
La fausse bonne idée du fonds souverain

Pour feindre de régler un problème, les politiques français ont trouvé trois recettes : taxer, interdire… ou créer un fonds souverain. Marine Le Pen a fait de cet instrument la pierre angulaire de son programme de relance économique. Avec son FSF, pour Fonds souverain français, la candidate espère drainer 500 milliards d’euros d’épargne privée en cinq ans grâce à la garantie de l’Etat et à une rémunération minimale de 2 %, ajustable à la hausse en fonction de l’inflation et de la durée du placement. Cette manne servirait à financer les PME, mais aussi la transition environnementale et l’aménagement du territoire.
Voilà plus de vingt ans qu’au nom du nationalisme économique, la France bricole des fonds souverains qu’elle n’a pas les moyens d’abonder, à la différence des pays assis sur des rentes pétrolières ou gazières (lire page 16). Le gouvernement Jospin avait créé le Fonds de réserve pour les retraites, le président Sarkozy le Fonds stratégique d’investissement, deux outils très différents dans leurs buts et leurs ressources. Privé d’argent frais, le premier vivote en gérant sa pelote. Le second a donné naissance à Bpifrance, la banque publique d’investissement voulue par François Hollande, qui a trouvé en une décennie toute sa place dans l’écosystème du financement de l’économie française.
Qu’apporterait donc de plus un FSF ? Sur le papier, sa force de frappe... qui reviendrait à siphonner l’intégralité des flux nets d’épargne annuels. Mais à courir plusieurs lièvres à la fois, il pourrait bien les rater tous. Son taux garanti et les projets publics qu’il prétend financer empruntent davantage au Livret A et au Livret de développement durable et solidaire ; mais dans ce cas, rien ne justifierait d’offrir des rendements supérieurs. S’il devait au contraire cibler des projets risqués, comme ceux des PME, il serait pressé par le pouvoir de renflouer les canards boiteux de l’économie. A sa création, Bpifrance avait dû s’employer pour tenir à distance les pressions des représentants de l’Etat et des territoires, incarnées mieux que personne à l’époque par Ségolène Royal. Qui arbitrerait cette fois ce conflit d’intérêts permanent, et qui, de l’épargnant ou du contribuable, assumerait les pertes potentielles ? Le flou règne encore. Enfin, il manque à cet outil la carotte fiscale sans laquelle un placement n’a guère de chances de succès dans ce pays.
Le FSF, en l’état, apporterait une mauvaise réponse à un vrai sujet : le déséquilibre des choix patrimoniaux des Français, massivement portés sur la dette publique, via l’assurance-vie, et l’immobilier, qui sert d’assurance retraite. Ce déséquilibre n’est malheureusement pas traité ailleurs dans la campagne. Le Trésor n’a pas intérêt à tarir la demande d’emprunts d’Etat à l’heure où les taux remontent. L’immobilier, au travers du logement, est absent des débats. Quant à l’équilibre des régimes de retraite, à aucun moment il n’est abordé sous l’angle d’un système supplémentaire par capitalisation. Dommage.
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En Nouvelle-Calédonie, des tensions autour de l’accord de Bougival et du report des élections provinciales
Nouméa - Le parti indépendantiste Union calédonienne (UC) a qualifié dimanche de «stratégie de manipulation» la publication samedi au Journal officiel de l’accord de Bougival sur l’avenir institutionnel de cet archipel du Pacifique sud, texte qu’il avait rejeté. «Manuel Valls persiste dans sa stratégie de manipulation et tente de transformer un projet contesté en loi constitutionnelle, contre la volonté des indépendantistes et du peuple kanak», a réagi dans un communiqué l’Union calédonienne, principale composante du mouvement indépendantiste Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). Cette publication au JO «marque une étape importante puisque l’accord continue de progresser vers sa mise en œuvre concrète», s’est félicité samedi auprès de l’AFP le ministre des Outre-mer Manuel Valls. L’accord de Bougival a été validé dans un premier temps le 12 juillet par l’ensemble des participants, au terme de dix jours de négociations. Mais le 9 août, les militants du FLNKS ont rejeté le texte, estimant qu’il était «contraire aux fondements de la lutte indépendantiste». Deux rencontres à Nouméa fin août entre Manuel Valls et des représentants du mouvement n’ont pas permis d’infléchir cette position. La publication du texte au JO va notamment permettre au Sénat «d’examiner sa proposition de loi organique permettant le report des élections provinciales en juin 2026", a précisé M. Valls. Le texte prévoit également l’ouverture du corps électoral, dossier extrêmement sensible dans l’archipel, qui avait entraîné la crise insurrectionnelle de 2024. «Comme par enchantement, le projet est devenu Accord de Bougival et a été publié au Journal officiel, donnant l’illusion d’une légitimité juridique, dénonce l’UC. Mais un texte dont les signataires sont inconnus et dont le contenu est flou ne peut servir de base à un report arbitraire des élections.» Le 12 juillet, les représentants de toutes les formations politiques présentes ont signé un «engagement à défendre le texte» portant la mention «projet d’accord» à leur retour en Nouvelle-Calédonie. «Nous dénonçons ici les méthodes colonialistes et dilatoires de l’État français, qui cherchent à imposer ses choix en violation du droit international et de l’esprit de l’accord de Nouméa», conclut l’UC. L’accord de Bougival doit être soumis à l’approbation des Calédoniens par référendum début 2026. Il nécessite une réforme constitutionnelle qui devra être adoptée par le congrès réuni à Versailles d’ici à la fin de l’année pour que le calendrier soit tenable. A l’exception du FLNKS, le texte reste défendu par l’ensemble des formations calédoniennes, y compris les indépendantistes de l’Union nationale pour l’indépendance. Interrogé dimanche au Grand Jury RTL/M6/Le Figaro/Public Sénat, Manuel Valls a estimé que «le seul danger (...) est que la situation politique nationale fasse dérailler les engagements que nous avons pris». «Je ne veux pas faire un accord contre le FLNKS (...) mais d’abord, la délégation du FLNKS emmenée par Emmanuel Tjibaou avait donné son accord pour (le) défendre (...). Ensuite, des organisations historiques indépendantistes comme le Palika ou l’UPM soutiennent cet accord», a-t-il souligné, estimant que le FLNKS avait «changé» en accueillant dans ses rangs de «petites organisations radicales». «Quand le Sénat et l’Assemblée auront fait en sorte que les élections provinciales soient renvoyées au mois de juin, je pense que nous pouvons trouver des accords pour (...) aller dans le sens d’un certain nombre d’attentes du FLNKS», a-t-il toutefois ajouté. Il a également jugé «possible» la réforme constitutionnelle, estimant qu’il «n’y avait pas d’autre voie parce que des risques de guerre civile existent toujours». © Agence France-Presse -
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« Quand le simplisme écrase la réflexion politique, les économistes devraient prendre garde à ne pas offrir des alibis aux idéologues populistes »