La supervision bancaire se relâche de façon contrôlée

Le Conseil de surveillance de la BCE a enlevé un peu de pression sur les exigences de fonds propres.
Fabrice Anselmi

En marge de mesures monétaires dévoilées jeudi, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une adaptation provisoire de la supervision bancaire afin d’éviter que les turbulences économiques et financières liées au coronavirus ne conduisent les banques de la zone euro à rationner le crédit et à mettre leurs bilans sous pression. Le Conseil de supervision a décidé de jouer en premier sur les coussins de sécurité, en permettant aux banques «d’opérer temporairement au-dessous du niveau de capital défini par les orientations du Pilier 2 recommandé (P2G), le volant de conservation du capital (CCB) et le ratio de couverture des liquidités (LCR)», indique un communiqué.

Les recommandations P2G du superviseur n’étant jamais communiquées au marché, ce dernier a coutume de compter 1,5% des actifs pondérés par les risques (RWA), «donc c’est a priori moins intéressant que de jouer sur le Pilier 2 requis (P2R, entre 1,5% et 3,25% selon les banques), et que sur le CCB (2,5%)», commente Jean-Luc Lépreux, analyste chez Schelcher Prince, estimant que les sujets de liquidité liés aux LCR sont secondaires dans cette période où les banques concernées se refinancent facilement auprès de la BCE. «La Fédération des banques européennes (EBF) doit être satisfaite face à ses demandes, qui n’allaient même pas si loin concernant le LCR, dont elles voulaient ne pouvoir utiliser que la part excédentaire», rappelle François Lavier chez Lazard Frères Gestion.

L’institution européenne, qui demande à ne pas utiliser ces mesures temporaires pour augmenter les dividendes ou les bonus, considère qu’elles seront renforcées par un assouplissement du coussin de capital contracyclique (CCyB) quand les autorités nationales le peuvent - plutôt dans les pays nordiques qu’en France (où ce coussin est de 0,25%) et en Allemagne (0%).

S’adapter aux banques en fonction de leurs efforts

Les banques pourront aussi satisfaire à leurs exigences en capital P2R, dans le cadre du SREP, en utilisant des instruments de dette subordonnée (AT1, Tier 2) dès à présent, et non à partir de 2021 comme prévu. «C’était déjà dans le marché, et ce n’est valable que pour les banques ayant déjà des coussins AT1 et Tier 2 excédentaires, car il n’est plus possible de lever ces dettes aujourd’hui, poursuit Jean-Luc Lépreux. On reste dans du cas par cas, qui permet au superviseur de contrôler la situation sans changer les règles.»

Cela aura soulagé certains observateurs comme l’organisation Finance Watch concernant les créances douteuses (NPL), sur lesquelles les banques (italiennes notamment) réclamaient un report d’un an et un assouplissement des nouvelles règles afin d’atténuer leurs besoins de fonds propres : le superviseur ne change pas le «thermomètre», ce qui aurait également fait bouger les RWA, laissant plutôt aux autorités de contrôle la flexibilité pour s’adapter aux différentes banques en fonction de leurs efforts.

La BCE discutera d’éventuelles mesures individuelles en termes de calendriers, processus et délais, par exemple concernant les inspections sur les modèles internes. Au vu du test «grandeur nature» que les banques sont en train de vivre, elle a soutenu la décision de l’Autorité bancaire européenne (EBA) de reporter les tests de résistance 2020 à 2021, ce qui permettra aux équipes de risques de se consacrer aux situations d’urgence.

Finalement, «le superviseur a montré une certaine flexibilité tout en gardant un certain contrôle - même si cela n’aura pas d’effet sur la qualité de crédit des banques -, et de façon pragmatique, face à la perspective d’une forte augmentation du coût du risque», conclut François Lavier.

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