La Banque du Japon ouvre la porte à une révision de sa politique monétaire

L’institution laisse ses taux inchangés, mais va analyser sa politique monétaire des 25 dernières années.
BoJ Banque du Japon Tokyo
La banque centrale nippone garde ses options ouvertes (Banque du Japon à Tokyo)  -  Crédit Bloomberg.

Le nouveau gouverneur de la Banque du Japon veut prendre son temps. Kazuo Ueda, qui a pris la tête de l’institution début avril, a laissé inchangé le taux directeur, à -0,1%. La politique de contrôle de la courbe des taux (PCC) n’a pas non plus été modifiée, la bande de rendement dans laquelle peut évoluer le 10 ans japonais demeurant fixée dans le corridor de -50/+50 points de base (pb).

Les marchés ont jugé la réunion accommodante. Le yen a baissé face au dollar, perdant 1,6% vendredi à 136 yens par dollar, tandis que les taux japonais à 10 ans se détendaient, perdant 9 pb à 0,399. Des rachats de positions courtes contre le dollar ont pu jouer, estime Yusuke Miyari, stratégiste FX de Nomura, les marchés ayant tablé sur une réunion de politique monétaire plus agressive.

Pour autant, la réunion a marqué plusieurs évolutions par rapport au gouverneur précédent. D’une part, le cadrage prospectif (forward guidance) hérité de la période Covid a été abandonné : la BoJ ne mentionne plus s’attendre à ce que «les taux d’intérêts à court et long terme demeurent à leurs niveaux actuels ou diminuent». Le passage a été remplacé par un engagement à réagir «avec agilité» aux données macroéconomiques, pour atteindre l’objectif de 2% d’inflation.

La BoJ conduira par ailleurs une analyse de sa politique monétaire sur les 25 dernières années, qui prendra de 12 à 18 mois. «Les analyses de l'écart de production et de l’inflation de la BoJ sont manifestement erronées, d’où cette évaluation d’une politique monétaire qui, depuis 25 ans, n’a pas réussi à sortir le Japon de la déflation», résume Derek Halpenny, responsable de la recherche chez MUFG. Lors de la conférence de presse, le gouverneur a confirmé que, même pendant cette analyse, la BoJ prendra ses décisions de politique monétaire lors de chaque réunion. «La décision de la BoJ a été bien orchestrée dans le sens où elle garantit une certaine flexibilité pour les changements de politique à venir tout en réduisant les attentes de marché d’une augmentation précoce des taux d’intérêt», résument les stratégistes d’ING.

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Flexibilité

Kazuo Ueada a ainsi commencé à communiquer sur de possibles évolutions de la PCC, tout en insistant sur le fait que cela ne posait pas de problèmes à court terme. Les marchés, qui anticipent que la PCC pourrait être supprimée ou modifiée en juin ou juillet, pourraient donc être trop optimistes. «La baisse des rendements souverains mondiaux a aidé les taux japonais à se calmer, rappelle Yusuke Miyairi. Par ailleurs, la liquidité sur les marchés est devenue très élusive, tandis que les coûts de repo (qui fixent le coût des positions vendeuses) ont été rehaussés par la BoJ, limitant la spéculation sur les marchés de titres». Et la baisse des pressions sur l’inflation mondiale et les anticipations d’un pivot de la Fed ont limité les pressions sur le yen. Enfin, le risque de rapatriement massif des investisseurs japonais, très exposés aux actifs étrangers, vers les titres domestiques en cas de suppression de la PCC, semble s’éloigner. Des rapatriements réguliers ont commencé l’an dernier, limitant d’autant les risques associés à un rebond des rendements sur les titres japonais.

Toute évolution dépendra de l’inflation. L’inflation sous-jacente a continué de progresser à 3,8% en avril, contre 3,4% en mars. Alors même que les pressions inflationnistes s’élargissent, la BoJ ne projette pas que l’inflation atteigne sa cible à terme (l’inflation sous-jacente est attendue à 1,6% en 2025), ce qui indique que la banque centrale ne juge pas encore soutenable la dynamique de prix. Les évolutions salariales continueront par ailleurs d’être suivies de près. Les négociations de printemps, qui concernent surtout les grandes entreprises, ont mené à des hausses de salaires de 3,8% (primes incluses), un niveau record. La BoJ pourrait toutefois ne pas avoir à attendre les prochaines négociations et regarder des indicateurs de salaires plus larges et à plus haute fréquence pour juger qu’une dynamique plus durable est en place. Le pivot n’est pas pour bientôt.

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