La Banque d’Angleterre se prépare à la stagflation

L’institution a relevé de 50 points de base son taux directeur face à une inflation qu’elle anticipe à 13% et malgré la récession qui se profile.
Xavier Diaz
BoE  Bank of England  Banque d’Angleterre
La BoE est la première banque centrale à avoir initié son resserrement monétaire.  -  Crédit BoE.

La Banque d’Angleterre (BoE) a accéléré jeudi le rythme de ses hausses de taux en augmentant de 50 points de base (pb) son taux directeur à 1,75%. Ce sixième relèvement depuis que l’institution a initié son cycle de resserrement monétaire en décembre 2021, le plus important depuis 27 ans, était largement attendu par les économistes alors que le Royaume-Uni doit affronter une forte inflation (9,4% en juin) et que les autres banques centrales accentuent leur mouvement face à la hausse des prix. La Fed a augmenté son taux directeur de 75 pb pour la deuxième fois consécutive tandis que la Banque centrale européenne a initié son propre cycle de hausse. Surtout, la BoE a relevé son taux tout en prévoyant désormais une récession outre-Manche. «C’est une réunion de politique monétaire qui entrera dans les livres d’histoire», ont ironisé les économistes de Nomura.

La banque centrale estime que le produit intérieur brut (PIB) britannique devrait se contracter de 2,1% entre le quatrième trimestre 2022 et la fin 2023, ce qui serait la période la plus longue de contraction de l’économie depuis la crise financière de 2008 et similaire en niveau à celle des années 1990. «Les prévisions de la banque montrent clairement à quel point la situation économique au Royaume-Uni est difficile par rapport à celle d’autres grands pays, relève Luke Bartholomew, économiste senior chez abrdn. Elle prévoit simultanément une longue récession à partir de la fin de l’année et un pic d’inflation encore plus élevé.» La stagflation ne semble donc plus une option.

Pic d’inflation à 13%

La BoE anticipe désormais un pic d’inflation de 13% en octobre, soit 2 points de plus que sa précédente prévision en juin. La hausse des prix de l’énergie est la principale cause de cette flambée avec en octobre une augmentation massive de la facture d’électricitéd’environ 70% après l’application de la formule de plafonnement de tarifs (qui interviendra désormais tous les trimestres). L’inflation restera à des niveaux élevés en 2023, selon la banque, avant de refluer en 2024. La conséquence est une chute du pouvoir d’achat cette année et en 2023, de l’ordre de 5% en cumulé. Cette baisse aura un impact significatif sur l’économie. Le chômage devrait augmenter à 6,3% en 2025, selon la BoE.

«Le fait que la Banque accélère le rythme des hausses de taux tout en prévoyant une récession significative montre à quel point elle craint que les pénuries de main-d’œuvre et les problèmes d’approvisionnement ne maintiennent l’inflation à un niveau élevé alors même que l’économie s’affaiblit, estiment les analystes d’ING. C’est le côté offre de l’économie – beaucoup plus que la demande – qui déterminera quand et après combien de hausses supplémentaires la BoE cessera de resserrer.» Pour le moment le marché anticipe un taux de 3% en mars 2023.

«Le comité sera particulièrement attentif aux indications de pressions inflationnistes plus persistantes et agira si nécessaire avec force en réponse», a déclaré le gouverneur Andrew Bailey, précisant que toutes les options étaient sur la table pour septembre, et au-delà. «Étant donné qu’un seul responsable a exprimé son désaccord sur la décision et que la banque a réitéré sa volonté d’agir avec force pour freiner l’inflation, nous pensons qu’il y a une forte possibilité d’une nouvelle hausse de 50 pb en septembre – en particulier si c’est ce que la Fed et la BCE finissent par faire aussi», estime-t-on chez ING. Sur les neuf membres du comité, Silvana Tenreyro a été la seule à voter pour une hausse de seulement 25 pb. Sur le marché monétaire, la probabilité que la prochaine hausse soit de 50 pb a grimpé jeudi à 80%.

Contexte politique

L’environnement de stagflation dépeint par la BoE est une combinaison économique jugée toxique par Luke Bartholomew, dans laquelle la banque aura du mal à naviguer dans le meilleur des cas, et encore moins aujourd’hui car elle se trouve sous les projecteurs politiques. C’est en effet dans ce contexte que devra gouverner le futur premier ministre,qui remplacera Boris Jonhson. Liz Truss, l’actuelle secrétaire aux affaires étrangères, pour le moment donnée favorite, promet de nouvelles mesures budgétaires pour les ménages et des baisses de taxes, ainsi qu’une revue du mandat de la Banque d’Angleterre. Première banque centrale à avoir initié son resserrement monétaire (et désormais la première à annoncer la récession et à lancer la réduction de son bilan via la vente d’actifs), elle n’est pas moins critiquée pour la lenteur de son ajustement face à une inflation galopante. Elle a certes relevé ses taux à chaque réunion depuis décembre mais au pas de 25 pb.

Outre cette forte hausse de taux, la banque a annoncé qu’elle commencera la vente des emprunts d’Etat (Gilts) détenus dans son bilan à partir de septembre. «Les ventes actives, les premières réalisées par une grande banque centrale, devraient commencer après un vote de confirmation en septembre et seront de l’ordre de 10 milliards de livres par trimestre, indiquent les analystes d’ING. En incluant les remboursements (non réinvestis), la BoE verra son stock de Gilts diminuer d’environ 80 milliards de livres sterling au cours de la première année du programme.» La vente des obligations d’entreprises (19 milliards de livres) débutera mi-septembre.

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