Le patronat invite les agences de notation extra-financière à plus de transparence

Afep, Medef, Cliff et C3D publient un manifeste pour demander aux agences de dévoiler leur méthodologie et de rendre gratuites leurs analyses.
Bruno de Roulhac
Le manifeste pour un meilleur dialogue entre entreprises et organismes de notation extra-financière, réalisé par le Medef, l’Afep, le Cliff et le C3D.
Le manifeste pour un meilleur dialogue entre entreprises et organismes de notation extra-financière, réalisé par le Medef, l’Afep, le Cliff et le C3D.  - 

Pour un meilleur dialogue entre émetteurs et agences de notation extra-financière. Le Medef et l’Afep, en partenariat avec le Cliff (association des professionnels de la communication financière) et le C3D (collège des directeurs du développement durable) viennent de publier un manifeste prônant des recommandations aux agences de notation et à la Commission européenne. «Depuis plus d’un an, nous travaillons avec les entreprises, les agences de notation extra-financière et les investisseurs, explique Elisabeth Gambert, directrice RSE et Affaires internationales à l’Afep. Nos recommandations reprennent les meilleures pratiques du secteur, aussi nous estimons qu’elles sont applicables par toutes les agences».

Fort d’un dialogue avec le Medef et l’Afep, «nous avons émis au début du mois 12 engagements à l’égard des 4.800 organismes, dont 250 français, – entreprises cotées et émetteurs obligataires – que nous notons, précise Fouad Benseddik, directeur des relations institutionnelles de Vigeo Eiris. Des engagements qui répondent en grande partie aux recommandations» du Medef et de l’Afep. «Nous nous félicitons de cette volonté d’améliorer le dialogue entre émetteurs et agences de notation extra-financière, confie Emmanuel de La Ville, directeur général d’EthiFinance. Nous regrettons toutefois que l’agence des PME et ETI n’ait pas été consultée et nous réfléchissons à un droit de réponse. A la différence d’autres agences, EthiFinance applique déjà les recommandations proposées, avec notamment une politique d’indépendance entre nos métiers d’analyse et de conseil revue annuellement par notre conseil d’administration». Concentrés sur le SBF 120, «pour cette raison nous n’avons pas interrogé EthiFinance», explique Elisabeth Gambert.

La gratuité fait débat

Sur la base d’une enquête réalisée auprès de la moitié du SBF 120, le patronat préconise des mesures pour améliorer la transparence, la qualité des notations et les contraintes des entreprises. Le manifeste fixe ainsi huit recommandations pour les agences. En commençant par demander l’indépendance entre les activités d’analyse et de conseil ; une transparence sur les méthodologies de notation (critères et pondérations) ; et l’obtention gratuite pour l’entreprise évaluée des résultats complets de sa notation. «Il est souhaitable de parvenir à la transparence la plus grande possible, et que les émetteurs aient accès à leur note détaillée finale, même si nous sommes conscients que l’agence ne peut dévoiler toute sa méthodologie. Il faut trouver le juste milieu, ajoute Elisabeth Gambert. Sans nous prononcer sur le business model de ces agences de notation, nous estimons que la note d’analyse doit être transmise à l’entreprise afin qu’elle puisse s’en servir comme outil de pilotage». Une position qui fait débat. «Nous donnons les grandes lignes de notre méthode d’analyse, capital d’EthiFinance, mais ne pouvons pas la dévoiler entièrement pour ne pas donner d’informations à la concurrence, précise Pierre-Yves Le Stradic, directeur de la recherche d’EthiFinance. Nous avons fait le choix de la gratuité. Nous donnons notre analyse à la société ainsi que des éléments de benchmark, véritables outils de pilotage pour les entreprises». En revanche, «nous sommes opposés à la gratuité de notre analyse pour l’émetteur, confie Fouad Benseddik. Nous la donnons seulement à notre interlocuteur au sein de la société, mais il doit s’engager à ne pas la communiquer et à ne pas en faire un outil de gestion interne. Nous distinguons le droit à l’accès à l’information et le droit d’usage de l’information».

Une pré-collecte de l’information demandée

Parmi les autres recommandations figurent : une meilleure qualité du processus de collecte de l’information ; un délai de revue raisonnable du pré-rapport assorti d’un possible échange avec l’analyste ; une stabilité des méthodologies et des équipes en charge de la notation ; une prise en compte des enjeux sectoriels et des réglementations nationales, avec une systématisation du principe «se conformer ou expliquer» ; et enfin une transparence de la méthodologie de gestion des controverses. Dans cette gestion des controverses, «l’Afep voudrait que l’agence ne prenne pas position, avant que le fait litigieux soit résolu, explique Fouad Benseddik. Mais notre rôle est d’avertir nos clients investisseurs sur le risque pesant sur l’émetteur, qui peut d’ailleurs conduire à modifier notre note ». Plus globalement, «la qualité de notre relation avec les entreprises est primordiale, afin de fournir une analyse de qualité à nos clients investisseurs, rappelle Pierre-Yves Le Stradic. Nous avons notamment mis en place depuis deux ans une précollecte de l’information pour les 800 PME et ETI cotées que nous suivons». De quoi répondre aux attentes des émetteurs. «Les entreprises ploient sous le nombre de questionnaires envoyés par ces agences, alors qu’elles publient déjà beaucoup de documentation, et désirent mieux connaître les règles du jeu sur la notation», constate Elisabeth Gambert.

Vers un code de conduite européen

Par ailleurs, les quatre signataires du manifeste recommandent à la Commission européenne de demander aux agences de notation extra-financière de se doter d’un code de bonne conduite soumis au principe «se conformer ou expliquer» ; et d’adopter un cadre juridique adapté imposant un minimum de transparence. «Avec le plan d’action en matière de finance durable, et son volet sur la recherche ESG, la Commission européenne offre une fenêtre pour réfléchir à un code de conduite, à l’instar de ce qui avait été fait pour les proxys dans le cadre de la directive droit des actionnaires», poursuit Elisabeth Gambert. Toutefois, «comment rédiger un code de conduite commun, alors que les agences ont des modèles très différents, notamment MSCI et S&P Trucost ? s’interroge Pierre-Yves Le Stradic. Cette ambition nous semble souhaitable mais prématurée». En outre, «nous sommes favorables à un code de conduite pour tous les acteurs qui produisent de l’analyse, pas uniquement pour les agences de notation extra-financière !», conclut Fouad Benseddik.

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