
Le Parlement européen lance le trilogue final sur la révision de MIF 2

Les jeux ne sont pas - encore - faits. La Commission des affaires économiques et monétaires (Econ) du Parlement européen (PE) a adopté, le 1er mars, sa position sur la révision de la réglementation sur les marchés d’instruments financiers MIF 2 (MiFIR/MiFID). Avec des différences par rapport aux propositions de la Commission européenne (CE) et du Conseil de l’Union européenne (UE).
Après de longs débats litigieux autour du rapport de la députée européenne Danuta Hübner, l’Econ a décidé d’interdire totalement, comme au Royaume-Uni, le «paiement pour flux d’ordres» (PFOF) sur les actions. Cette pratique très critiquée aux Etats-Unis au nom des conflits d’intérêts possibles permet à une plateforme d’être rémunérée par les paiements d’un autre intermédiaire - et non par ses clients investisseurs naturels - afin de lui apporter des liquidités. L’Allemagne veut son maintien sans conditions, la France soutient la proposition du Conseil de l’UE d’une interdiction avec l’option - pour les Etats qui le veulent - de continuer à l’autoriser uniquement chez eux. L’interdiction de ces commissions ne s’applique pas aux frais liés à la transmission des ordres par des professionnels de l’exécution lorsque c’est prévu par la structure tarifaire officielle des marchés réglementés (MR) ou plateformes de négociation multilatérales (MTF).
Triptyque autour de la transparence «pre-trade»
Alors que le maintien du PFOF était le principal argument du Conseil de l’EU en faveur d’une plus grande transparence pré-négociation afin de permettre une vision du meilleur prix (NBBO), le rapport Econ élargit quand même la future base consolidée post-négociation (consolidated tape, CT) aux données pré-négociation dans les carnets d’ordres «en temps quasi-réel» pour les actions. Mais pas pour les obligations et pour les dérivés.
Dans la bataille sur le coût des données, l’Econ donne ainsi raison aux banques-brokers intermédiaires - qui les payent – au détriment des Bourses – qui les vendent. Adam Farkas, directeur général de l’Association des marchés financiers européens (AFME) qui représentent les premières, s’est félicité de cette «approche constructive» appelant les colégislateurs à conserver ces propositions pour assurer l’utilité de la CT actions et améliorer l’Union des marchés des capitaux (CMU). «Il est évident que cela permettra une vision plus intégrée des marchés», estime aussi Pedro Pinto, directeur de l’association en charge de MIF, alors que la Financial Conduct Authority (FCA) britannique commence à étudier une base consolidée similaire outre-Manche. L’AFME regrette aussi une approche encore trop «rigide» concernant le calibrage de la transparence sur les instruments obligataires.
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Par ailleurs, l’Econ propose, en échange d’obligations de reporting plus précises sur la qualité du service, d’autoriser les internalisateurs systématiques (SI) à négocier également au milieu de fourchette (mid-price) des prix importés en provenance d’une plateforme de référence (reference price, RPW). Alors que certains souhaitaient limiter ces exécutions censées apporter de la liquidité via leur compte propre sans obligation de cotation et ni de transparence pre-trade au-dessous d’une certaine taille (SMS), et que certains régulateurs ont dénoncé une utilité relative de ces exécutions bilatérales ne participant pas à la formation des prix, «cela pourrait augmenter leurs parts de marché», observe un spécialiste en prenant l’exemple des Etats-Unis. Pour les Bourses, qui perdraient des revenus et envisagent de devenir ensemble le fournisseur de la CT actions pour compenser, le texte d’Econ élargissant les champs de la «consolidated tape» et des SI risque de rater l’objectif de réduire la fragmentation et d’améliorer la transparence.
Spéculation sur les matières premières ?
Parmi les autres nouveautés, la Commission Econ souhaite permettre aux Etats d’exiger des marchés réglementés d’activer des coupe-circuits en cas d’urgence ou de mouvements de prix exagérés, voire d’annuler des transactions dans certaines circonstances exceptionnelles.
Enfin, elle propose l’ajout d’une disposition imposant à l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) de revoir d’ici à fin 2025 les régimes de limites de positions et de contrôle de la gestion des positions sur les dérivés sur matières premières critiques. «Une proposition initiale exigeait une période de détention minimale de 30 jours, ce qui n’existe nulle part ailleurs et aurait largement limité le champ d’action des fournisseurs de liquidité sur ces marchés en Europe», souligne Pedro Pinto, qui s’attend à ce que cette proposition soit retirée de l’accord final ou que l’Esma écarte l’idée que ce soit bénéfique.
Le Parlement européen devrait voter ces textes en réunion plénière dans le courant du mois, à la suite de quoi la commission Econ pourra engager le trilogue final avec la Commission et le Conseil de l’UE.
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