L’or retrouve son éclat auprès des marchés

Les investisseurs retournent vers le métal jaune, mais les positionnements restent volatils.
Barre d'or fabriquée en Chine avec un idéogramme signifiant "or".
La demande asiatique pour le métal précieux demeure élevée, malgré les cours en hausse  -  Photo Yuriko Nakao/Bloomberg

La crise bancaire a poussé les marchés vers le métal jaune, délaissé par les investisseurs depuis le début du cycle de hausse de taux de la Fed. Entre le 8 mars, début de la panique autour de Silicon Valley Bank, et le point le plus haut atteint le 23 mars, le cours de l’or a progressé de 9,9%, à 1.994 dollars l’once. Dans le même temps, les indices bancaires KBW (banques américaines) ou SX7E (banques européennes) chutaient respectivement de 19% et 17%.

Aux risques sur le secteur bancaire s’ajoutent les anticipations de fin de hausse de taux. Le cours de l’or dépend des taux réels, et les tensions sur les marchés pourraient pousser la Fed à baisser ses taux plus rapidement que prévu. «Les mouvements de marché ont fait baisser le coût d’opportunité de l’or», remarque Luc Luyet, stratégiste changes chez Pictet Wealth Management. Le rendement du titre américain à 10 ans a ainsi perdu 45 points de base depuis le 8 mars, à 3,53%, tandis que les marchés s’attendent désormais à ce que la Fed abaisse les taux à 4,24% d’ici décembre -contre une progression attendue à 5,56%, le 8 mars.

Le mouvement sur les prix a été tellement important qu’il a aplati la courbe des contrats à terme. Les deux premiers contrats à terme sur l’or affichent un prix similaire, un «phénomène inhabituel», relève Florent Pelé, stratégiste matières premières senior chez Société Générale CIB.

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Investissement

Les investisseurs se sont rués sur un actif qu’ils avaient quitté l’an dernier. Le repositionnement s’est fait rapidement : les positions spéculatives longues nettes ont augmenté de 67.047 contrats depuis fin février sur le Comex, le marché new-yorkais des métaux précieux, pour s'établir à 106.955 contrats, bien en dessous de la position nette longue record d’environ 292.000 contrats de septembre 2019. Surtout, ces positions représentent 22% des positions ouvertes totales, contre une moyenne historique de 40%, tandis que le ratio positions longues/courtes s’élève à 3,7 contre une moyenne à 5 ans de 5,5. Les investisseurs ont aussi pu se positionner à travers des options sur les produits indiciels cotés (ETP) : sur l’ETF Gold Trust d’Ishares, les volumes sur les positions acheteuses demeurent cinq fois plus importantes que les volumes sur les positions vendeuses.

«Les volumes demeurent importants, mais les positions acheteuses ouvertes ont augmentées de 567.000 contrats depuis le début du mois mais restent inférieures à 2 millions de contrats, la moyenne sur les cinq dernières années, tempère Florent Pelé. Plus largement, les positions prises sur les marchés à terme le sont à court terme, quelques semaines au plus : la courbe des contrats à terme sur l’or est en contango permanent, ce qui implique des coûts de roulement pour les gérants». Cela signifie que le prix des contrats à échéance la plus proche est inférieur aux prix des contrats à échéance plus lointaine.

En période de turbulences, les positions longues sont par ailleurs souvent vendues pour couvrir des appels de marge, ce qui contribue à limiter l’appréciation des cours - le faible nombre de positions spéculatives début mars ayant limité les ventes forcées.

Les investisseurs ne sont donc sans doute pas là pour rester. Si les flux entrants sur les ETP sont en hausse, ceux-ci ne sont «pas encore suffisamment importants pour indiquer une forte directionnalité» des marchés, remarque ainsi Deutsche Bank. Les positions prises sur les ETP (+36 tonnes sur les semaines des 13 et 20 mars, contre des sorties de 61 tonnes sur les deux premiers mois de l’année) le sont à plus long terme que sur les dérivés. Les marchés attendent la confirmation que l’inflation diminue ou que les craintes sur le secteur bancaire se justifient pour se positionner de manière plus durable.

Facteurs de demande

Un rebond de la demande en joaillerie a aussi pu soutenir les cours en début d’année. «La demande chinoise d’or s’est révélée plutôt faible au quatrième trimestre 2022, mais devrait se reprendre avec la réouverture de l'économie, un phénomène temporaire qui s’était aussi constaté en Inde», explique Luc Luyet. Les prix élevés devraient quoi qu’il en soit contribuer à éroder la demande, limitant le potentiel futur d’appréciation des prix.

A plus long terme, les marchés de l’or s’adaptent aussi à une bascule structurelle de la demande des institutions officielles (banques centrales et fonds souverains, notamment), dont les achats de métal se sont établies à un niveau record en 2022. «La demande officielle devrait demeurer forte dans les prochaines années, or elle est peu sensible aux prix», note Luc Luyet. Quelques banques centrales (Ouzbékistan ou Kazakhstan) adoptent un comportement opportuniste, vendant leurs réserves d’or lorsque les prix sont attrayants, mais les principaux acheteurs (Inde, Russie, Chine) inscrivent leurs achats d’or dans une logique géopolitique. Ceux de la Banque centrale russe permettent aussi de soutenir l’industrie domestique, qui ne peut plus exporter vers les pays occidentaux. Le stratégiste estime donc que les cours du métal pourraient devenir moins sensibles aux fluctuations de la demande d’investissement.

Cours de l'or fin mars.jpg

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