Renault s’offre un avenir au-delà des voitures thermiques

Le groupe au losange cède à la complexité en se réorganisant en cinq pôles. Parmi eux, Ampère, consacré au 100 % électrique, est voué à être coté d’ici à fin 2023.
Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones
Luca de Meo, à l'occasion du Renault Capital Market Day 2022 (8 novembre 2022)
Luca de Meo, à l'occasion du Renault Capital Market Day le 8 novembre 2022.  -  Photo Renault

Renault lance sa « Révolution ». Le 8 novembre était marquée d’une pierre blanche dans l’agenda du groupe au Losange, confié au pilotage de Luca de Meo depuis bientôt trois ans. Le groupe est sorti de la phase critique de sa survie, marquée par l’urgence d’une compression des coûts, suivie d’une phase de relance axée sur l’amélioration des marges plus que la recherche de volumes. Renault engage désormais une troisième phase de son plan stratégique « Renaulution », présenté en janvier 2021, qui doit lui permettre de devenir un constructeur automobile de « prochaine génération » et d’atteindre une marge opérationnelle supérieure à 10% en 2030.

Poids moyen dans une industrie de volumes, confronté à un impératif d’investissement sur un secteur européen en marche forcée vers l’électrique, Renault a échappé au pire sans être sorti d’affaire. « Jusqu'à présent, les constructeurs automobiles évoluaient dans un environnement caractérisé par une technologie de moteurs à combustion thermique mature et des attentes stables des clients », explique le groupe selon lequel « les transformations en cours qui remodèlent l’industrie automobile entraînent l'émergence de nouvelles chaînes de valeur : véhicules électriques, software - logiciels -, nouveaux services de mobilité et économie circulaire ».

Dans ce contexte, Renault met en place une nouvelle organisation en créant cinq divisions caractérisées par des équipes, des technologies, des organes de gouvernance et des comptes de résultat dédiés : Ampere, Power, Alpine, Mobilize et ‘The Future Is Neutral’.

Vers une introduction en Bourse d’Ampere

Selon la nouvelle organisation, Ampere regroupera les activités liées aux véhicules électriques et aux logiciels de Renault. Le constructeur automobile envisage d’ouvrir le capital de cette structure à de potentiels investisseurs stratégiques par le biais d’une cotation sur Euronext Paris.

Power réunira le cœur de métier du constructeur automobile en continuant à développer des véhicules thermiques et hybrides à faibles émissions sous les marques Renault, Dacia et Renault LCV (véhicules utilitaires légers). Cette division sera renforcée par le projet « Horse », préparant la création d’une coentreprise qui sera détenue à parité par Renault et le constructeur automobile chinois Geely. Ce nouvel équipementier automobile, de rang mondial, réalisera un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros dès sa constitution, grâce à un outil industriel composé de 17 usines. Renault déconsoliderait cette activité de son périmètre et de ses états financiers à compter du second semestre de l’année prochaine.

Alpine deviendra une marque exclusive, zéro-émission et porte-étendard du groupe dans le sport automobile. Si le coeur de Mobilize demeure le financerment, la division adressera le marché des nouvelles mobilités, de l'énergie, de l’assurance et des services de données, tandis que The Future Is Neutral sera l’entité dédiée à l'économie circulaire du constructeur.

Dividende en 2023

Grâce à cette nouvelle organisation, Renault se dit en mesure d’atteindre une marge opérationnelle supérieure à 8% en 2025, pour viser 10% en 2030. Le groupe au losange prévoit également un flux de trésorerie disponible de plus de 2 milliards d’euros par an en moyenne entre 2023 et 2025, puis excédant 3 milliards par an en moyenne entre 2026 et 2030. « Le cash et le rendement des capitaux sont les clés », plaide Luca de Meo. Un rendement des capitaux utilisés supérieur à 30% dès 2025 est visé.

Les dirigeants de Renault prévoient un retour du dividende dès l’an prochain, au titre de 2022. « Le taux de distribution augmentera progressivement et de façon disciplinée jusqu'à 35% du résultat net part du groupe, à moyen terme », a précisé l’entreprise qui n’entend pas sacrifier sa priorité de retrouver à une notation financière en ‘catégorie investissement’.

Accueil boursier frileux

L’accueil boursier s’est révélé frileux, avec une action lâchant 3,3 %, soit la plus forte baisse du CAC 40. Si Oddo BHF salue de « prometteuses » annonces, le bureau souligne que celles-ci ressortent dans l’ensemble en ligne avec ses attentes. A court terme, pour 2022, le groupe a confirmé ses objectifs d’une marge opérationnelle supérieure à 5% et d’un flux de trésorerie opérationnel de l’automobile de plus de 1,5 milliard d’euros.

« Ambitieux », les nouveaux objectifs financiers n’en soulèvent pas moins « davantage de questions », selon RBC Capital Markets. « Dans quelle mesure Ampere est indépendant de Power, sachant que ces deux divisions partagent certaines opérations ? », questionne l’intermédiaire financier. « Nous pouvons nous demander si Renault n’essaie pas tout simplement d’attribuer un multiple de valorisation à une activité - Ampere - qui n’est pas vraiment séparable » du reste de ses opérations, suggère l’intermédiaire financier. RBC Capital Markets peine également à comprendre comment Ampere pourra atteindre la rentabilité en 2025, dans un contexte d’inflation des coûts des batteries. « Ce n’est pas en rajoutant de la décote à la décote, en multipliant les minoritaires, que Renault retrouvera les faveurs du marché », grince un autre analyste, basé à Londres.

Par ailleurs, « le marché peut être déçu de l’absence d’annonces concernant l'évolution promise de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi et par la présentation de perspectives proches des attentes du consensus », ajoute un analyste basé à Paris. La patience reste requise puisque le résultat des discussions entre les membres de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi n’interviendront que « dans les prochaines semaines », a indiqué Luca de Meo. « Ces discussions se déroulent dans un esprit constructif », a souligné le dirigeant. Avec ces échanges se cachent d’autres les enjeux plus lourds, notamment ceux d’un rééquilibrage capitalistique et de la gouvernance. De quoi présenter encore bien des risques de sortie de route.

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles Entreprises

Contenu de nos partenaires

A lire sur ...

beymedias-1.svg