
La route vers la reprise est encore longue

Les économistes sont moins pessimistes sur la croissance en 2020 même s’ils anticipent toujours une nette contraction de l’économie. La plupart ont revisé leurs prévisions à la hausse ces dernières semaines. Oxford Economics a revu son anticipation de contraction de l’activité de -4,8% à -4,4% après l’ajustement de ses prévisions pour les pays développés (-5,7%) puis les émergents (-1,9%). Deutsche Bank (DB) voit une contraction de 4,3% au niveau mondial, un net ajustement par rapport à sa précédente prévision (+ 1,5 point). «Le rebond après le plongeon de l’économie mondiale provoqué par le Covid s’est révélé plus important que prévu», indique Peter Hooper, responsable de la recherche économique chez DB alors que les données du deuxième trimestre ont montré que l’activité avait moins plongé que prévu pendant le confinement. DB a revu en baisse son anticipation de croissance de -12% à -8,6% pour la zone euro et de -7,1% à -5,2% pour les Etats-Unis.
Ces ajustements importants s’expliquent par le caractère inédit de la situation. «La plupart des économies ont subi en avril un choc comme jamais auparavant et nous ne savions pas quelle serait leur capacité à rebondir après une telle rupture, observe Philippe Waechter, économiste chez Ostrum AM qui anticipe une contraction de 8,5% en zone euro et de 7,5% aux Etats-Unis. Les premiers indicateurs confirmant notamment un rebond de la consommation nous permettent d’y voir plus clair». L’épargne accumulée pendant le confinement et la préservation de l’emploi grâce aux différents dispositifs mis en place par les Etats ont permis un rattrapage de la consommation et aux ventes de détail de revenir à leur niveau d’avant la crise.
Retard dans le redressement des services
Néanmoins le rythme de la reprise va être long. «La dynamique constatée depuis la sortie des confinements n’est pas tenable», juge Philippe Waechter qui constate une reprise de la consommation des biens mais un retard dans les services. Des signes de tassement sont déjà perceptibles comme le montrent les dernières statistiques mensuelles chinoises ou le ralentissement des ventes de détail aux Etats-Unis en juillet. «Dans de nombreux pays, le rebond mécanique est déjà en grande partie consommé. Nous connaissons une reprise en racine carrée ou, pour reprendre l’image de la Banque de France, en aile d’oiseau. Elle est soutenue par divers facteurs. Toutefois, les risques demeurent élevés», affirme William De Vijlder, chef économiste chez BNP Paribas. Alors que la pandémie n’est pas encore maîtrisée, la multiplication de nouveaux foyers, notamment en Europe, alimente les craintes d’une seconde vague. Par ailleurs, les craintes sur le marché du travail rendent les consommateurs plus prudents tandis que les entreprises risquent d’attendre pour investir.
Changement de comportement des consommateurs
Or si l’activité a rebondi, elle est loin d’avoir retrouvé son niveau d’avant la crise. Ainsi, en France, la reprise se poursuit inégalement entre les différents secteurs d’activité, relève la Banque de France dans son dernier point de conjoncture. Les exportations coréennes, qui sont un bon indicateur avancé de l’évolution du commerce mondial, ont certes rebondi mais restent 6% sous leur niveau de janvier, tandis que la production industrielle est inférieure de 8% au niveau mondial, selon Oxford Economics. Ses économistes soulignent que la faible reprise de certains secteurs des services (hôtels, restaurants…), affectés par les distanciations sociales et le changement de comportement des consommateurs, pourraient significativement pénaliser la reprise à moyen terme. La Suède, qui a privilégié les distanciations sociales volontaires au confinement strict, comme c’est le cas dans de nombreux pays actuellement, a tout de même vu son PIB chuter de 8% au deuxième trimestre. En Australie, la confiance des ménages est retombée à son plus bas du printemps avec le reconfinement. Les économistes de Deutsche Bank estiment que la reprise va se tasser entre mi-2020 et mi-2021 avant qu’un vaccin ne puisse permettre à l’économie de véritablement se reprendre.
Reste à savoir quand les économies auront refermé l’écart de croissance. «C’est un point important et notamment de savoir de combien va se creuser l’écart avec la Chine», affirment les stratégistes de Deutsche Bank. Il faudra attendre mi-2022 pour les Etats-Unis et début 2023 pour la zone euro quand la Chine a déjà comblé le sien. Et l’écart ne va cesser de s’accroître entre la Chine et les autres grandes économies avec le risque d’accroître les tensions.
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Après la chute de Bayrou, des rassemblements improvisés dans plusieurs villes de France
Paris - Des manifestants fêtent lundi soir dans différents endroits de France la chute du gouvernement de François Bayrou devant des mairies, à l’appel du mouvement «Bloquons tout» le 10 septembre. A Nantes, quelque 300 personnes, selon la préfecture, se sont rassemblées en début de soirée, en musique et sous des pancartes marquées «Bye bye Bayrou» et «le 10/09 on bloque tout», quelques confettis survolant le regroupement. «On en profite pour échanger sur les différentes actions prévues le 10 septembre, les informations circulent», rapporte Inès Guaaybess, 30 ans, qui prévoit de se mobiliser mercredi. A Rennes, quelques centaines de personnes, pour beaucoup des étudiants, se sont réunis place de la mairie autour d’une table avec quelques bouteilles et du pain, sur fond de musique et de confettis. Les manifestants se sont ensuite rendus place Sainte-Anne au centre ville, haut lieu de la vie étudiante rennaise. «On est au bout du système» avec «une alternance droite gauche qui ne remet pas en cause le côté capitaliste libéral. Il va falloir bifurquer», assure Jérémie, ingénieur de 37 ans, venu en vélo avec son enfant. A Paris, des rassemblements étaient organisés devant plusieurs mairies d’arrondissement. Dans le 20e, au moins 200 personnes se sont réunies place Gambetta dans une ambiance bon enfant. «C’est une grande victoire ce soir! Le prochain gouvernement devrait penser aux pauvres et aux retraités. Tout est cher, tout augmente. Macron, je voudrais qu’il s’en aille, pourtant j’ai voté deux fois pour lui pour faire barrage» à l’extrême droite, explique Amina Elrhardour, 60 ans. Selon Marius, 25 ans, «il y a vraiment de la démocratie locale qui s’organise» en vue du 10 septembre, tandis que Xavier Keller, 25 ans lui aussi, dit que «le Nouveau Front populaire doit gouverner. On est capable de faire accepter un budget de gauche, je n’ai aucun doute là-dessus». A Bordeaux, plus d’une centaine de personnes, dont de très nombreux jeunes, ont applaudi et crié de joie à l’annonce de la chute du gouvernement Bayrou, au son d’une fanfare. «Il faut qu’on soit visible, on est nombreux à en avoir ras le bol et n’avoir plus confiance en Macron», lance Mathilde, trentenaire ceinturée d’une banane Confédération paysanne. Un rassemblement a également été organisé en fin d’après-midi à Pau, ville dont M. Bayrou est le maire. Le chef de l’Etat a dit vouloir nommer un nouveau Premier ministre «dans les tout prochains jours». © Agence France-Presse