
Le marché actions chinois reste soumis à la pression réglementaire

Les jeux vidéo et les semi-conducteurs sont venus gonfler mardi la longue liste des secteurs déjà touchés ou sous la menace d’un renforcement de la réglementation par Pékin. L’administration d’Etat pour la régulation des marchés (SAMR), qui soupçonne les fabricants de semi-conducteurs de faire monter les prix en pleine pénurie mondiale de puces, a lancé une enquête sur les distributeurs de composants électroniques dans l’industrie automobile, menaçant de punir toute accumulation de stocks, gonflement de prix ou entente.
Parallèlement, le journal financier Economic Information Daily, affilié à l’agence de presse officielle Chine nouvelle, a qualifié les jeux vidéo en ligne d'«opium spirituel» et dénoncé la dépendance des jeunes au jeu «Honor of Kings», développé par Tencent, appelant à plus de régulation dans l’industrie. Le texte a été supprimé. Mais l’action Tencent a chuté mardi de près de 11% avant de réduire ses pertes, en entraînant dans son sillage les autres valeurs du secteur. Les titres de semi-conducteurs étaient également à la peine, l’indice CSI All Shares Semiconductor & Semiconductor Equipment reculant de plus de 6%.
Coup de semonce
Les coups de boutoir réglementaires assénés par Pékin ces derniers mois au secteur technologique ont déjà fortement pesé sur les marchés actions chinois. Fin juillet, le renforcement de la régulation sur les entreprises de soutien scolaire a été un nouveau coup de semonce pour les investisseurs, notamment étrangers, qui s‘interrogent sur l’opportunité d’investir à court terme sur ce marché. Pour Sébastien de Frouvillle, responsable relations investisseurs chez Comgest «le risque réglementaire fait partie intégrante de la thèse d’investissement lorsqu’il s’agit d’investir en Chine comme dans bon nombre de pays émergents. Ce qui est probablement nouveau est qu’il affecte davantage d’investisseurs étrangers compte tenu de l’ouverture du marché chinois».
Ce durcissement réglementaire reflète aussi la nouvelle doctrine de Pékin. «La nouvelle devise est ‘devenir riche ensemble’, poursuit Sébastien de Frouville. L’objectif est d’amener les travailleurs ruraux et les migrants à rejoindre la classe moyenne. La position du conseil des affaires de l’Etat du 23 juillet dernier concernant les acteurs du soutien scolaire est un bon exemple.» Pour le gouvernement chinois, l'éducation était un bien public et il veut réduire le fardeau financier des parents et la dissuasion pour les familles nombreuses.
Bear market
Les diverses initiatives du pouvoir central chinois ont déjà entraîné les actions chinoises dans un bear market avec un repli d’un quart pour l’indice MSCI China depuis son point haut du 17 février. A court terme, le risque que de nouvelles menaces réglementaires affectent d’autres secteurs, à l’instar de celles sur les jeux vidéo et les semi-conducteurs, est réel. «Nous anticipons une volatilité persistante à court terme», estiment les stratégistes de JPMorgan. D’autres secteurs comme l’immobilier et la santé, qui sont au cœur de la stabilité sociale en Chine, un enjeu majeur pour le pouvoir central, pourraient être les prochains sur la liste des secteurs régulés, selon UBS WM. «Comme la Chine a moins de transparence réglementaire que d’autres pays, la peur de la réglementation ajoute une prime de risque, relève Paul Donovan, économiste chez UBS. Un contrôle judiciaire limité signifie que la prime de risque est susceptible d'être plus importante que celle associée aux incertitudes du fil Twitter de Trump dans la dernière administration américaine.» Ce qui peut aussi expliquer la réaction violente sur les marchés.
Reste à savoir si ce risque est déjà pris en compte dans les prix des actifs. JPMorgan pense que oui, en tout cas dans les secteurs affectés : «S’il est peu probable que l’incertitude réglementaire pour le complexe technologique chinois disparaisse rapidement, il n’en demeure pas moins que les valeurs touchées se sont déjà considérablement ajustées et traitent sur des niveaux nettement inférieurs à leur historique.»
Investisseurs prudents
De nombreux investisseurs ont réduit ces dernières semaines leurs positions sur les secteurs ciblés par Pékin sans pour autant sortir du marché chinois, préférant des secteurs moins sensibles au risque réglementaire. «Ce mouvement réglementaire, télégraphié par le pouvoir central, ne change pas grand-chose à notre conviction sur ce marché sur le long terme», affirme Vincent Juvyn, stratégiste chez JPMorgan AM pour qui ces initiatives réglementaires, qui sont un signal négatif évident pour les investisseurs à court terme, ne doivent pas faire oublier que la volonté de la Chine est de poursuivre l’ouverture de ses marchés aux investisseurs étrangers. «C’est l’arbre qui cache la forêt, note le stratégiste. La Chine est dépendante des flux financiers extérieurs pour asseoir sa suprématie et poursuivre le développement de son économie et elle doit donner des gages aux investisseurs étrangers, ce qu’elle a notamment fait ces dernières années en laissant le yuan s‘apprécier.» Et de rappeler qu’au-delà de la réglementation, le marché actions chinois a aussi été affecté ces derniers mois par une économie à son pic en Chine, un resserrement monétaire et la récente résurgence de l’épidémie de Covid avec le variant Delta. Un cocktail détonnant.
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Paris - La start-up française d’intelligence artificielle (IA) Mistral conforte sa place de champion européen de l’intelligence artificielle après une importante levée de fond et l’entrée au capital du géant néerlandais des technologies ASML, qui lui permet de «réaffirmer son indépendance» vis-à-vis des mastodontes américains et chinois. Mistral a levé 1,7 milliard d’euros, l’une des plus importantes levées de fonds pour une jeune pousse française, et double ainsi quasiment sa valorisation à 11,7 milliards d’euros, à l’heure où la question de la souveraineté technologique de l’Europe est devenue cruciale. L’alliance entre les deux entreprises «a pour objectif de générer une forte plus-value pour les clients d’ASML grâce à des produits et solutions innovants dopés à l’IA et offrira des pistes de recherche commune», a commenté le patron d’ASML, Christophe Fouquet, cité dans le communiqué diffusé mardi par Mistral. Le fabricant néerlandais de machines de pointe pour le secteur des semi-conducteurs détiendra au terme de l’opération autour de 11% du capital de Mistral, selon une source proche du dossier, ce qui en fera le premier actionnaire de la start-up après chacun des fondateurs, qui contrôlent encore majoritairement la société. ASML obtiendrait par ailleurs un siège au conseil d’administration, d’après plusieurs médias, une information qui n’a pas été confirmée par les deux entités. Echelle européenne «On ne peut pas lutter sur ce secteur-là en étant franco-français», analyse auprès de l’AFP Jean-Baptiste Bouzige, fondateur d’Ekimetrics, société spécialisée dans l’IA et les données. «L'échelle qui est pertinente, c’est l’Europe», ajoute-t-il. Le géant américain des puces Nvidia, les fonds Index Ventures, Andreessen Horowitz ou encore Bpifrance ont aussi participé à ce tour de table. Lancé en juin 2023 par Arthur Mensch, polytechnicien et normalien, avec deux autres Français anciens chercheurs chez Meta, Guillaume Lample et Timothée Lacroix, Mistral a notamment conçu le chatbot Le Chat concurrent de ChatGPT d’OpenAI. L’entreprise, basée à Paris, fournit aussi des grands modèles de langages portés sur la génération de texte et des modèles spécialisés capables de traiter des images, transcrire de l’audio ou générer du code. Elle a cette année multiplié les annonces retentissantes de partenariats notamment avec le géant américain Nvidia pour créer une plateforme de cloud (informatique à distance) ou encore avec le fonds émirati MGX pour fonder un gigantesque campus IA en région parisienne. Elle a aussi signé un accord avec l’Agence France-Presse (AFP) pour utiliser ses dépêches d’actualité afin de répondre aux requêtes de ses utilisateurs. Indépendance Mais si Mistral est la start-up d’IA à la plus haute valorisation en Europe, ses capacités financières restent modestes face à ses concurrents américains. La start-up américaine Anthropic, dont le modèle Claude est l’un des principaux rivaux du ChatGPT, revendique une valorisation de 183 milliards de dollars après un tour de table de 13 milliards de dollars en septembre. Le leader OpenAI serait lui en pourparlers pour permettre à ses employés d’encaisser leurs actions, ce qui valoriserait l’entreprise à environ 500 milliards de dollars, selon plusieurs médias. Cette nouvelle levée de fonds permet surtout à Mistral de «réaffirmer son indépendance», selon son communiqué, et d'éviter de passer sous le contrôle de géants de la tech américains ou chinois, après un été marqué par une rumeur de rachat par Apple. Étant donné les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis et du besoin de souveraineté technologique en Europe, «Mistral peut s’imposer comme un acteur européen incontournable, une véritable alternative aux modèles non-européens», estime Franck Sebag, associé chez EY, auprès de l’AFP. La start-up, qui compte plus de 350 employés répartis entre six bureaux de Londres à Singapour, s’attend à générer plus de 100 millions de dollars de revenus par an, a confié son patron au Wall Street Journal en juin. Daxia ROJAS © Agence France-Presse -
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