
La volatilité actions efface la crise Covid

A prendre la volatilité des actions comme mesure des craintes investisseurs sur les marchés, il n’y aurait aujourd’hui, ni incertitude sur la croissance économique, ni interrogation sur le nouveau régime d’inflation, ni question sur la trajectoire des politiques monétaires. L’indice Vix de volatilité implicite du S&P 500 est revenu à son niveau d’avant la crise du Covid. Il évoluait mercredi autour de 14, après avoir atteint un point bas à 13,90 la veille.
La trajectoire est identique pour la volatilité des actions européennes. «Alors que les actions progressent, la volatilité des actions a atteint un nouveau creux tandis que l’indice Vix a clôturé sous 14 points pour la première fois depuis février 2020», indique Jim Reid, stratégiste chez Deutsche Bank. L’indice VStoxx de volatilité implicite de l’Euro Stoxx 50 traitait à environ 15,50 mercredi après un point bas également de trois ans et demi sous 15.
La plupart des économistes anticipent un ralentissement, voire une récession d’ici à la fin 2023 ou début 2024 aux Etats-Unis et en Europe. Et même si certaines données économiques et certains indicateurs avancés commencent à montrer des signes de fragilité, les investisseurs ne veulent voir que les bonnes nouvelles. Les marchés actions sont au plus haut en Europe et ont retrouvé des points hauts à Wall Street depuis plus d’un an, contribuant à la forte détente de la volatilité.
«L’empressement des investisseurs à acheter les actions dans les baisses (buy-the-dip) n’a jamais réellement disparu avec la correction de 2022 et est désormais alimenté par le récit d’une pause de la Fed, avec une inflation en baisse et une récession reportée, relèvent les stratégistes de Bank of America. Conjugué au report du plafond de la dette aux Etats-Unis, au boum de l’intelligence artificielle et à une exposition relativement faible des investisseurs aux actions, cela offre une recette puissante pour une hausse à court terme.» Le positionnement n’est plus aussi pessimiste alors que les investisseurs ont augmenté le poids des actions dans leurs allocations, mais il n’est pas non plus élevé alors qu’ils reviennent simplement à neutre, notent les stratégistes de Barclays.
La résilience de l’économie grâce à la solidité du marché de l’emploi, à l’excès d’épargne toujours existant et à la baisse des prix de l’énergie est l’un des moteurs de cette faible volatilité. «La faible volatilité macro contribue à la faible volatilité, indique Emmanuel Cau, stratégiste actions chez Barclays. Malgré les multiples risques et les craintes des investisseurs, pour l’instant, il n’y a pas de récession et les profits tiennent le coup.»
L’autre raison de la faible volatilité est en effet la résistance des marges des entreprises grâce à la capacité à augmenter les prix au-delà de l’inflation des coûts des intrants et des salaires. «Cela fournit une explication à la robustesse constatée dans cette partie de l'économie, mais aussi à la faible volatilité des actions», affirmaient les stratégistes sur les dérivés actions chez Société Générale CIB dans leurs perspectives pour le deuxième trimestre, précisant que les facteurs étaient plutôt orientés à la baisse. La baisse récente va néanmoins au-delà de leurs anticipations.
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Baisse de la volatilité obligataire
Ce recul de la volatilité actions, au-delà des attentes, a été alimenté par la baisse de la volatilité taux sur les anticipations d’arrêt du resserrement monétaire et de baisse plus rapide de l’inflation sous-jacente. L’indice MOVE de volatilité des taux est passé de près de 200 fin mars à 114, revenant à son niveau de février dernier. Emmanuel Cau ajoute que le positionnement acheteur des fonds systématiques (CTA) sur les actions contribue aussi à la baisse de la volatilité.
Mais aux niveaux actuels de volatilité, et compte tenu des incertitudes persistantes sur l’économie et l’inflation, les opérateurs se veulent prudents. «Le risque paraît désormais plus orienté à la hausse qu’à la baisse», affirme Emmanuel Cau. Le risque d’un choc augmente, selon les stratégistes de Bank of America. Ils relèvent que si le buy-the-dip est toujours présent dans l’esprit des investisseurs, il ne faut pas céder complètement au FOMO (fear of missing out, ou la peur de passer à côté d’une opportunité), car le fait de ne pas relever les taux lors d’une réunion n’est pas une pause. Selon eux, l’inflation contraint toujours la Fed et une récession américaine reste à l’horizon. Les investisseurs ont fortement augmenté leurs positions vendeuses nettes spéculatives sur le marché américain (indice S&P 500) depuis fin mars à un plus haut historique de près de 450.000 contrats, soit une multiplication par quatre.
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