
Le reconfinement risque de pousser la chute du PIB au-delà de 10%

Crise sanitaire oblige, le gouvernement a donc annoncé un nouveau confinement d’un mois et, dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificatif (PLFR) de fin d’année, un budget de 20 milliards d’euros supplémentaires pour soutenir l'économie et accompagner les entreprises, a déclaré jeudi soir le premier ministre, Jean Castex. Sachant que l’ensemble des mesures prévues représente un coût de 15 milliards par mois.
Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a précisé que 6 milliards seront dédiés au Fonds de solidarité et 7 milliards au chômage partiel, tous deux réactivés comme au printemps. Le Fonds de solidarité pourra offrir une nouvelle indemnité sur le chiffre d’affaires (CA) : jusqu’à 10.000 euros pour les quelque 600.000 entreprises fermées ou des secteurs les plus touchés (50% de pertes de CA), jusqu’à 1.500 euros (comme en mars) pour les entreprises de moins de 50 salariés d’autres secteurs restées ouvertes mais subissant une même perte de CA. «Nous mettons sur la table, pour le mois de novembre, l’équivalent de ce que nous avons dépensé depuis mars», a précisé le ministre. S’ajouteront 1 milliard pour les exonérations de cotisations sociales, et un crédit d’impôts pour prendre en charge une partie des loyers des entreprises (évalué à 1 milliard, dans le cadre du PLF 2021 cependant).
Bercy a également confirmé les annonces du 19 octobre pour adapter les prêts garantis par l’Etat (PGE) en repoussant les demandes jusqu’au 30 juin 2021 et en permettant un nouveau différé de remboursement d’un an au bout d’un an (schéma 1+1+4 au lieu de 1+5), sans que cette demande ne soit considérée comme défaut de paiement. L’Etat y a joutera des prêts directs (provisionnés à hauteur de 500 millions) si certaines entreprises ne trouvent aucune solution de trésorerie.
Coût économique
Au-delà du sujet budgétaire, la question est bien celle du coût économique et social. «La deuxième vague de l'épidémie de covid-19 déclenchera une nouvelle contraction au quatrième trimestre, moins grave qu’au premier semestre espérons-le», a déclaré le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, lors de la conférence sur le climat et la finance. On peut imaginer que ce deuxième confinement allégé pour certains secteurs et pour les écoles (grâce aux masques notamment) intervient alors que les entreprises sont mieux préparées : «Le premier avait demandé un temps d’adaptation (notamment pour le télétravail) qu’on s’économisera ici. Et le choix de préserver certains secteurs comme la construction (le secteur du BTP pèse 6% du PIB) est crucial, car cela avait bloqué la demande publique au premier semestre», rappelle l’économiste Véronique Riches-Flores (RF Research).
Cela dit, presque tous les secteurs devraient encore souffrir : «Les analyses macroéconomiques ont tendance à oublier la saisonnalité : novembre et décembre (il est de plus en plus probable que le problème sanitaire ne soit pas résolu avant, ndlr) sont les deux mois d’activité les plus importants de l’année dans presque tous les secteurs, alors qu’avril et mai sont les moins importants en dehors de l’été», poursuit-elle. «Le nouveau confinement frappe une économie bien plus faible qu’en début d’année, avec des entreprises plus endettées et des ménages plus enclins à la précaution : certains effets négatifs jusqu’alors amortis (pertes d’emploi, faillites) pourraient s’intensifier», s’inquiète Bruno Cavalier, économiste d’Oddo BHF.
répercussions pour 2021
Pour l’industrie (14% du PIB en France), la diminution d’activité, qui avait été évaluée à -39% en avril (Insee) – avant de reprendre très fort en juin - et à -4% sur un mois de couvre-feu, pourrait encore atteindre -16% en novembre et par rapport à une activité normale, malgré l’ouverture des usines juste à cause de la baisse des commandes, comme dans l’automobile. Les transports devraient souffrir encore plus, de -40% à -50% après -63% en avril, de même que le secteur de l’hôtellerie (-75% après -90% en avril) qui n’est jamais vraiment reparti. La décision de fermer complètement les commerces non essentiels et les loisirs plutôt que d’en limiter l’accès était difficile à prendre, mais logique par rapport au discours global : les pertes du commerce pourraient s’élever à 40% en novembre. «Nos calculs nous amènent à une baisse du PIB de l’ordre de -15% sur le seul mois de novembre, et donc de -5% minimum sur le quatrième trimestre», indique Véronique Riches-Flores. Avec des estimations similaires, Bruno Cavalier aboutirait à une contraction moyenne du PIB réel de -10,1% en 2020. Moins que les 2% de perte de PIB annuel par mois d’arrêt évoqués ici ou là.
Les deux économistes s’inquiètent aussi des répercussions pour 2021, alors que de nombreux secteurs comptaient sur la fin d’année pour récupérer des pertes du printemps : «C’est aussi la période où les entreprises font leurs budgets et, face à l’incertitude persistante, elles devraient couper leurs investissements bien davantage que sans cette deuxième vague, avec tous les effets en chaîne pour leurs fournisseurs de services ou d’équipements, conclut Véronique Riches-Flores. L’Allemagne n’est pas épargnée, elle qui vient de prendre des mesures de restrictions plus strictes qu’au printemps, avec une industrie toujours plus dépendante de la zone euro (et moins de l’Asie).» JPMorgan fait l’hypothèse d’une baisse d’environ 3% du PIB allemand en novembre (par rapport à octobre), et de l’ordre de 3%-4% sur le trimestre.
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Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse