Le ratio d’équité va s’imposer dans les entreprises

L’ordonnance, présentée mercredi en conseil des ministres, rend obligatoire la comparaison entre l’évolution de la rémunération et celle de la performance de l’entreprise.
Bruno de Roulhac

Mercredi, l’ordonnance sur le ratio d’équité entre les rémunérations des dirigeants et le salaire moyen et médian des salariés sera présentée en conseil des ministres, et devrait être publiée au journal officiel le lendemain. Parmi les mesures emblématiques de la loi Pacte, ce ratio a pour objectif affiché de contribuer à une «responsabilisation accrue des pratiques salariales des entreprises».

Les sociétés devront présenter deux premiers ratios. L’un entre la rémunération du dirigeant et la rémunération moyenne, en équivalent temps plein, des salariés de la société hors mandataires sociaux. L’autre avec la rémunération médiane des salariés. Et les émetteurs devront montrer l’évolution des deux ratios sur au moins cinq ans, afin de permettre la comparaison.

Si le texte précise la notion de dirigeant (président non exécutif, directeur général, et chaque directeur général délégué), il pose toujours la question du périmètre. «Les sociétés concernées seront les holdings de tête, employant souvent moins de 50 salariés occupant des fonctions supports avec généralement des salaires élevés. Ce ratio n’aura donc qu’un intérêt très limité et ne capturera pas le différentiel de rémunération avec le cadre moyen ou l’employé du groupe, estime Hubert Segain, avocat associé chez Herbert Smith Freehills. Ce ratio est déjà obligatoire au Royaume-Uni et il est généralement admis qu’il a peu d’utilité. Dans des lignes directrices, l’Afep a récemment proposé aux sociétés de redéfinir ce périmètre pour le rendre plus pertinent». En effet, les émetteurs ont tout intérêt à tirer avantage de cette nouvelle obligation en lui donnant un sens plutôt que de la subir.

«Les sociétés devront préparer leur communication sur ces ratios d’équité, pour éviter que le marché ne fasse des comparaisons inadaptées entre sociétés, explique Véronique Bruneau-Bayard, avocat chez CMS Francis Lefebvre Avocats. Cette nouvelle exigence va vers davantage de transparence. Les actionnaires sont surtout attentifs à l’absence de décalage entre la progression de la rémunération des dirigeants, et les performances de l’entreprise ou l’évolution du cours de Bourse.»

L’ordonnance demande également d’établir sur cinq ans une évolution annuelle de la rémunération moyenne, de la rémunération des dirigeants et des performances de la société, d’une «manière qui permettre la comparaison», précise le projet d’ordonnance. «Un ratio beaucoup plus pertinent, qui répond notamment aux attentes des investisseurs et des proxys, réclamant un ‘pay for performance’», poursuit Hubert Segain. Les sociétés devront aussi expliquer la manière dont la rémunération totale «contribue aux performances à long terme de la société, et de la manière dont les critères de performance ont été appliqués», selon le projet d’ordonnance.

Avec ces nouvelles exigences en matière de rémunération des dirigeants, «on a l’impression qu’on veut inciter les actionnaires à moraliser de force des comportements que le législateur se refuse pourtant à qualifier lui-même d’abusifs, confie Frank Martin Laprade, avocat associé chez Jeantet. Si l’on a rendu impératif le respect de la politique de rémunération approuvée par l’AG, conformément à la directive, on a en revanche laissé aux actionnaires la possibilité d’invalider a posteriori le bonus annuel des dirigeants, y compris s’il n’est que le résultat de la politique préalablement votée. Permettre ainsi de revenir sur ce qui était initialement convenu ne s’inscrit pas dans l’esprit de la directive: c’est une initiative française qui peut constituer un répulsif poussant certaines sociétés cotées à quitter le marché réglementé pour aller sur Euronext Growth par exemple».

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