
Les voyants de l’économie américaine passent à l’orange

Depuis la rentrée de septembre et l’affirmation du ton restrictif de la Réserve américaine (Fed), les marchés guettent les mauvaises nouvelles. Celles-ci ne sont pas toujours faciles à déceler, noyées dans une batterie d’indicateurs parfois contradictoires. Mais il n’empêche, certains signaux qu’envoie l'économie américaine n’incitent pas à un excès d’optimisme.
Mercredi, les ventes au détail ont augmenté plus vite que prévu (+1,3% en octobre après 0% en septembre), tirées par les achats d’automobiles et d’essence. Cela aurait de quoi rassurer sur la croissance future, «mais cela reste en prix nominal, avec le soutien d’iun ‘chèque spécial inflation’ en Californie et d’une journée supplémentaire de promotions chez Amazon, relativise Thomas Costerg, économiste US chez Pictet WM. Il y a un vrai risque que ce genre d’opérations ait amené les consommateurs américains à devancer leurs achats de novembre et décembre.»
Sur le même thème de la consommation, les supermarchés Target, également distributeurs de vêtements, meubles et électronique, ont annoncé, à l’inverse de Walmart mardi, une baisse des bénéfices au troisième trimestre, et une très probable baisse des ventes de fin d’année, évoquant à la fois l’inflation galopante et des «changements spectaculaires» dans les dépenses des consommateurs.
L’immobilier en première ligne
Egalement publié mercredi, l’indice NAHB/Wells Fargo HMI de confiance des constructeurs immobiliers a encore chuté plus qu’attendu, à 33 points en novembre, après 38 en octobre et 46 en septembre. Avec des taux hypothécaires à 30 ans désormais supérieurs à 7%, les sous-indices ont également chuté à des niveaux rarement atteints : 39 points pour les ventes actuelles, 31 points pour les ventes attendues au cours des six prochains mois, et 20 points pour les visites d’acheteurs potentiels !
Les données à fin septembre montraient déjà bien la chute des ventes dans l’immobilier depuis janvier, et celle des prix depuis le début de l’été. Les sites spécialisés montrent une répercussion sur les loyers, après trois mois de baisse des prix au lieu de 12 à 24 mois habituellement, à l’instar de l’indice mensuel Zillow paru mardi, qui a baissé en octobre pour la première fois depuis deux ans – même si c’est seulement de 0,1%.
Certains économistes attendaient mardi l’étude de la Fed de New York sur l’endettement des ménages au troisième trimestre : à 16.510 milliards de dollars fin septembre eu lieu de 16.150 fin juin, le solde augmente en lien avec la hausse des prix, mais la situation n’apparaît pas préoccupante en valeur absolue. D’autant que les défauts de paiement (delinquency) ne progressent pas, à 3% depuis début 2021, «et ce quelles que soient les tranches d’âges observées quand on regarde les prêts hypothécaires», remarque Mabrouk Chetouane, directeur Global Market Strategy chez Natixis IM. Si les taux de défauts remontent pour les 18-29 ans à 4% sur les prêts automobiles, moins contraints aux Etats-Unis, et à 7% pour les cartes de crédit, ils restent toujours à un niveau moindre qu’avant la crise du covid. Mais avec 351 milliards de plus sur un trimestre, dont 282 milliards pour les prêts hypothécaires, l’augmentation trimestrielle de la dette globale est la plus forte depuis 2007. «Avec 38 milliards de plus en un trimestre sur les cartes de crédit, et une hausse de 15% sur une base annuelle (pour près de 1.000 milliards de dollars à des taux de plus de 18% désormais), il s’agit de la plus importante augmentation depuis plus de vingt ans, poursuit Thomas Costerg. Sur toutes ces données, on est encore à un niveau très raisonnable en analyse statique, mais très inquiétant d’un point de vue dynamique si on extrapole les courbes.»
Sans aller jusqu’à parler de crise la dette, surtout si l’administration Biden finissait par annuler 400 milliards de prêts étudiants comme prévu, il est possible que la situation finisse tout de même par peser sur la consommation. D’autant que les ménages américains n’épargnent plus (3,1% du revenu disponible au lieu de 6,8% historiquement), et que l’excès d’épargne covid – qui fait débat sur sa capacité à soutenir encore longtemps la consommation – aurait chuté de 2.200 à 1.500 milliards de dollars en dix mois.
Pour le reste, l’économie américaine semble encore en décalage avec l’idée d’une récession importante ou même modérée. Les indicateurs sur la production industrielle restent assez bons, malgré une contraction surprise (-0,1% en octobre après +0,1% en septembre) publiée mercredi. Les chiffres de l’emploi également, avec 3,7% de chômage fin octobre et 1,2% d’augmentation de salaires sur le troisième trimestre, et l’inflation sous-jacente ne fléchit pas encore vraiment. «La demande semble tenir suffisamment pour accréditer l’idée que la Fed de Jerome Powell pourrait réussir un ‘soft landing’ que personne n’a réussi auparavant. En tous cas, c’est une idée que les marchés ‘achètent‘ désormais», conclut Mabrouk Chetouane, reconnaissant que les entreprises ont donné peu d’indications sur les résultats à venir et qu’on a encore peu de recul sur les éventuels changements dans la structure de la consommation et dans le rythme de transmission du resserrement monétaire.
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