La restructuration des dettes émergentes est semée d’embûches

L’Argentine a repoussé son ultimatum de dix jours pour tenter d’éviter un défaut. D’autres pays sont sur la sellette.
Xavier Diaz
Argentine, drapeau peint sur un mur
L’Argentine a jusqu’au 22 mai pour trouver un accord avec ses créanciers.  -  Fotolia

Jusqu’à la dernière minute. L’Argentine s’accorde du temps pour négocier la restructuration d’une dette de 65 milliards de dollars avec ses créanciers privés. Ces derniers n’ont pas donné leur accord au plan proposé par Alberto Fernandez, le président argentin, avant la date butoir du 8 mai. Il y a pour l’heure un fossé entre les deux parties. Pourtant aucune n’a intérêt à ce que le pays fasse à nouveau défaut. La date du 22 mai, nouvelle échéance pour un accord, n’est pas anodine puisqu’elle marque la fin de la période de grâce suivant le non-paiement des intérêts d’une obligation à échéance 2021, avec un risque de défaut. L’enjeu est important. Une nouvelle défaillance priverait l’Argentine d’accès au marché financier… une fois de plus.

Situation complexe du Liban

En Amérique latine, la dette de l’Equateur risque également une restructuration. «La situation du Liban est encore plus complexe car le pays cumule une crise économique et une crise politique», souligne Pierre-Yves Bareau, directeur de la dette émergente chez JPMorgan AM. Cela se reflète dans le prix des obligations qui traitent autour de 18% du pair. «Les perspectives de restructuration sont assez peu claires», poursuit le gérant. Et ce malgré les avancées vers un soutien du Fonds monétaire international (FMI).

Pour ces trois pays, la crise du coronavirus n’a finalement fait qu’accélérer une restructuration de dette intégrée dans les prix de marché. En revanche, cela accentue les difficultés des pays les plus fragiles. Les appels en vue d’un allègement des dettes des pays les plus pauvres se sont multipliés ces dernières semaines. Ils doivent faire face à la détérioration de leurs économies et à l’urgence sanitaire, avec des moyens budgétaires limités. Les plus vulnérables sont les pays exportateurs de matières premières et plus particulièrement de pétrole. «Pour ces derniers, la chute des prix ajoute à la crise sanitaire et économique et ils sont d’autant plus vulnérables qu’ils sont endettés», juge Pierre-Yves Bareau. Une position d’autant plus complexe que le prix du baril de pétrole pourrait rester bas encore longtemps car la reprise risque d’être très lente. «Les grands pays bénéficiant d’une bonne situation financière, tels la Russie, la Colombie ou la Malaisie, sont moins concernés par ce risque que des pays comme l’Angola ou la Zambie avec le cuivre», poursuit le gérant.

Moratoire pour nombre de pays africains

Pour la plupart, ce sont des pays d’Afrique subsaharienne qui bénéficient d’un moratoire sur le service de leur dette cette année à compter du 1er mai accordé par le G20 aux 73 pays les plus pauvres. Mais cela concerne uniquement le secteur public (dettes bilatérales, dont celle de la Chine, et des institutions internationales). Le secteur privé n’est donc pas partie prenante dans l’accord initial. L’IIF, qui représente les créanciers privés, a déclaré fin avril qu’il était prêt à collaborer à cette initiative, de façon volontaire, tout en soulignant la complexité de suspendre le service de la dette dans un temps court. Le montant de ces intérêts est de 13 milliards de dollars, pour le seul secteur privé qui est plus hétérogène que le secteur public. «Il est plus compliqué de demander au secteur privé qu’au secteur public car cela entraîne des discussions sur une restructuration de la dette avec un risque d’accès au marché et donc économique pour des pays déjà très fragiles. Il est probable que les discussions se fassent au cas par cas», ajoute Pierre-Yves Bareau.

Parmi les 73 pays bénéficiant de ce moratoire, 26 seulement émettent sur le marché international de la dette (Eurobonds), pour un total de 70 milliards de dollars, selon l’IIF. Six pays (Nigeria, Ghana, Angola, Côte-d’Ivoire, Kenya) pèsent 70% de ce stock. Seize pays ont reçu un soutien du FMI. Au total, ils doivent payer 4,9 milliards de dollars, au titre de ces dettes, d’ici la fin année, dont 3,7 milliards d’intérêts. «La part de ces pays dans les indices n’est pas très importante et le risque de restructuration est déjà intégré dans les prix», constate par ailleurs Pierre-Yves Bareau. Pour l’IIF, les pays dépendant le plus des marchés obligataires sont les moins enclins à demander un moratoire à leurs créanciers privés : Mongolie, Ghana, Nigeria et Côte-d’Ivoire.

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