Transition Libor dollar, les options s’affinent

L’avis d’expert de Timothée Huignard, directeur consulting, et Jean Loup Rodrigues Da Costa, manager consulting financial services chez PwC France et Maghreb
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Timothée Huignard, directeur consulting, et

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Jean Loup Rodrigues Da Costa, manager consulting financial services chez PwC France et Maghreb

La transition vers les nouveaux indices de référence aborde très prochainement l’un de ses plus grands jalons. Moins de trois mois nous séparent de la fin de l’année et donc de l’arrêt de la publication de Libor majeurs. Certes, la fin 2021 n’apparaît plus aussi infranchissable depuis que la Financial Conduct Authority (FCA) et l’ICE Benchmark Administration ont décidé la prolongation de certaines publications ou la possibilité de Libor synthétiques (1), mais de nombreux défis demeurent. Tous les utilisateurs sont désormais dans la dernière ligne droite pour se convertir aux taux de remplacement (RFR) sélectionnés par les régulateurs et leurs groupes de travail dédiés. Ces taux sont pour la plupart pour des devises clairement identifiées, néanmoins l’horizon est moins clair pour le dollar et plusieurs alternatives sont encore à l’étude.

Bien que fondamentalement différent du Libor dollar, le SOFR (secured overnight financing rate, NDLR) est identifié depuis 2017 comme son taux de remplacement. Entièrement basé sur les transactions du marché repo au volume conséquent (900 milliards de dollars de transactions quotidiennes), il a l’avantage d’être moins susceptible d’être manipulé. Il est néanmoins critiqué pour deux de ses aspects : il ne propose pas de structure à terme et n’a pas de composante de crédit dynamique.

L’absence de structure à terme prospective complexifie la gestion de trésorerie et de liquidité, les utilisateurs ne pouvant connaître au début de chaque période le taux prochainement applicable. Pour pallier ce manque, il faut s’appuyer sur une variété de méthodologies de compositions ou sur le « Term SOFR » développé par le CME sur la base d’OIS et de futures. Des conventions évaluées par l’ensemble de l’industrie financière mais qui sont encore à divers degrés d’avancement.

Le SOFR n’intègre pas de composante de crédit et est tributaire d’une volatilité saisonnière. Conscients de cela, les régulateurs prudentiels américains (FRB, FDIC, OCC, FRBNY) ont organisé un credit sensitivity group complémentaire à l’ARRC (Alternative Reference Rate Committee, NDLR) pour mener des ateliers de réflexion. En avril, ils ont recommandé au congrès de ne pas opter pour une solution législative qui forcerait le choix du SOFR, ouvrant ainsi la porte à d’autres taux alternatifs.

Publié depuis fin 2015, l’Ameribor a été considéré comme l’un des premiers indices pouvant offrir une solution. Calculé sur les taux constatés sur l’American Financial Exchange pour les prêts au jour le jour non « collateralisés », il a l’avantage d’incorporer un spread de crédit. Néanmoins, il répond à un besoin spécifique de banques régionales américaines de petite et moyenne taille qui n’empruntent pas en Libor dollar ou SOFR et qui souhaitent avoir un indice représentant leurs coûts de financement propres. Bloomberg a également développé son indice, le Short-Term Bank Yield Index, pour répondre à la demande croissante de voir naître un taux palliant les défauts du SOFR. IHS Markit et l’IBA ne sont pas en reste, travaillant à proposer leurs alternatives, respectivement le Bank Yield Index et les CRITR/CRITS.

Tous ces taux alternatifs au Libor dollar et au SOFR rencontrent néanmoins une difficulté majeure : ils s’adossent à un gisement limité de transactions pour établir leur valeur. Parmi les taux alternatifs concurrents, le Bloomberg Short-Term Bank Yield Index (BSBY) se base sur le plus grand groupement de transactions (court terme, CP, CD…), soit environ 170 milliards de dollars de flux quotidiens. Il reste cependant modeste au regard de celui utilisé par le SOFR. Bien que répondant aux besoins de l’industrie, ces nouveaux indices ne suscitent pas l’enthousiasme des régulateurs.

Devant le nombre grandissant de taux concurrents, l’Organisation internationale des commissions de valeurs a réitéré l’importance de se conformer aux nouveaux devoirs de robustesse des benchmarks. Elle insiste sur la nécessité pour les indices de s’appuyer sur un volume de données suffisant pour représenter leur marché sous-jacent et que celui-ci soit à la hauteur du volume de transactions qui utiliseront cet indice, pointant du doigt le défaut majeur des taux concurrents au SOFR.

La FCA émet elle aussi des réserves sur l’avenir de ces taux intégrant une composante crédit (CSR – credit sensitive rates). Dans une lettre adressée à l’International Swaps and Derivatives Association (Isda) en septembre, elle déclare que bien que référencé dans les termes standards de fallback, le BSBY n’apparaît pas satisfaire les prérequis de la réglementation Benchmark pour la mise en place de clauses de fallback robustes.

A trois mois de la date de fin de publication de nombreux Libor dollar et malgré ces incertitudes, la priorité des institutions financières reste de transitionner leurs portefeuilles vers le SOFR avant la fin de l’année. Alors que le taux de substitution privilégié pour ces portefeuilles reste le SOFR, les institutions gardent tout de même la possibilité, sur demande expresse de leurs clients, de traiter sur des taux intégrant une composante crédit, malgré la réticence affichée des régulateurs.

(1) Nouvelle méthodologie de calcul des Libor basée sur le taux RFR à terme prospectif avec l’addition du spread d’ajustement Isda correspondant.

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