
La valorisation d’Euronext ne reflète pas ses atouts dans l’arène européenne

Alors que le Brexit n’a pas fini de faire bouger les lignes au sein des marchés de capitaux européens, la nouvelle feuille de route d’Euronext devrait conforter les investisseurs dans la réalisation du plein potentiel du groupe.
L’opérateur des Bourses de Paris, Milan, Amsterdam, Bruxelles, Lisbonne, Dublin et Oslo entend construire au cours des trois prochaines années « l’infrastructure de marché numéro un en Europe », devant la Bourse de Francfort et le London Stock Exchange (LSE).
Cette ambition est en bonne voie : avec une capitalisation boursière cumulée de 6.500 milliards d’euros sur ses différentes places, Euronext offre le pool de liquidité le plus large d’Europe pour les marchés d’actions au comptant, loin devant Francfort (2.500 milliards) et Londres (3.700 milliards), selon KBC Securities.
« Plus vous offrez de liquidité, plus vous en attirez. L’ampleur et la diversité des flux d'échanges sur les marchés d’Euronext en font le lieu de référence pour la formation des prix », souligne l’intermédiaire financier.
La City n’a cependant pas dit son dernier mot. Cette semaine, l’annonce par le groupe pétrolier Shell du transfert de son siège des Pays-Bas vers Londres, après une décision similaire d’Unilever en 2020, montre que le Royaume-Uni post-Brexit entend rester un centre d’affaires de premier plan, grâce notamment à un levier fiscal retrouvé.
Même si quelque 1.200 milliards d’euros d’actifs ont quitté Londres suite au Brexit, la City reste de loin le plus grand centre financier d’Europe, souligne le think tank New Financial. Le centre d'études estime par ailleurs que la Bourse de Francfort devrait être le premier bénéficiaire du Brexit à long terme, en termes d’actifs transférés.
Nouvelles sources de revenus
Euronext bénéficie cependant d’une dynamique favorable liée à une série d’acquisitions au cours des dernières années, dont la dernière est qualifiée de « transformante » par la plupart des analystes.
Le rachat de Borsa Italiana a permis au groupe de mettre la main CC&G, une chambre de compensation, ainsi que sur Monte Titoli, un dépositaire central. Une bonne partie de la chaîne de valeur des transactions boursières réside dans ces activités de post-marché, qui assurent la compensation et le règlement-livraison des titres.
« Pour la première fois, Euronext contrôle l’ensemble de la chaîne de valeur », souligne KBC Securities.
D’ici à 2024, Euronext entend faire de CC&G la chambre de compensation principale pour l’ensemble de ses marchés d’actions, de dérivés et de matières premières, remplaçant ainsi plusieurs prestataires externes dont LCH SA, une filiale du London Stock Exchange.
Les bénéfices du transfert des activités de clearing se concrétiseront plutôt vers la fin du plan, en 2023 ou 2024, affirme Alberto Nigro, analyste chez Mediobanca. « Cela implique en effet d’obtenir le feu vert des autorités de régulation et de convaincre les clients de changer de chambre de compensation. Mais compte tenu de la profondeur du pool de liquidité offert par Euronext, le groupe devrait être en mesure de proposer des tarifs compétitifs », indique l’analyste.
Des objectifs financiers prudents
A terme, la reprise en main de la compensation offrira au groupe de nouveaux revenus récurrents. Euronext entend également tirer parti de la migration de son centre de données de Londres à Bergame, qui générera des revenus de location de serveurs par les institutions financières désireuses de bénéficier de temps de latence les plus courts possible afin de passer leurs ordres sur les plateformes du groupe.
Ces initiatives stratégiques auraient pu paraître osées avant le Brexit. Aujourd’hui, elles s’imposent dans un contexte de compétition accrue entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. « L’objectif du groupe de créer une infrastructure de marché véritablement européenne est parfaitement aligné avec celui de la Commission européenne de faire aboutir l’union des marchés de capitaux », observe Alberto Nigro chez Mediobanca.
Quant aux objectifs financiers, ils sont jugés crédibles, voire prudents, par la plupart des analystes. « La direction d’Euronext a un historique bien établi de dépassement (avec une bonne marge) des objectifs de croissance fixés. Nous attendons un résultat similaire pour le plan «Growth for Impact» de 2024 », soulignent les analystes d’UBS.
En Bourse, le titre de l’opérateur s'échange à environ 17 fois les bénéfices attendus pour 2022, contre 20 fois pour Deutsche Börse et 22,5 fois pour le LSE. Cela montre que le marché n’a pas totalement intégré le changement de braquet du groupe.
Plus d'articles Opérateurs de marché
-
Euronext relance une phase de développement pour ses marchés actions
Grâce à Borsa Italiana, l’opérateur pourra relancer un service «dark» et connecter à ses marchés transparents sa plateforme alternative permettant de négocier des valeurs non nationales ou américaines. -
La Bourse Artex réalisera sa première cotation avec une œuvre de Francis Bacon
La plateforme, régulée au Liechtenstein, avait présenté son système de cotation des œuvres d’art en janvier dernier. -
L’opérateur CBOE veut se lancer sur les introductions en Bourse européennes
L’acteur américain, plutôt alternatif en Europe, souhaite venir concurrencer les ténors européens – LSE, Euronext et Deutsche Börse – sur les IPO.
Sujets d'actualité
Contenu de nos partenaires
- Slawomir Krupa doit redorer le blason boursier de la Société Générale
- L’alliance mondiale des assureurs «net zéro» fait pschitt
- Risque climatique : les eurodéputés doivent faire des plans de transition un pilier de la gestion du risque
- Pour démocratiser l’accès au private equity, n’oublions pas l’épargne salariale !
- Arnaud Llinas (Amundi ETF): «80% de notre collecte du premier trimestre s’est faite sur les ETF ESG»
- Carrefour s’apprête à supprimer 1.000 postes dans ses sièges en France
- La succession d’Olivier Klein à la tête de la Bred se précise
- Casino obtient l’ouverture d’une procédure de conciliation avec ses créanciers
- La Société Générale présentera sa nouvelle feuille de route stratégique le 18 septembre
-
Diplomatie
Le président brésilien Lula sera reçu à Paris par Emmanuel Macron les 22 et 23 juin
Un sommet pour un nouveau pacte financier sur la pauvreté et le climat se tiendra ce faisant. L’Elysée évoque l’occasion de « relancer » la relation bilatérale -
Stratégie
La Russie se dit prête à respecter le traité New Start si les Etats-Unis renoncent à être «hostiles»
Cette semaine, Washington s'est dit à même de se conformer à ce traité si Moscou en faisait de même. Le texte limite à 1 550 le nombre de têtes nucléaires par Etat et doit expirer en 2026 -
Justice
Olivier Dussopt jugé en novembre pour favoritisme par le tribunal correctionnel de Paris
Le ministre est soupçonné d'avoir favorisé en 2009, alors qu'il était maire d'Annonay (Ardèche), l’obtention d'un marché de gestion de l'eau à la société Saur