
« 200 milliards d’euros de plus pour les entreprises »

Le projet de loi Pacte* a été adopté le 14 septembre en Commission spéciale. Comment les travaux avancent-ils ?
Le texte est en première lecture à l’Assemblée nationale. Nous y avons prévu 40 heures de débats dans le cadre du temps législatif programmé. A l’issue du processus parlementaire, nous pouvons espérer une promulgation de la loi pour 2019. Certains éléments tels que l’assouplissement des pactes Dutreil (loi de 2003 visant à alléger le coût fiscal de la transmission des entreprises familiales, NDLR) ou les dispositions purement fiscales ont été intégrées au projet de loi de Finances 2019. Le projet de loi Pacte porte déjà plus de 2.500 amendements. J’ai cosigné les amendements des rapporteurs thématiques. Et j’en ai déposé personnellement deux. L’un, adopté, sur la création de fonds de pérennité économique pour la détention et la transmission des actions des sociétés, sur le modèle des fondations actionnaires d’Europe du Nord notamment. L’autre destiné à l’évaluation de la loi Pacte après sa mise en œuvre et au suivi, sur des sujets clés.
Pour le financement des entreprises, entre assurance-vie, épargne retraite et épargne salariale, quel sera le niveau du flux nouveau ?
Les mesures envisagées pourraient générer 200 milliards d’euros de plus pour le financement des entreprises, en particulier petites et moyennes (PME), compris le FCPR (fonds commun de placement à risques, NDLR) retail, le plan d’épargne en actions PME ou Eurocroissance.
Comment pousser Eurocroissance ?
C’est un contrat d’assurance-vie complexe, nécessitant de la pédagogie. Par exemple, un reporting trimestriel sur l’assurance-vie a été adopté par amendement en commission. L’esprit du projet porte à développer l’éducation financière. Il vise aussi à stimuler la concurrence, par exemple en donnant accès à des fonds professionnels, c’est à dire de capital-risque.
Qu’est-ce que « stimuler la concurrence » dans la retraite supplémentaire ?
Offrir à chacun une réponse selon ses besoins. Sortie en rente ou en capital : le législateur n’a pas à faire le choix pour l’épargnant. Surtout qu’il s’agit du troisième volet de la retraite, au-delà du régime de base et des retraites complémentaires. Il n’y a pas de fonds de pension en France : c’est un choix de société. L’épargne retraite est un plus, qui ne remet pas en cause le système par répartition – dont la réforme sera le sujet de 2019.
Pourquoi permettre le transfert des droits de plans d’épargne retraite d’entreprises et pas d’assurances-vie ?
L’épargne retraite est par définition longue et liée à l’entreprise. La possibilité de transférer des droits individuels s’explique : les carrières sont de plus en plus longues, mais aussi de plus en plus variées. En revanche, imposer les transferts dans l’assurance-vie conduirait les compagnies d’assurances à réduire leurs passifs. Ce serait contraire à l’effet global recherché par le projet Pacte, en risquant une baisse des investissements en actions.
Pourquoi plafonner les commissions de transfert ?
Il n’est pas question d’administrer les frais, mais d’apporter une transparence sur ce qui est appliqué à l’épargne, notamment pour les cas de transfert.
Certains voudraient « verdir » ce projet de loi. Qu’en pensez-vous ?
Dans le cadre de l’examen du projet en commission spéciale, nous avons souhaité que chaque compagnie d’assurance-vie propose au moins un support solidaire ou vert lors de la souscription d’un nouveau contrat en unités de compte. Par ailleurs, dans le chapitre 3 de la loi, il est prévu la naissance d’un nouveau statut : l’entreprise à mission – sociale ou environnementale –, sur un objectif de long terme inscrit dans ses statuts. Cela induit aussi de nouvelles formes de gouvernance.
Le chapitre 3 du projet de loi porte d’abord sur le partage de la valeur dans l’entreprise. Quelle est sa philosophie ?
Pour favoriser l’épargne salariale, la mesure phare réside dans la suppression du forfait social (contribution affectée à la Sécurité sociale qui s’applique aux rémunérations autres que les salaires, NDLR) pour les entreprises de moins de 50 salariés, sur les versements issus des primes d’intéressement et de participation, ainsi que sur les abondements employeurs. Il supprime aussi le forfait social pour les entreprises de 50 à 250 salariés qui disposent ou concluent un premier accord d’intéressement. Pour développer l’épargne salariale, nous préférons responsabiliser les entreprises. Les plus petites pourraient recourir à un PEE type : un plan d’épargne d’entreprise proposé par leur branche, afin de limiter les contraintes et les coûts. La simplification pour les entreprises est essentielle. Elle s’illustrera aussi en 2021 avec le guichet unique électronique pour les formalités administratives de création d’entreprises.
L’épargne salariale passe aussi par l’actionnariat salarié. Comment le stimuler ou l’étendre ?
Pour encourager l’actionnariat salarié, on diminue le forfait social sur l’abondement employeur et on assouplit les modalités de mise en place. Le développement dans les sociétés à capitaux publics est possible. A l’occasion d’une privatisation, comme dans le cas de la Française des Jeux, ou d’une évolution de ce capital, comme dans le cas de La Poste. Dans son cas, toutefois, l’actionnariat salarié est en théorie déjà possible.
La Caisse des dépôts va devenir majoritaire au capital de La Poste. Est-ce pour cela que sa gouvernance est revue ?
La Caisse des dépôts change de taille de bilan et de profil avec La Poste : 1.000 milliards d’euros d’actifs, 250.000 salariés et une présence sur tout le territoire… Elle va devenir une des plus grandes institutions européennes, dont il faut pourtant préserver l’indépendance. Au-delà du rôle de l’entreprise, le projet de loi Pacte redéfinit la place de l’Etat dans l’économie tout en renforçant le rôle du Parlement.
Propos recueillis par Alexandre Garabedian et Sylvie Guyony
*Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises. Retrouvez l’interview vidéo du rapporteur général du projet de loi Pacte sur AGEFI TV
ROLAND LESCURE
Formation : Polytechnique, Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae), London School of Economics.
Parcours professionnel : -ministère de l’Economie et des Finances, Insee.
-Natexis (2005-2006).
-Groupama Asset Management (2006-2009).
-Caisse de dépôt et placement du Québec (2009-2017, premier vice-président).
Parcours électif : élu LREM pour la 1ère circonscription des Français de l’étranger (Canada et
Etats-Unis, 2017).
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Paris - Près d’une centaine de mairies dirigées par la gauche ont hissé le drapeau palestinien au fronton de leur mairie lundi, jour choisi par Emmanuel Macron pour reconnaître officiellement l’Etat de Palestine, un pavoisement auquel s’est fermement opposé le ministre démissionnaire de l’Intérieur. Le ministère de l’Intérieur, qui avait donné instruction aux préfets de faire cesser tout pavoisement en vertu du principe de neutralité du service public, de non-ingérence dans la politique internationale de la France et du risque de «troubles graves» à l’ordre public, recensait lundi à 17H00 au moins 86 municipalités réfractaires, sur 34.875 communes. Interrogé par l’AFP, l'Élysée n’a pas souhaité faire de commentaire sur le sujet. Après Nantes, Rennes, Grigny ou Saint-Denis dans la matinée, les mairies écologistes de Besançon et Lyon ont hissé à leur tour le drapeau palestinien sur le fronton de l’hôtel de ville. «Cette reconnaissance de l’Etat palestinien n’est pas une offense faite à Israël (...). L’absence d'État est un terreau fertile pour tous les groupes terroristes, de Daech au Hamas», a estimé le maire écologiste de Lyon Grégory Doucet, cité dans un communiqué. A Tours, le pavoisement était prévu en début de soirée. «Reconnaître l'État de Palestine (...) c’est rappeler que nulle conquête territoriale par la force ne peut être légitimée et qu’aucune paix durable ne saurait naître sans justice et réciprocité», a déclaré le maire écologiste Emmanuel Denis. A Paris, une dizaine d'élus dont David Belliard, candidat écologiste à la mairie de Paris en 2026, ont déployé le drapeau palestinien depuis une fenêtre de l’hôtel de ville peu après 18H00, contre l’avis de la maire PS Anne Hidalgo. La mairie n’a pas souhaité faire de commentaire. Dimanche, l'édile socialiste avait préféré projeter les drapeaux palestinien et israélien côte à côte sur la tour Eiffel, décision qualifiée lundi de «consternante de stupidité» par le fondateur de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon. Dans la matinée, les élus de Saint-Denis, première ville de Seine-Saint-Denis, avaient convié la presse pour ériger le drapeau palestinien sur l’hôtel de ville, aux côtés des drapeaux français et européen. «Depuis des années je me bats pour l'émergence d’une solution à deux Etats comme seule solution durable pour espérer une paix au Proche-Orient», avait déclaré le maire PS Mathieu Hanotin. «Arrêtez le feu» A ses côtés, le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, à l’origine de l’idée de pavoiser les mairies, a relevé que le drapeau palestinien «n’est pas le drapeau du Hamas». En Seine-Saint-Denis, une douzaine de communes ont érigé lundi le drapeau au triangle rouge et aux bandes horizontales noire, blanche et verte, a précisé à l’AFP le préfet du département, qui a écrit aux maires réfractaires sans pour l’instant saisir la justice. Les conseils départementaux du Lot et de la Gironde ont imité les communes, tandis que la maire écologiste de Poitiers le fera mardi. A Malakoff, la maire communiste qui avait apposé la bannière de la Palestine dès vendredi, restée depuis sur le fronton de l’Hôtel de ville malgré l’injonction du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de le déposer, s’est vu infliger lundi une astreinte de 150 euros par jour de retard. Elle a annoncé faire appel devant le Conseil d’Etat. A Corbeil-Essonnes, ville jumelée avec Jérusalem-Est, le maire DVG Bruno Piriou avait hissé le drapeau palestinien depuis plusieurs mois et souhaitait distribuer 1.000 drapeaux palestiniens. Deux décisions suspendues par la justice administrative, de même que pour la petite ville de Montataire (Oise). De plus petites villes comme Carhaix (Finistère), Dives-sur-Mer (Calvados) ou Grabels, près de Montpellier, ont emboîté le pas aux grandes. «En mettant ce drapeau, nous disons +arrêtez le feu, arrêtez le génocide+", a déclaré à l’AFP le maire LFI de Grabels, René Revol. A Marseille, le maire DVG Benoît Payan a lui refusé de hisser le drapeau palestinien, préférant annoncer le jumelage de sa ville avec Bethléem, située en Cisjordanie occupée. Ce n’est pas la première fois que le pavoisement des mairies fait polémique. Au décès du pape François, la demande du gouvernement de mettre en berne le drapeau français avait été jugée contraire au principe de laïcité par certains maires. Selon Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay, "à chaque fois que les tribunaux ont validé les drapeaux, c'était parce qu’il y avait un mouvement national de solidarité», comme par exemple le drapeau israélien après le 7-octobre ou le drapeau ukrainien. Pour Serge Slama, professeur de droit public à l’Université de Grenoble-Alpes, «un maire ne peut pas, à travers un drapeau, exprimer une opinion politique religieuse ou philosophique». «Mais», poursuit-il, «ériger un drapeau parce que le chef de l'État reconnaît la Palestine comme État ne me semble pas manquer au devoir de neutralité, parce que c’est la position officielle de la France ce jour-là». Madeleine DE BLIC © Agence France-Presse -
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Paris - La Bourse de Paris a terminé en légère baisse lundi, dans une séance sans publication macroéconomique majeure, l’effet positif de la baisse des taux de la Réserve fédérale américaine (Fed) la semaine dernière se dissipant. L’indice vedette de la Bourse de Paris, le CAC 40, a perdu 0,30% sur la séance, soit 23,48 points, pour s'établir à 7.830,11 points. Vendredi, il avait terminé à l'équilibre (-0,01%). «Les marchés sont un peu plus en retrait et cherchent des catalyseurs pour continuer une éventuelle progression», commente Andrea Tueni, responsable de la relation clients et des activités de marchés de Saxo Banque. La semaine dernière, les indices boursiers avaient profité de la baisse des taux directeurs de la Fed d’un quart de point de pourcentage. Mais «l’effet positif que l’on pouvait avoir sur le CAC est un peu retombé» et «ne joue plus sur les actions», poursuit M. Tueni. «L'événement phare de la semaine sera la publication de l’indice préféré de la Fed pour mesurer l’inflation, l’indice PCE», vendredi, relève Neil Wilson, analyste de Saxo Markets. En Europe, ce sont les baromètres d’activité manufacturière (PMI) qui retiendront l’attention mardi. L’automobile en berne «Les constructeurs automobiles ont perdu du terrain sur la séance d’aujourd’hui» en raison d’un «effet de contagion» des mauvaises performances des actions automobiles allemandes, commente Andrea Tueni. Les titres Porsche et Volkswagen ont en effet souffert après des avertissements sur leurs bénéfices. «Les constructeurs français sont également impactés car cela peut laisser présager de mauvaises nouvelles sur le secteur en général», explique M. Tueni. Le titre Stellantis a perdu 2,64% sur la séance, à 8,23 euros, et Renault a reculé de 1,55%, à 34,82 euros. Euronext CAC40 © Agence France-Presse