
Les prix élevés du gaz n’ont pas fini de hanter l’Europe

La crise du gaz aura-t-elle lieu ? Les récentes évolutions des marchés gaziers et le redoux en Europe peuvent certainement en faire douter. Le 24 octobre, les prix au comptant du contrat TTF sont ainsi devenus négatifs, à -15,78 euros/MWh. Mardi soir, le prix était remonté à 94 euros/MWh, bien en deçà des pics de 300 euros/MWh atteint en aout.
De fait, il n’est tout simplement plus possible de vendre du gaz à l’Union Européenne (UE) : les stocks y sont remplis à 95% de leur capacité. Les terminaux de regazéification sont également au maximum de leur capacité, empêchant les navires gaziers d’accoster. Le redoux a aussi limité la demande : la consommation d’énergie française, italienne et allemande représentait ainsi 430 pétajoules début novembre, contre une moyenne de 600 pétajoules les cinq dernières années. « Le marché du gaz peut être équilibré dans l’UE dans l’hypothèse d’une destruction de la demande de 15% et même en cas d’arrêt complet de l’approvisionnement en gaz russe [d’autant que] les efforts mis en place par l’UE pour réduire la dépendance au gaz russe fonctionnent: l’Allemagne a déjà atteint une réduction de 13% de la demande de gaz en glissement annuel, proche de l’objectif de -15% fixé par la Commission européenne », indique Angelina Valavina, directrice ressources naturelles et matières premières EMEA chez Fitch.
Incertitudes
L’Europe n’est pourtant pas encore tirée d’affaire. Un hiver plus froid que prévu est, en effet, le principal risque pour l’Europe : les stocks de gaz ne représentent que 70 jours de consommation. L’approvisionnement européen dépend toujours partiellement du gaz russe, dont 60 millions de mètres cubes par jour (mmc/j) sont encore importés (sur une consommation quotidienne d’environ 1.100 mmc). A cela s’ajoutent des contraintes sur la production d’électricité nucléaire et hydraulique, inférieure de 20% et 16% à ses moyennes historiques en 2022, et qui renforceront la demande en gaz. Les contrats pour livraison en janvier en France s’échangent ainsi avec une prime par rapport aux contrats livrés en Allemagne (920 euros/MWh contre 360 euros/MWh, selon des chiffres de Rystad Energy).
A ces tensions à court terme s’ajoutent des incertitudes pour 2023. L’Europe va devoir modifier son bouquet énergétique : l’UE importait 130.000 mmc de gaz russe en 2021, contre 160.000 mmc d’autres fournisseurs (Norvège, Afrique du Nord et Azerbaïdjan) et 80.000 mmc de gaz naturel liquéfié (GNL), selon des chiffres de Burggraben Analysis. En 2023, les volumes importés depuis d’autres fournisseurs devraient atteindre 200.000 mmc. Les importations de GNL, si les capacités de regazéification actuelles sont utilisées à plein, pourront atteindre 140.000 mmc (contre 103.000 mmc importés entre janvier et septembre 2021). En supposant une demande européenne comparable à 2021 (380.000 mmc), l’UE devra trouver une quarantaine de mmc de gaz en 2023. 50.000 mmc de capacités de regazéifications devraient être ajoutées d’ici fin 2023, grâce à des unités flottantes, mais l’enjeu reste de trouver du gaz à transformer.
Compétition
L’Asie, la principale région consommatrice de GNL, pourrait être en compétition directe avec l’Europe. La demande a baissé de 8% en 2022 par rapport à 2021, et la consommation chinoise a plongé de 20%, ce qui libérera environ 40.000 mmc sur l’année. La fin de la politique zéro covid pourrait contraindre encore davantage l’offre de GNL. Selon le groupe Flex LNG, la fin complète des importations russes et une demande accrue de la Chine pourrait mener à un déficit de 30.000 mmc de gaz pour l’Europe. « L’équilibre du marché se fera avec les prix », résume Angelina Valavina. Les contrats à long terme pour les clients asiatiques sont indexés sur le prix du baril de pétrole, bien en deçà des prix au comptant atteint sur les marchés européens, et les producteurs pourraient être incités à rompre ces contrats pour rediriger les cargaisons vers l’Europe -ce qui s’est beaucoup fait cette année. Felipe Villarroel, associé de TwentyFour AM, note aussi que les fournisseurs peuvent préférer livrer à l’Europe, où le risque de crédit est moindre, qu’aux clients émergents. Un tiers de l’offre mondiale de GNL (190.000 mmc) est par ailleurs vendu sur les marchés au comptant, et ira au plus offrant : pour être approvisionnée, l’Europe doit se préparer à payer davantage. La Commission Européenne en est consciente : Reuters indique que l’organisme a prévenu les pays membres qu’il serait impossible de plafonner les prix du gaz tout en assurant l’approvisionnement de l’UE.
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