
La licorne Meero se donne des ailes

La French Tech compte une licorne de plus, non sans susciter une certaine perplexité. La start-up Meero, qui fournit des services en ligne aux photographes, a levé 230 millions de dollars (205 millions d’euros) pour son troisième tour de financement, qui le valorise à plus d’un milliard de dollars et lui permet d’intégrer le clan convoité des licornes. Etant donné une dilution typique de 20% à 30% observée entre chaque round dans les start-up, une telle valorisation est crédible. Meero réalise ainsi la deuxième plus grande levée pour une start-up française, juste derrière les 224 millions d’OVH en 2016.
L’opération a été menée par le français Eurazeo, qui a apporté 56 millions de dollars et entre ainsi au capital de la start-up. Le néerlandais Prime Ventures et l’américain Avenir Growth Capital sont également de nouveaux actionnaires, tandis que la plupart des investisseurs historiques ont remis au pot : Global Founders Capital, Aglaé Ventures, Alven, White Star Capital et Idinvest Partners (filiale d’Eurazeo). L’allemand Rocket Internet figure également au capital. Meero avait levé 45 millions de dollars il y a moins d’un an lors que son deuxième tour de table – portant le total à 300 millions depuis sa création.
Une taille de marché à confirmer
Ces montants sont en rapport avec les très grandes ambitions de son fondateur de 31 ans, Thomas Rebaud, qui ont de quoi étonner. Meero est né en 2016, mais revendique déjà 600 collaborateurs déployés à Paris, New York, Shanghai, Tokyo et Bangalore. Et ce nombre doit avoir doublé à la fin de l’année. Meero vise entre 5 et 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans cinq à sept ans, alors que Thomas Rebaud admet que les revenus sont aujourd’hui inférieurs au milliard. «Nous évaluons le marché de la photographie professionnelle à 80 milliards de dollars actuellement et à 100 milliards dans 5 ans. Nous sommes les seuls dans notre activité. Imaginer que nous puissions viser entre 5% et 10% de part de marché est tout sauf idiot», explique-t-il à L’Agefi, précisant que les estimations ont été réalisées en interne et croisées avec celles de clients et d’un cabinet de stratégie.
Meero met en relation les photographes professionnels et leurs commanditaires – la start-up revendique 31.000 entreprises clientes et 58.000 photographes. Elle propose également un service de postproduction de photos utilisant l’intelligence artificielle, ainsi que des outils d’aide (gestion administrative, communauté, etc.). La société se rémunère avec des commissions – non communiquées. A titre de comparaison, EverPhotoShoot, qui vise, elle, la clientèle particulière, prend une commission de 40%.
«Le marché de la photographie lui-même est évalué entre 60 et 100 milliards de dollars, confirme Eric Martineau-Fortin, fondateur de White Star, qui accompagne Meero depuis le premier tour de table en septembre 2017. Il prend en compte les grands consommateurs de photographies comme Airbnb, Deliveroo, Expedia ou les agences immobilières, les fabricants d’appareils photos et les éditeurs de logiciels graphiques, comme Adobe».
Les concurrents directs de Meero, tels que Snappr ou Kodakit (un service de Kodak), «n’ont pas sa capacité d’exécution», ajoute Eric Martineau-Fortin, qui évoque la faculté de Meero à honorer des contrats de 20 à 40 millions de dollars agrégeant plusieurs dizaines de photographes à travers le monde. «Un élément probant est que Meero a une liste d’attente», ajoute l’investisseur. En outre, affirme Thomas Rebaud, «pas un de nos concurrents n’a plus de trois développeurs et n’a de chercheur en interne». Lui revendique une équipe de R&D de 90 personnes, qu’il compte porter à 300 d’ici à fin 2020. L’ouverture du service aux clients particuliers est l’un des axes de développement. «Prendra-t-il 5% ou 20% de l’activité de photographie à moyen terme? Cela reste à définir», estime Eric Martineau-Fortin.
Les bénéfices attendront
«On est sur une valorisation très, très élevée, sur un sujet intéressant mais pas d’une ‘sexyness’ incroyable, nuance un professionnel qui n’a pas souhaité investir dans Meero. Si la photographie est un très gros marché, l’argument de l’intelligence artificielle me semble davantage du marketing destiné aux financiers. L’IA améliore des procédés, mais ce n’est pas l’actif principal de la société». Meero, qui, remarque ce professionnel, «n’est pas près de faire des bénéfices vu la rapidité de son développement», devra maintenir sa capacité d’exécution et, en cas d’apparition de concurrents, sa croissance. Comme c’est en général le cas avec les licornes, les actionnaires patienteront avant de voir Meero dégager des bénéfices. Thomas Rebaud prévoit un horizon de rentabilité «sine die».
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