
Les administrateurs doivent mettre les défis climatiques sur la table du conseil

Les conseils ne peuvent plus faire l’impasse sur le climat. Quelques semaines après avoir dévoilé les conclusions d’une enquête réalisée auprès de ses membre sur la prise en compte des enjeux climatiques, l’Institut français des administrateurs (IFA) présentait hier ses recommandations pour les conseils d’administration. Si l’urgence d’agir ne suscite plus de doute, la mobilisation tarde. Les entreprises seront touchées dans toutes leurs dimensions, mais elles sont loin d’avoir toutes fixé des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. «Nous contribuons à produire la stratégie, les enjeux climatiques en sont un des éléments constitutifs, explique Françoise Malrieu, administratrice de l’IFA et présidente du groupe de travail sur les enjeux climatiques. Pour parvenir à l’objectif de neutralité carbone en 2050, toutes les entreprises devront ajuster leur modèle économique. Actuellement, les questions climatiques remontent au conseil le plus souvent au moment de l’examen de la cartographie des risques, avec le chiffrage de leur impact et les éléments de leur couverture. Ce n’est pas suffisant.»
En effet, il ne s’agit pas tant d’une question de transparence de l’information que de définir un nouveau modèle d’affaires durable. «Dans un premier temps, les régulateurs ont essayé de conduire les entreprises vers la transition énergétique, au travers du reporting climatique du secteur financier, poursuit Françoise Malrieu. Prendre ce sujet sous l’angle de la mesure et du reporting, c’est encore risquer d’aboutir à de nouvelles normes, au détriment de la réflexion stratégique qui vise à construire une offre pérenne en faisant adhérer collaborateurs, clients et l’ensemble des parties prenantes».
Réorganiser les ordres du jour
Pour un administrateur, «appréhender avec pertinence pour son entreprise les enjeux climatiques requiert du temps. Or les conseils se consacrent en priorité à des prises de décisions immédiates. Ils ont de plus dans la période récente été absorbés par la supervision de bon nombre de nouvelles obligations réglementaire (RGPD, anti-corruption...), ajoute Françoise Malrieu. Pour traiter avec sérénité et efficacité les questions systémiques comme le risque climatique, il nous incombe de réorganiser les ordres du jour des conseils d’administration». Le rapport demande ainsi aux administrateurs de veiller à ce que les enjeux climatiques soient au cœur de la stratégie de l’entreprise et à ce que le management prenne effectivement des dispositions pour mesurer les émissions des gaz à effet de serre, pour adopter une trajectoire de réduction de leur empreinte carbone, pour identifier les risques et opportunités de cette transition climatique pour l’entreprise, pour allouer les ressources nécessaires et pour intégrer la dimension climat dans toutes les décisions-clés de l’entreprise.
Faut-il alors accueillir dans les conseils des spécialistes du climat ? «Si le sujet est nouveau, il ne nécessite pas de spécialistes, mais une formation des administrateurs. Un conseil ne peut être fait d’une addition de spécialistes. L’important est d’avoir des profils complémentaires, poursuit Françoise Malrieu. On pourrait créer un comité spécialisé sur le climat. Mais, il ne faut rien systématiser. Par exemple, dans les sociétés énergétiques, un comité dédié à l’environnement existe souvent.» Le rapport de l’IFA demande de structurer le fonctionnement du conseil afin de s’assurer des convictions et de l’engagement du dirigeant et de contrôler que le climat est mis périodiquement à l’agenda du conseil. «C’est le rôle de l’administrateur de vérifier que le sujet soit bien traité», rappelle Françoise Malrieu.
Dans un souci de convergence des intérêts de l’entreprise et de ceux des parties prenantes, l’IFA incite l’entreprise à coopérer avec tous les acteurs de sa chaîne de valeurs, à adapter la compétence de ses salariés et à introduire dans la rémunération variable des dirigeants des critères quantifiables liés à la performance climatique, «comme la trajectoire de réduction des émissions et la notation environnementale de la société», précise Françoise Malrieu.
Enfin, le rapport invite les sociétés à veiller à leur communication sur les enjeux climatiques, dans un souci de pertinence et de qualité. Les entreprises doivent aussi favoriser la communication entre le conseil et les parties prenantes. «Ces échanges ne sont pas encore une pratique courante, mais la généralisation des road-shows gouvernance permettra aux conseils d’administration de mieux expliquer comment ils travaillent les enjeux climatiques», conclut Françoise Malrieu.
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