Reprise de l’activité, un risque pénal maîtrisable

L’avis d’expert de Hippolyte Marquetty, associé en droit pénal des affaires, Claire Toumieux, associée en droit social, et Sophie Lippmann, collaboratrice en droit social, Allen & Overy Paris
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Hippolyte Marquetty, associé en droit pénal des affaires,

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Claire Toumieux, associée en droit social, et Sophie Lippmann, collaboratrice en droit social, Allen & Overy Paris

Alors que le procureur de la République de Paris a annoncé l’ouverture d’une vaste enquête préliminaire sur la gestion de la crise du Covid-19, la question de la responsabilité pénale se pose à de nombreux dirigeants, lesquels craignent parfois d’être la cible de procédures similaires. Il convient de les rassurer.

C’est d’ailleurs le sens du nouvel article L.3136- 2 du Code de la santé publique, adopté le 11 mai dernier, qui souligne la nécessité d’apprécier tout comportement au regard « des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire ». Autrement dit, pas d’obligation de résultat pour les sociétés et leurs dirigeants, mais uniquement celle de respecter les prescriptions du Code du travail et les recommandations du protocole de déconfinement mis à jour le 24 juin 2020.

Un rappel des principales infractions concernées permet de comprendre la nature limitée du risque, si certaines règles et recommandations sont respectées.

Trois délits prévus par le Code pénal sont principalement concernés par la crise sanitaire actuelle.

L’article 223-1 du Code pénal, tout d’abord, réprime le fait d’avoir, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, exposé autrui à un risque de mort ou d’infirmité permanente.

On relèvera à cet égard que le protocole de déconfinement publié sur le site du ministère du Travail n’a pas de valeur légale ou réglementaire et que, par ailleurs, seul un manquement à une obligation spécifique et suffisamment précise du Code du travail permettrait d’envisager une mise en cause, ce qui limite les hypothèses envisageables.

En outre, le comportement fautif exigé doit être délibéré, ce qui paraît pouvoir être écarté si la société a tenté de mettre en œuvre les préconisations en vigueur.

Prévus aux articles 221-6, 222-19 et 222-20 du Code pénal, les blessures et homicides involontaires supposent quant à elles que certains salariés aient contracté le virus dans le cadre de leur activité professionnelle, ce qui pourra se révéler complexe à démontrer.

Soulignons que s’agissant de la responsabilité des dirigeants personnes physiques, seule une faute qualifiée peut faire encourir un risque, c’est-à-dire qu’il devra être démontré l’existence d’une faute délibérée ou d’une faute caractérisée (d’un degré supérieur à l’imprudence ou à la négligence), ce qui, là encore, devrait être écarté si la personne en cause a tenté de mettre en œuvre les règles et recommandations qui s’imposent.

Les personnes morales apparaissent toutefois ici davantage en risque, puisque la simple faute d’imprudence ou de négligence est susceptible de caractériser l’infraction, à condition que le dommage subi soit causé par ce manquement.

Enfin, l’article 223-7 du Code pénal réprime le fait de s’abstenir volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes. La Cour de justice de la République a d’ailleurs été saisie, le 7 juillet dernier, d’une instruction de ce chef à l’encontre de trois anciens ministres. Toutefois, s’agissant du risque pour les dirigeants d’entreprise, il apparaît encore une fois limité, à partir du moment où le comportement en cause ne traduirait pas une volonté de s’affranchir des règles et recommandations en vigueur.

Si les mesures définies par le protocole de déconfinement ont été assouplies le 24 juin dernier, il convient de rester attentif à certaines obligations du Code du travail, qui ne constituent sans doute pas toutes des obligations « particulières » au sens des dispositions pénales précitées, mais dont la violation pourrait relever de l’imprudence et est du reste sanctionnée de manière autonome par des peines d’amende à l’encontre de la société, comme du dirigeant lui-même.

Ainsi doit-on informer et former les salariés sur les risques de leur activité pour leur santé, aménager leurs locaux de travail et leur fournir des moyens de protection pour garantir leur santé et leur sécurité. Ces obligations, prescrites en termes généraux dans le Code du travail, sont illustrées par le protocole de déconfinement et par les guides métiers. Leur mise en œuvre est désormais dévolue au « référent Covid », dont la nomination est obligatoire selon le dernier protocole de déconfinement. Le document unique d’évaluation des risques doit être mis à jour pour refléter les mesures prises contre le virus. La reprise de l’activité peut être organisée avec les représentants des salariés et la médecine du travail.

Autre point essentiel : vérifier que les délégations de pouvoirs en matière d’hygiène et sécurité sont à jour et que les délégataires bénéficient bien de l’autorité, des moyens et de la compétence nécessaire pour exercer efficacement les pouvoirs qu’ils ont acceptés.

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