
Les sociétés doivent se préparer à un activisme climatique de plus en plus exigeant

Le climat, un angle d’attaque pour les activistes. Aux Etats-Unis, où le dépôt de résolutions par les actionnaires est plus aisé qu’en Europe, le soutien des résolutions climat dans le S&P 1500 est passé de 26% en 2019 à 41% en 2021, précise Louis Barbier SquareWell Partners, lors d’une table ronde co-organisée avec Chapter Zero France.
Pourquoi une telle accélération ? Pour l’organisation néerlandaise Follow This, active chez les pétrolières, le dépôt de résolutions constitue le meilleur levier actionnarial, et permet d’engager une discussion précise sur la transition climatique. « Une résolution qui revient tous les ans, quantifie l’impatience des actionnaires, souligne Tarek Bouhouch, représentant de Follow This pour la France. Nos résolutions connaissent un succès croissant, passant de 2,5% jusqu’à 15% » en quelques années. Pour l’ONG, un véritable « say on climate » prévoit un alignement sur l’accord de Paris pour les scopes 1, 2 et 3. Or, les résolutions déposées par Atos, Total et Vinci l’an dernier « n’en sont pas, ajoute Tarek Bouhouch. Elles sont seulement des résolutions ‘maison’ appelant à plébisciter une ambition climatique ». Pour cette année, déjà 24 résolutions climat émanant des émetteurs sont annoncées dans le monde, selon SquareWell.
Difficultés à obtenir le soutien des institutionnels
L’activiste Bluebell, pour qui l’ESG fait naturellement partie du processus d’investissement, veut accompagner les sociétés dans leur transition écologique. Alors que les sociétés très exposées au charbon pâtissent d’une forte décote en Bourse, le fonds les invitent à scinder leurs activités, pour que les activités non-charbon, soient mieux valorisées et aient accès aux financements. Autre moyen d’action, Bluebell, comme actionnaire de Solvay, a déposé une quarantaine de questions écrites pour sensibiliser les autres actionnaires sur les traitements des déchets d’une usine du groupe en Italie.
Cet activisme climatique, n’est pas un activisme classique. Il « a une coloration différente, précise Caroline Ruellan, présidente de SONJ Conseil. Aucun conseil, quel que soit son secteur, ne peut ignorer ce défi. D’une part, la question du climat est d’une extrême gravité, d’autre part, les parties prenantes attendent de plus en plus une entreprise citoyenne ». Les ressorts de l’activisme vert sont différents, « l’objectif premier n’étant pas financier, cela passera vraisemblablement par une destruction de valeur avant d’en créer à nouveau », prévient Caroline Ruellan. ONG et activistes pourraient aussi s’allier avec les activistes financiers classiques et profiter de leur force de frappe financière. Chez Exxon, Engine No. 1 avait réussi à embarquer les plus grosses gestions mondiales avec lui. Mais, il est « difficile d’obtenir un consensus des actionnaires, constate Tarek Bouhouch. Dans une grande entreprise, l’investisseur institutionnel est aussi un fournisseur de services. Aussi, nous avons du mal à obtenir leur soutien ». Dans ces conditions, s’abstenir est aussi une marque de courage.
Créer de la valeur grâce à la transition climatique
Pour l’administrateur, le seul objectif est de créer de la valeur, qui passe nécessairement par la transition climatique, estime Nicolas Ceron, gérant chez Bluebell. Cela passe par un dialogue avec les sociétés. Dialogue confidentiel – avec le conseil et le directeur général – qui devient public seulement s’il est conflictuel. Pour sa part, Follow This dialogue avec les pétrolières et avec les grands investisseurs institutionnels (fonds de pension aux Pays-Bas, assureurs en France,…). Pour l’entreprise, « la manière la plus intelligente d’avancer est de préempter les sujets, avec sincérité, et avec des objectifs ambitieux, poursuit Caroline Ruellan. A elles d’embarquer les actionnaires en dialoguant toute l’année, sans omettre les difficultés (coûts, destruction de valeur à court terme, modification de la stratégie…). A l’AG c’est trop tard ».
Le climat « est en passe de devenir une obligation de plus en plus contraignante », prévient Clémentine Baldon avocate chez Baldon Avocats, soulignant l’obligation légale française de prendre en compte les enjeux environnementaux et sociaux, les travaux européens sur le devoir de vigilance, introduisant de nouvelles obligations pour les administrateurs, et rappelant que Shell a été condamné par un tribunal néerlandais à revoir ses objectifs climatiques à la hausse. Alors que Greenpeace et Les Amis de la Terre ont récemment assigné TotalEnergies pour greenwashing, une première, « d’autres sociétés pourraient être ‘challengées’ si elles ne changent pas réellement leur stratégie, prévient Clémentine Baldon. Le risque n’est pas que juridique, mais aussi réputationnel ». Pour y faire face, les entreprises doivent s’adapter à leur temps. « Il faut rajeunir les conseils, conclut Caroline Ruellan. Les nouvelles générations ont une conscience plus aiguë des défis climatiques ».
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