
WeWork, une bonne publicité pour la Bourse

La patine du temps fait d’un événement le marqueur des excès de son époque. Le scandale Enron est désormais indissociable de la bulle boursière du début des années 2000, dont l’éclatement mit au jour la collusion entre dirigeants trop gourmands, banques d’investissement et commissaires aux comptes. La fête somptuaire donnée en février 2007 par Stephen Schwarzman, le patron de Blackstone, pour son soixantième anniversaire, quelques mois avant la cotation du fonds d’investissement, apparaît rétrospectivement comme celle d’un Wall Street dansant devant l’abîme de la crise financière avant que la musique ne s’arrête brutalement.
Il est trop tôt pour affirmer que la déconfiture de WeWork annonce à son tour l’explosion d’une bulle. L’introduction en Bourse avortée du groupe et son sauvetage en catastrophe par le japonais Softbank n’en révèlent pas moins bien des travers de la vie des affaires version 2019 (lire page 10), en premier lieu l’hubris de ses fondateurs. Qu’un bâtisseur d’empire ait une personnalité hors norme se comprend ; qu’un loueur de bureaux prétende élever la conscience du monde pour mieux masquer derrière ce galimatias messianique des pratiques de gouvernance discutables, beaucoup moins. N’eût été la vigilance des investisseurs en actions cotées, qui ont déjà payé pour voir dans d’autres dossiers comparables, le Nasdaq aurait hérité d’un nouveau scandale.
WeWork n’est en fait que le symptôme d’un phénomène majeur à l’œuvre depuis dix ans : le déplacement des marchés de capitaux publics vers le private equity. Aux Etats-Unis comme en Europe, la cote s’atrophie. La Bourse n’est souvent plus le lieu où se finance la croissance des entreprises et où les fonds de capital-risque tendent le relais à des mains plus fermes, mais le dernier joueur à qui l’on croit pouvoir passer le mistigri. L’afflux d’argent vers le non-coté dans un contexte de taux bas a engendré une multiplication des tours de table pour les plus prometteuses des start-up, jusqu’à la caricature. Les levées de fonds deviennent une fin en soi, les rêves de licornes, ces sociétés ayant franchi la barre du milliard de dollars, peuplent les contes de fées pour financiers, et la « vision » de prétendus gourous tient lieu de garantie aux investisseurs.
Il est donc rassurant de constater que les marchés réglementés savent encore jouer leur rôle. Même affaiblie, la Bourse impose aux émetteurs de respecter les lois élémentaires de la transparence et de la bonne gouvernance, et de vendre des perspectives de rentabilité à un horizon raisonnable. Au-delà d’une certaine taille, elle est aussi la seule à pouvoir attribuer un prix aux actions d’une entreprise et à établir la validité d’un modèle économique. C’est l’une des leçons salutaires des malheurs de WeWork.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse