
La transition hors du Libor dollar est ralentie par les Britanniques

L’industrie mondiale doit avoir converti les marchés aux nouveaux taux sans risque de référence (RFR) d’ici à fin 2021 pour les taux Libor CHF (Suisse), EUR (zone euro), JPY (Japon) et GBP (Royaume-Uni), ou mi-2023 pour les taux Libor USD (Etats-Unis). Alors que l’Europe a déjà opéré en 2020 le transfert de l’Eonia vers €STR et le nouveau calcul des taux Euribor, les participants de marché et le Conseil de stabilité financière (FSB) commencent à s’inquiéter de la lenteur des avancées concernant le Libor dollar américain (USD). Mardi, plusieurs dirigeants d’institutions financières (NatWest, Vanguard…) ont exprimé leur inquiétude lors d’un webinar organisé par Bloomberg, et appelé à plus de clarté et de promotion sur les alternatives au Libor, notamment le taux réel au jour le jour (overnight) Sofr développé par la Fed américaine. Barclays a également réalisé une étude montrant les craintes sur les marchés de dette.
Inquiétudes et embarras
Quant au FSB, il s’est encore inquiété, début juin dans une feuille de route sur les mesures à prendre pour atténuer les risques liés à l’arrêt du Libor, de la dépendance des marchés mondiaux au Libor USD, mais semble encore bien embarrassé par ce dossier. Le 5 mars, l’ICE Benchmark Administration (IBA), la filiale britannique de la bourse américaine qui gère et calcule les taux Libor (USD compris) depuis les scandales autour de la manipulation de ces taux de référence et le transfert de leur gestion auparavant assurée par l’Association des banques britanniques (BBA), a officiellement confirmé, avec la Financial Conduct Authority (FCA) britannique, les dates d’arrêt des calculs Libor. Mais, alors que le Royaume-Uni avait pris un délai avant d’appliquer le règlement européen sur les taux de référence (BMR) à cause du Brexit, la bataille pour la succession du Libor USD s’annonce coriace…
Officiellement, ces taux Libor composés/capitalisés seront remplacés par des taux réels overnight, pour la plupart gérés par la banque centrale du pays : Sonia pour le Libor GBP, €STR pour le Libor EUR (comme pour l’Eonia), Saron pour le Libor CHF, Tona pour le Libor JPY, et donc Sofr pour le Libor USD. «Dans les faits, le Sofr n’a pas encore pris, si on enlève les opérations collatéralisées (repo) entre les banques commerciales et la banque centrale, et si on se projette sur la maturité 3 mois (3m Libor USD) qui reste de loin la référence avec le plus de liquidité. Les Américains ont aussi expliqué qu’il n’y a pas assez de temps pour une conversion car les banques émettent encore beaucoup de contrats (swaps ou prêts) avec cette référence», rappelle Cédric Quemener, expert chez Cognizant Consulting.
De la place pour de nouveaux indices
Les Bourses et autres fournisseurs de données se sont dit qu’il y avait sans doute de la place pour de nouveaux indices, éventuellement des indices synthétiques (à partir de l’historique d’un taux overnight qui est intégré dans des projections sur les maturités considérées) : «La clé reste la liquidité, donc d’être capable de convaincre les gestionnaires de fonds monétaires de la légitimité d’un taux en tant que référence, explique Cédric Quemener. Et les Britanniques associés à l’IBA, qui a en premier proposé un indice synthétique alternatif, ne veulent pas perdre cette liquidité pour une question de souveraineté et de stratégie liée à la place financière.» Si, comme ce spécialiste le pense, le marché des RFR devait se fragmenter par type d’instruments (repo tripartite, repo bilatéral, swaps, contrats à terme, prêts à taux variables) et par devise, Londres perdrait encore de son attractivité et la livre sterling de son poids sur le marché des devises.
De leur côté, les chambres de compensation (CCP) ont formulé depuis février leurs propositions pour la conversion des contrats de dérivés (swaps compensés) hors du système Libor, et discutent encore actuellement avec l’industrie afin d’arrêter prochainement ces taux de remplacement (fallback). En parallèle, «elles ont à peu près résolu le problème lié à leur base de facturation, qui sera moins souvent assise sur les valorisations des contrats (très volatiles) et plus souvent sur des forfaits liés au nombre de contrats (lignes) pour en limiter la variabilité liée au type de RFR», conclut Cédric Quemener.
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