novembre 2022. Elles avaient longtemps déroulé le tapis rouge à son médiatique dirigeant Samuel Bankman-Fried. Aujourd’hui celui-ci est accusé d’avoir contribué à détourner plus de 8 milliards de dollars de fonds des clients de sa plateforme.
Le spectre de la manipulation de marché
Au cœur des griefs se trouve notamment la cotation (listing) par les plateformes des cryptoactifs proposés à leurs clients. Pour les autorités, les cryptoactifs relèvent tous du domaine des instruments financiers, sauf le bitcoin (BTC) qui rentre depuis 2018 dans le champ des biens matériels (commodity) aux Etats-Unis, en qualité de blockchain la plus décentralisée du marché. Ce que craint la SEC, c’est la capacité de certains acteurs, dont les plateformes d’échanges, à mener des manipulations de marché sur les cryptoactifs aux dépens des utilisateurs.
Dans le cas de Binance, c’est sa cryptomonnaie le BNB qui est visée ainsi que son stablecoin, le BUSD, dont l’émission est aujourd’hui à l’arrêt. Le régulateur new-yorkais a ordonné à Paxos, qui avait la charge de son émission, d’arrêter de le faire.
Fin janvier, une enquête indépendante démontrait que la plateforme aujourd’hui placée sous le régime des faillites américain (Chapitre 11) Celsius Network avait utilisé les cryptoactifs de ses clients pour gonfler artificiellement le prix de son jeton natif, le CEL. Dans de nombreux cas, les jetons des plateformes leur permettent une meilleure gestion des liquidités.
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La transparence des rendements en question
Le staking, pratique qui consiste à immobiliser des cryptomonnaies sur un réseau blockchain pour participer à la validation des transactions, et ainsi assurer sa sécurité en échange d’une rémunération, est l’autre grand point commun des plaintes contre Binance et Coinbase. «Que font-ils de vos cryptos? Les prêtent-ils, empruntent-ils avec ou les échangent-ils entre eux ? Des investisseurs devraient avoir accès à ces informations importantes», déclarait Gary Gensler dans une vidéo pédagogique expliquant le fonctionnement du staking en février dernier. A ce moment là, Kraken, autre grande plateforme du marché, écopait d’une amende de 30 millions de dollars. La SEC lui reprochait le manque de visibilité vis-à-vis de ses utilisateurs quant aux rendements qu’elle leur versait.
A lire aussi: L’écosystème Ethereum est dans le viseur des autorités américaines
Le staking constitue la base du nouveau consensus Ethereum. Ce mode de validation est appelé preuve d’enjeu (proof-of-stake, PoS) et consomme beaucoup moins d’énergie que la preuve de travail (proof-of-work, PoW), très critiquée pour son manque de décentralisation. C’est notamment ce point qui pousse Gary Gensler à considérer publiquement Ethereum comme un instrument financier.
Pour devenir validateur d’Ethereum, il est nécessaire d’immobiliser au moins 32 ethers (ETH), la cryptomonnaie native du réseau, soit plus de 50.000 dollars. Face à ce ticket d’entrée élevé, des entreprises comme Lido agrègent des ETH déposés par leurs clients qui peuvent ainsi toucher des intérêts en mobilisant de petites sommes. Gary Gensler estime que ce système permet à «un public d’investisseurs d’anticiper des profits basés sur les efforts des autres», faisant référence au «test de Howey» qui considère comme une vente de titre financier toute action d’investisseurs s’attendant à obtenir un rendement du travail de tiers. Pour le patron de la SEC, le staking «ressemble beaucoup au prêt», action rentrant dans le champ du «test de Howey» et donc des instruments financiers.
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Contrairement à Kraken, le programme de staking proposé par Coinbase est assimilable à de la simple délégation et ne rentrerait pas dans le champ de l’investissement. C’est en tout cas la ligne de défense de la plateforme dirigée par Brian Armstrong qui, depuis plusieurs mois, défend bec et ongles son programme. Elle ne l’estime pas soumis à la législation des instruments financiers et donc à une politique de transparence plus stricte. L’hypothèse d’un contentieux entre la SEC et la plateforme est plus que jamais d’actualité.
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