La valorisation d’Euronext ne reflète pas ses atouts dans l’arène européenne

La Bourse pan-européenne reste moins bien valorisée que Deutsche Börse et le LSE. Sa revalorisation dépend du succès des synergies promises par le rachat de Borsa Italiana.
François Schott
Euronext, opérateur boursier, La Défense 92
Euronext, opérateur boursier, La Défense 92  -  RK.

Alors que le Brexit n’a pas fini de faire bouger les lignes au sein des marchés de capitaux européens, la nouvelle feuille de route d’Euronext devrait conforter les investisseurs dans la réalisation du plein potentiel du groupe.

L’opérateur des Bourses de Paris, Milan, Amsterdam, Bruxelles, Lisbonne, Dublin et Oslo entend construire au cours des trois prochaines années « l’infrastructure de marché numéro un en Europe », devant la Bourse de Francfort et le London Stock Exchange (LSE).

Cette ambition est en bonne voie : avec une capitalisation boursière cumulée de 6.500 milliards d’euros sur ses différentes places, Euronext offre le pool de liquidité le plus large d’Europe pour les marchés d’actions au comptant, loin devant Francfort (2.500 milliards) et Londres (3.700 milliards), selon KBC Securities.

« Plus vous offrez de liquidité, plus vous en attirez. L’ampleur et la diversité des flux d'échanges sur les marchés d’Euronext en font le lieu de référence pour la formation des prix », souligne l’intermédiaire financier.

La City n’a cependant pas dit son dernier mot. Cette semaine, l’annonce par le groupe pétrolier Shell du transfert de son siège des Pays-Bas vers Londres, après une décision similaire d’Unilever en 2020, montre que le Royaume-Uni post-Brexit entend rester un centre d’affaires de premier plan, grâce notamment à un levier fiscal retrouvé.

Même si quelque 1.200 milliards d’euros d’actifs ont quitté Londres suite au Brexit, la City reste de loin le plus grand centre financier d’Europe, souligne le think tank New Financial. Le centre d'études estime par ailleurs que la Bourse de Francfort devrait être le premier bénéficiaire du Brexit à long terme, en termes d’actifs transférés.

Nouvelles sources de revenus

Euronext bénéficie cependant d’une dynamique favorable liée à une série d’acquisitions au cours des dernières années, dont la dernière est qualifiée de « transformante » par la plupart des analystes.

Le rachat de Borsa Italiana a permis au groupe de mettre la main CC&G, une chambre de compensation, ainsi que sur Monte Titoli, un dépositaire central. Une bonne partie de la chaîne de valeur des transactions boursières réside dans ces activités de post-marché, qui assurent la compensation et le règlement-livraison des titres.

« Pour la première fois, Euronext contrôle l’ensemble de la chaîne de valeur », souligne KBC Securities.

D’ici à 2024, Euronext entend faire de CC&G la chambre de compensation principale pour l’ensemble de ses marchés d’actions, de dérivés et de matières premières, remplaçant ainsi plusieurs prestataires externes dont LCH SA, une filiale du London Stock Exchange.

Les bénéfices du transfert des activités de clearing se concrétiseront plutôt vers la fin du plan, en 2023 ou 2024, affirme Alberto Nigro, analyste chez Mediobanca. « Cela implique en effet d’obtenir le feu vert des autorités de régulation et de convaincre les clients de changer de chambre de compensation. Mais compte tenu de la profondeur du pool de liquidité offert par Euronext, le groupe devrait être en mesure de proposer des tarifs compétitifs », indique l’analyste.

Des objectifs financiers prudents

A terme, la reprise en main de la compensation offrira au groupe de nouveaux revenus récurrents. Euronext entend également tirer parti de la migration de son centre de données de Londres à Bergame, qui générera des revenus de location de serveurs par les institutions financières désireuses de bénéficier de temps de latence les plus courts possible afin de passer leurs ordres sur les plateformes du groupe.

Ces initiatives stratégiques auraient pu paraître osées avant le Brexit. Aujourd’hui, elles s’imposent dans un contexte de compétition accrue entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. « L’objectif du groupe de créer une infrastructure de marché véritablement européenne est parfaitement aligné avec celui de la Commission européenne de faire aboutir l’union des marchés de capitaux », observe Alberto Nigro chez Mediobanca.

Quant aux objectifs financiers, ils sont jugés crédibles, voire prudents, par la plupart des analystes. « La direction d’Euronext a un historique bien établi de dépassement (avec une bonne marge) des objectifs de croissance fixés. Nous attendons un résultat similaire pour le plan «Growth for Impact» de 2024 », soulignent les analystes d’UBS.

En Bourse, le titre de l’opérateur s'échange à environ 17 fois les bénéfices attendus pour 2022, contre 20 fois pour Deutsche Börse et 22,5 fois pour le LSE. Cela montre que le marché n’a pas totalement intégré le changement de braquet du groupe.

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