
L’hyperconsommation de cash mène Casino et ses actionnaires à l’indigestion

Rien de neuf ou presque en rayon chez Casino. Les résultats de l’exercice 2022, présentés vendredi, ont une fois de plus démontré l’incapacité du distributeur à se désendetter de manière organique en France. Alors que le groupe a cédé l’an passé pour 1,46 milliard d’euros d’actifs non stratégiques, la dette nette de ses activités françaises n’a été réduite que de 339 millions d’euros.
A fin décembre 2022, elle représentait un montant colossal de 4,5 milliards d’euros, héritage de la stratégie d’expansion par endettement déroulée depuis les années 1990 par Jean-Charles Naouri, le PDG de Casino.
Après avoir déjà consommé pour 127 millions d’euros de trésorerie en 2021, les opérations de Casino en France en ont brûlé 524 millions d’euros l’an dernier. Selon Oddo BHF, qui tablait sur un flux de trésorerie positif de 163 millions d’euros dans l’Hexagone en 2022, cette déconvenue s’explique par le recul de l’excédent brut d’exploitation (Ebitda) du groupe. Elle découle également d’une augmentation de 395 millions d’euros sur un an du besoin en fonds de roulement, liée notamment à un niveau élevé des stocks à fin 2022.
Dérapage
Pour Bryan, Garnier & Co, le «dérapage» du besoin en fonds de roulement signifie que Casino a payé ses fournisseurs avec plus de 15 jours de retard à la fin du troisième trimestre. L’intermédiaire financier alerte également sur le bas niveau de la trésorerie brute de Casino en France. Elle s'établissait à 434 millions d’euros à fin 2022, ce qui peut expliquer pourquoi le groupe est si pressé de vendre un nouveau bloc d’actions de son enseigne brésilienne Assai, spécialiste du libre-service de gros (cash and carry). Mardi 7 mars, Casino a indiqué étudier un nouveau projet de cession d’une partie de sa participation dans Assai, pour un montant d’environ 600 millions de dollars.
Si Casino respecte toujours ses engagements bancaires, c’est «de justesse», relève par ailleurs Jefferies. Au 31 décembre 2022, le ratio dette brute sécurisée sur Ebitda après loyers s'établissait à 3,11 en France, soit légèrement en dessous du plafond autorisé de 3,5. Le groupe dispose donc d’une étroite marge de manœuvre, de 270 millions d’euros au niveau de la dette brute sécurisée et de 77 millions d’euros au niveau de l’Ebitda après loyers.
A lire aussi: S&P envoie Casino à un nouveau plus bas historique
Une situation «intenable»
Pour l’ensemble du groupe, la dette nette culminait à 6,37 milliards d’euros au 31 décembre 2022, en augmentation de 512 millions d’euros par rapport à fin 2021 et lestée par le plan d’expansion d’Assai au Brésil. «Casino n’a pas été en mesure de se désendetter malgré l’exécution partielle de son plan de cession d’actifs et les effets positifs de la pandémie de Covid-19 sur le commerce, en dépit de faibles niveaux d’investissement et de l’arrêt du versement de dividendes à sa maison mère Rallye», déplore JPMorgan. Pour Oddo BHF, la situation de Casino au regard de son endettementest «intenable à moyen terme».
Les dirigeants de Casino ont bien tenté de se montrer rassurants en rappelant leur volonté de finaliser d’ici à la fin de cette année le plan de cession d’actifs non stratégiques en France d’un montant de 4,5 milliards d’euros. Depuis juillet 2018, le groupe a vendu pour 4,1 milliards d’euros d’actifs et promet de réaliser pour 400 millions d’euros de cessions supplémentaires avant la fin décembre. Cette année, Casino compte également réduire de 250 millions d’euros les coûts de ses enseignes de distribution françaises et diminuer leurs stocks de 190 millions d’euros.
Action et dette trinquent
Le groupe a même essayé de faire diversion, en annonçant jeudi soir son intention de finaliser son rapprochement avec le distributeur français Teract d’ici à la fin du mois de juin. Avec l’espoir que la perspective de cette union retienne l’attention des investisseurs, à défaut de les enthousiasmer.
Mais le marché n’a que faire de ces objectifs et perspectives. A la Bourse de Paris, le titre Casino refluait de 5,4% vendredi, à 8,1 euros, tandis que son obligation à échéance avril 2027 reculait sensiblement pour s'établir autour de 47%, soit moins de la moitié de sa valeur nominale.
La revalorisation des différents titres émis par Casino dépendra de la capacité du groupe à créer de la valeur en cédant des actifs, en réduisant sa dette et en simplifiant sa structure. Le menu est sur la table depuis des mois mais les investisseurs restent sur leur faim.
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