
Casino met les bouchées doubles

Sous la pression des investisseurs qui s’interrogent encore sur la crédibilité des mesures de redressement annoncées depuis l’année dernière, Casino accélère son programme de ventes d’actifs. Le groupe de grande distribution, dont la maison mère Rallye a été mise sous procédure de sauvegarde fin mai, a annoncé hier sa décision de réaliser deux milliards d’euros de cessions d’ici à la fin du premier trimestre 2021.
L’annonce, qui conclut la revue détaillée des actifs de Casino en France, entre dans le cadre de la préparation du plan triennal 2022-24, qui – dévoile également le groupe – prévoit pour ses activités en France de concentrer son développement «sur les formats (l’e-commerce, le premium et la proximité) et les géographies porteurs», les «nouveaux métiers à forte croissance (énergie, data et publicité, data centres)» et, en matière financière, sur la génération de flux de trésorerie récurrents. Ces orientations accentuent les priorités fixées dans le plan stratégique 2019-21 annoncé en mars dernier.
Accélérer le désendettement
La tranche supplémentaire annoncée hier s’ajoute au programme de 2,5 milliards d’euros de cessions déjà prévues à l’échéance du premier trimestre 2020 – et dont 2,1 milliards ont déjà été signés à ce jour. Les critères de sélection des nouveaux actifs à céder ne sont pas précisés dans le communiqué, si ce n’est qu’ils concernent la France et que leur vente devra être «source de création de valeur». Selon le bureau de recherche crédit Tullett Prebon, «Casino se débarrassera probablement des biens immobiliers et des magasins non rentables, tout en réduisant son exposition aux hypermarchés». Les cessions déjà effectuées comprennent les murs de magasins (super- et hypermarchés Casino, Monoprix), la filiale dans l’Océan indien Vindémia, la filiale de restauration collective R2C et les parts de sa filiale brésilienne GPA dans Via Varejo.
«Le recentrage du groupe […] est positif. Des cessions supplémentaires de 2 milliards d’euros permettront au groupe de se désendetter plus rapidement et d’améliorer sa situation financière», estiment les analystes de Tullett Prebon. En outre, les activités sur lesquelles Casino veut se concentrer sont censées générer de plus fortes marges que la grande distribution traditionnelle.
Le deuxième volet de cessions parait nécessaire. En effet, le désendettement est une nécessité absolue pour Casino et Rallye : la dette nette du premier atteignait 4,74 milliards d’euros au 30 juin et celle de sa maison mère 2,9 milliards. Casino veut réduire sa dette en France à moins de 1,5 milliard d’euros à la fin de l’année 2020, contre 2,7 milliards fin 2018. Selon les calculs du courtier Bryan Garnier, le premier volet de cessions et le non-paiement d’un dividende pour l’année 2019 (annoncé le mois dernier) devraient réduire le ratio dette nette sur Ebitda à 1,9 en France en 2019 (soit 1,84 milliard d’euros), puis à 1,4 en 2020 (soit 1,49 milliard d’euros).
Identifier les prochains actifs à céder
Les investisseurs ont d’ailleurs salué l’annonce d’hier : le titre Casino a terminé en hausse de 9,2% (à 39,1 euros) et celui de Rallye a bondi de 18,8% à 4,90 euros.
Mais il est probable que Casino doive encore réduire sa dette dans les années à venir, ne serait-ce que pour aider Rallye en contribuant au remboursement d’une partie de sa dette, par exemple via le versement d’un dividende exceptionnel. Dans ce contexte, le deuxième volet de cessions n’est donc pas superflu.
Reste à les identifier. Sachant qu’il reste encore 400 millions d’euros à vendre du programme de 2,5 milliards, Bryan Garnier «peine à identifier les actifs potentiels de 2 milliards d’euros» supplémentaires annoncés hier : il cite la participation de 34% de GPA dans Cnova et la réduction de la part de Casino dans Cnova de 65% à 51% (une double opération que le courtier évalue à 330 millions), les 25,3% de Casino dans Mercialys (pour environ 230 millions), Leader Price (pour 130 millions), Casino Restauration (pour 50 millions) et de nouvelles cessions de murs. Il semble difficile d’atteindre les 2,4 milliards d’euros restant à céder.
La rationalisation des activités latino-américaines pourrait également donner l’occasion à Casino de se départir d’autres actifs. «A moyen terme, il est logique que Casino reste au Brésil, mais sa présence en Colombie, Uruguay et Argentine est moins stratégique. Une fois que la réorganisation sera achevée, nous pensons que GPA pourrait vendre [le distributeur colombien] Exito», estime Arnaud Joly, analyste à la Société Générale.
Supprimer les décotes de holding
Casino poursuit la simplification de sa structure en Amérique latine présentée au début de l’été. Il a annoncé lundi soir avoir relevé son offre portant sur l’acquisition des 50% du capital de GPA détenus par Exito, de 109 à 113 réaux par action, suite au travail d’audit réalisé par le colombien. Les autres projets sont inchangés : il est prévu par la suite que GPA lance une OPA sur la totalité du capital d’Exito. Au terme de ces opérations, Casino possédera 41,4% de GPA, qui deviendra l’actionnaire de contrôle d’Exito et de ses filiales en Uruguay et en Argentine.
L’objectif de cette réorganisation est de supprimer les décotes de holding et d’améliorer la transparence de la gouvernance. «Nous pensons que le projet permettra en particulier à GPA, après passage au Novo Mercado, d’avoir accès à une base étendue d’investisseurs internationaux», indique à L’Agefi un porte-parole de Casino. Le Novo Mercado est la section de la Bourse brésilienne destinée aux entreprises qui acceptent des règles de gouvernance plus strictes que celles prévues par la loi. L’intégrer améliore en général la représentation d’une entreprise cotée dans les indices internationaux et sa reconnaissance par les investisseurs internationaux – donc potentiellement la valorisation du titre.
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Astrid Panosyan-Bouvet visée par une plainte autour d'un redressement fiscal évité à une entreprise
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Etats-Unis : ce que l'on sait de Tyler Robinson, l'assassin présumé de Charlie Kirk
Washington - Tyler Robinson, assassin présumé du militant conservateur américain Charlie Kirk, a été arrêté jeudi soir et identifié publiquement vendredi par les autorités américaines. Voici ce que l’on sait de lui. Aîné d’une fratrie de trois enfants dans le sud de l’Utah Tyler Robinson, 22 ans, vivait «depuis longtemps avec sa famille dans le comté de Washington», à l’extrémité sud-ouest de l’Utah, près de la frontière avec le Nevada et l’Arizona, a indiqué le gouverneur de l’Etat, Spencer Cox. Il a fait ses études primaires et secondaires dans la ville de St George et n’a pas de casier judiciaire dans l’Etat, selon les médias américains. «Pendant 33 heures, j’ai prié pour que (...) ce ne soit pas l’un d’entre nous, mais quelqu’un venu d’un autre Etat ou d’un autre pays», a confié vendredi le gouverneur au sujet du meurtrier présumé de Charlie Kirk, tué d’une balle dans le cou mercredi lors d’un débat public sur un campus universitaire. «Mais cela s’est passé ici, et c'était l’un d’entre nous», a-t-il reconnu. Des photos publiées sur les réseaux sociaux de sa mère, Amber, semblent montrer une famille unie. Tyler Robinson était l’aîné de trois garçons. Après sa sortie du lycée en 2021, il a «brièvement étudié à l’Université d’Etat de l’Utah pendant un semestre en 2021", selon cet établissement. Aucune affiliation politique connue Tyler Robinson est un électeur enregistré dans cet Etat majoritairement républicain mais il n’a aucune affiliation politique connue. Un membre de sa famille a néanmoins témoigné que «Robinson était devenu plus politisé ces dernières années», a souligné le gouverneur Cox. Ce membre de la famille a fait état d’une récente conversation avec un parent au cours de laquelle Tyler Robinson avait mentionné la prochaine venue de Charlie Kirk dans l’Utah et partagé son hostilité à sa personne et à ses opinions, très conservatrices. Des messages à tonalité antifasciste ont été retrouvés sur les munitions découvertes après l’assassinat, a indiqué Spencer Cox. «Sur des inscriptions sur les trois munitions non utilisées on pouvait lire +Eh fasciste! Attrape ça!», a expliqué le gouverneur. Une deuxième douille était gravée du refrain de la célèbre chanson antifaciste «Bella ciao» mais d’autres inscriptions paraissaient plus difficiles à interpréter, dont des symboles inspirés de l’univers des jeux vidéo. Dénoncé par des membres de sa famille Tyler Robinson a été signalé aux autorités par des membres de sa famille. Jeudi soir, selon le gouverneur «un membre de la famille» du suspect a joint un ami, lequel a ensuite contacté les autorités pour les informer que «Robinson leur avait avoué ou laissé entendre son implication» dans l’assassinat. «C’est là qu’il vivait et c’est là qu’ils l’ont remis aux autorités», a indiqué M. Cox. Il a été appréhendé jeudi soir vers 22H00 locales (04H00 GMT vendredi) après 33 heures de traque, selon le directeur de la police fédérale (FBI), Kash Patel. Selim SAHEB ETTABA © Agence France-Presse -
Malgré sa mort, les partisans de Charlie Kirk restent attachés aux armes à feu
Orem - Boeden Seitzinger est encore «traumatisé» par la mort de Charlie Kirk. Cet électricien américain était dans les tous premiers rangs du rassemblement où l’influenceur pro-Trump a été tué d’une balle dans le cou. «J’ai vu le sang jaillir de son artère carotide», raconte à l’AFP le jeune homme, coiffé d’une casquette rouge «Make America Great Again». «Il était évident qu’il n’allait pas s’en sortir. C'était terrifiant.» Malgré la mort de cette figure de la droite américaine, il rejette en bloc l’idée d’instaurer des contrôles plus stricts pour obtenir des armes à feu aux Etats-Unis. "Ça n’aurait rien changé. Quand on veut, on peut, les gens se procurent des armes, quoi qu’il arrive», souffle-t-il, lors d’une veillée à la mémoire du militant conservateur à Orem, dans l’Utah (ouest). Un suspect est actuellement en garde à vue pour le meurtre de M. Kirk. Les autorités n’ont pas encore expliqué dans quelles conditions le fusil à lunette, retrouvé dans des bosquets près de la scène de crime, a été acquis. Mais une chose est sûre : l’Utah, où l’influenceur a trouvé la mort, est un des Etats les plus permissifs en matière d’armes à feu. Dans cette région très conservatrice, les adultes peuvent porter des armes à feu sans permis, sauf pour les jeunes âgés de 18 à 20 ans. Sur les campus, comme celui de l’université Utah Valley, où M. Kirk a été tué, avoir une arme est possible à condition d’avoir un permis. Défenseur du deuxième amendement Âgé de 18 ans, M. Seitzinger a grandi en chassant avec sa famille et s’est procuré il y a quelques mois son premier fusil. L’achat a pris trente minutes, temps nécessaire pour que la boutique vérifie ses antécédents. Il refuse toute règle qui l’aurait obligé à attendre plusieurs jours. «Ce n’est pas ce que Charlie aurait voulu», estime-t-il. «Charlie disait souvent que le danger d’une arme à feu vient uniquement de son propriétaire. Il ne faut pas blâmer l’arme à feu, mais plutôt la personne qui la brandit», reprend-il. «Le fait qu’il soit mort ne m’inspire pas une peur des armes à feu, cela me rend méfiant envers les gens.» Le militant, qui a été abattu alors qu’il répondait à une question sur les tueries par armes à feu, était un ardent défenseur du deuxième amendement de la Constitution américaine. Il avait par exemple estimé que «cela vaut la peine, hélas, de déplorer chaque année un certain nombre de morts par arme à feu afin de pouvoir jouir du deuxième amendement, qui protège nos autres droits offerts par Dieu». Avec plus d’armes à feu en circulation que d’habitants, les Etats-Unis affichent le taux de mortalité par arme à feu le plus élevé de tous les pays développés. En 2024, plus de 16.000 personnes, sans compter les suicides, ont été tuées par arme à feu, selon l’ONG Gun Violence Archive. «Dissonance» Les gouvernements successifs n’ont jusqu'à présent pas réussi à endiguer les tueries, fléau de la vie quotidienne systématiquement suivi des traditionnelles «prières» envoyées par la classe politique. A 73 ans Reed Fansworth, a lui aussi prié pour M. Kirk avec des centaines de personnes lors de la veillée. Dans la foule, ce manager d’une entreprise d’informatique a aperçu quelques personnes porter des armes, et s’est senti rassuré. «L’Utah, c’est un peu le Far West», sourit-il, grand drapeau étoilé en main. «Quand tout le monde porte une arme, vous faites attention à votre comportement.» «La mort de Charlie ne change pas grand-chose», poursuit-il. «Nous devons nous préoccuper des personnes qui ressentent cette colère, mais nous ne devons pas retirer les armes de tout le monde.» De son côté, Leah Marett avoue ressentir une «dissonance», face à l’assassinat de M. Kirk. Mais pour cette étudiante de 25 ans, le débat reste «insoluble». «Il y a tellement d’armes à feu en circulation, même si nous essayions de les retirer, tout le monde ne les rendrait pas», pressent-elle. «Nous laisserions beaucoup de personnes en possession d’armes à feu, et les innocents se retrouveraient sans défense.» Romain FONSEGRIVES © Agence France-Presse