
L’Allemagne compte sur un gaz moins cher et sur la réouverture de la Chine

L’économie allemande a finalement stagné au quatrième trimestre, et progressé de 1,9% en 2022, légèrement au-dessus des attentes de 1,8% grâce à une bon maintien des dépenses de consommation (+4,6%) et une reprise de l’investissement (+2,5% dans les machines mais seulement +1,6% dans la construction), selon la première estimation de Destatis publiée vendredi. De quoi laisser espérer au pays qu’il pourrait finalement échapper à une récession cet hiver. «Les perspectives pour le premier trimestre se sont également améliorées, en raison des récents niveaux de stockage de gaz favorables et de la baisse substantielle des prix de gros du gaz, ainsi que d’un optimisme croissant après le changement rapide de la politique Covid en Chine», notent Stefan Schneider et Marc Schattenberg, chef économiste Allemagne et économiste senior chez Deutsche Bank.
GNL
La bonne surprise du mois de décembre a porté sur les prix du gaz, qui ne cessent de diminuer grâce à une météo hivernale clémente, et également grâce aux importations européennes de gaz naturel liquéfié (GNL), qui ont permis de remplir les stocks européens : encore au-dessus de 90% pour l’Allemagne qui, de surcroît, a commencé à bénéficier de ses deux premiers terminaux de regazéification flottants (sur cinq prévus), comme celui ouvert depuis décembre à Wilhelmshaven, et un autre depuis samedi à Lubmin où TotalEnergies apportera contractuellement 2,6 milliards de mètres cubes (bcm) cette année sur une capacité de 5 bcm/an. Entre économies et énergies de substitution, le pays a réduit de 24% sa consommation de gaz par rapport à 2019-2021 (31% pour les entreprises, 17% pour les ménages), et s’est donc tourné vers le GNL en provenance des Etats-Unis et du Qatar pour réduire sa dépendance au gaz russe, bénéficiant de prix désormais plus modérés grâce au très bon niveau de stockage en Europe (82%) mais aussi en Asie, où la crise du Covid chinoise a limité la consommation.
Exportations chinoises ?
Alors que l’Allemagne a vu chuter ses exportations chinoises de 27% depuis trois ans à cause du Covid, le pays espère que la réouverture de la Chine pourrait relancer une partie de la demande pour son industrie. Entre les importations (pour près de 12% du commerce total de l’Allemagne) et les exportations (8%), «la Chine est restée malgré tout son principal partenaire commercial, rappelle Anthony Morlet-Lavidalie, économiste spécialisé chez BNP Paribas. L’Allemagne est très dépendante de la Chine en matière d’intrants stratégiques, et en particulier dans son approvisionnement en terres rares. Et les fleurons industriels allemands dépendent également de la demande intérieure chinoise puisqu’ils y réalisent en moyenne 20% de leurs ventes, et que cette part ne cesse de croître».
Dans ce cadre où la Chine est à la fois un fournisseur et un client très importants pour son industrie, la réouverture du pays attendue en 2023 devrait permettre de déboucler encore les problèmes d’approvisionnement du côté de l’offre, tout en ouvrant de nouveaux débouchés si les demandes européenne et américaine ralentissent. «L’Allemagne est le pays européen dont la balance commerciale avec la Chine s’est le plus dégradé ces trois dernières années. Et c’est surtout un problème de ‘double-dépendance’ stratégique (aux produits importés et exportés) de ses grands groupes - moins des PME qui perçoivent plutôt la Chine comme un concurrent», poursuit Anthony Morlet-Lavidalie, rappelant que Volkswagen réalise 40% de ses ventes dans l’Empire du Milieu. Outre «des prix de l’énergie structurellement plus élevés», «la faiblesse du commerce mondial, le resserrement monétaire de la BCE et la récession attendue au second semestre aux Etats-Unis pèseront sur les exportations et les dépenses d’investissement, en particulier avec une demande de voitures - qui a stimulé les dépenses d’investissement en 2022 - en baisse, nuancent les économistes de Deutsche Bank. Nous prévoyons désormais une stagnation de la croissance du PIB allemand en 2023, ce qui marquerait une nette amélioration par rapport à la prévision de -1% mi-décembre» - le consensus Bloomberg reste pour l’instant autour de -0,5% de croissance l’an prochain.
Soutien budgétaire
Enfin, la nouvelle politique budgétaire du pays constituera un soutien substantiel à l’économie, d’environ 264 milliards d’euros (9% du PIB) étalés sur trois ans, entre les plans de relance et le «bouclier énergétique». Les subventions liées à ce Fonds de stabilisation économique (ESF) dépendront fortement de l’évolution des prix du gaz et de l’électricité, mais devraient aussi dans tous les cas limiter la baisse du PIB, et donc la hausse du déficit, entre 3% et 4% en 2023 selon les estimations. «Avec une évolution du PIB nominal qui contribuera à limiter la hausse du taux d’endettement», ajoute Stefan Schneider, qui regrette cependant que les 750 milliards (25% du PIB) dépensés en cinq ans autour du Covid et de la crise énergétique n’aient pas davantage été orientés vers la croissance future (infrastructures, numérisation, éducation) alors que le modèle économique allemand méritait d’être révisé en divers points.
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