
L’usine Europe prend froid

C’était il y a deux ans, une éternité. Dans le marasme du Covid, un vent d’espoir soufflait : on allait relocaliser, re-régionaliser, rapprocher les usines de production du consommateur final pour couper notre dépendance aux masques chinois ou aux médicaments génériques indiens. Il en allait de notre souveraineté. Un choc énergétique plus tard, il nous faut encore vivre, à un degré moindre, avec les retards dans les chaînes d’approvisionnement, mais en faisant le deuil de ce vaste mouvement de réindustrialisation (lire ici).
Le risque de décrochage de l’usine Europe est réel. La flambée des prix du gaz et de l’électricité met tous les groupes dits « énergo-intensifs » sous pression, et au-delà, leurs clients. Sidérurgistes, chimistes, fabricants de verre, imprimeurs, sucriers… la liste est longue des secteurs qui voient leur facture s’envoler. Le coup est encore plus violent pour les entreprises déjà en butte à des tensions sur leurs achats et incapables de répercuter ces charges sur leurs prix de vente. Certaines tournent au ralenti, d’autres sont à l’arrêt.
Bien sûr, les organisations patronales ont beau jeu de crier à la désindustrialisation pour obtenir le soutien des Etats. Mais ces douze derniers mois annoncent un monde où l’énergie sera durablement plus chère, qui pourrait transformer l’économie européenne dans les mêmes proportions que le double choc pétrolier des années 1970. Moins d’industrie, plus de services : on sait ce que cette déformation a de funeste pour les ménages et les territoires si la valeur ajoutée se déporte en dehors de l’Union européenne.
Deux fronts
La faiblesse de l’euro et les subventions publiques pourront servir d’amortisseur, mais jusqu’à un certain point et dans la limite des capacités budgétaires de chacun. Le bazooka allemand de 200 milliards d’euros, que l’Allemagne a dégainé sans en avertir ses voisins, en montre les effets pervers. S’il serait injuste de reprocher à Berlin de vouloir protéger son consommateur, ses aides massives aux entreprises fleurent bon la distorsion de concurrence, comme aux premiers jours de la pandémie de Covid.
L’Union européenne se voit donc sommée d’apporter une réponse commune sur deux fronts. En interne, pour assurer le bon fonctionnement du marché de l’énergie, garantir l’équité et couper court aux politiques non coopératives qui, sur les plans budgétaire et monétaire, feront in fine pencher la balance outre-Rhin. A l’extérieur de ses frontières, où la Chine et l’Amérique du Nord s’appuient sur des ressources relativement moins chères et pratiquent le protectionnisme à grande échelle dans des industries en croissance, telles que les véhicules électriques. Sur l’un et l’autre point, la réponse désordonnée des derniers mois et la naïveté historique de Bruxelles en matière de réciprocité commerciale n’incitent guère à l’optimisme.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse