ICE teste l’appétit du marché pour son substitut au Libor

L’initiative de l’opérateur boursier pose des questions de conflit d’intérêts et risque de fragmenter la liquidité de marchés en transition.
Bastien Bouchaud

La fin annoncée du Libor représente un casse-tête pour le secteur financier, mais elle présente également des opportunités. InterContinental Exchange (ICE), le propriétaire du Nyse et l’administrateur actuel du Libor, espère ainsi tirer son épingle du jeu en proposant un taux d’intérêt à terme pour trois maturités, à un, trois et six mois, a annoncé jeudi soir l’opérateur boursier. Le U.S. Dollar ICE Bank Yield Index sera basé sur des transactions réelles, à la fois sur le marché primaire pour les émissions de court terme non garanties de grandes banques internationales, et sur le marché secondaire du même type de titres. ICE souhaite ainsi «répondre aux besoins potentiels des prêteurs, des emprunteurs et d’autres utilisateurs de produits non dérivés pour un taux d’intérêt de court terme». ICE a présenté son substitut au Libor dans un livre blanc et ouvert une consultation jusqu’au 31 mars.

Sans mention de gouvernance ni de supervision

La mainmise d’un opérateur boursier sur un taux d’intérêt qui vise à devenir une référence globale pose toutefois question, estime Cédric Quéméner, consulting manager chez Cognizant. «Si toute initiative prise pour donner des remplaçants fiables aux indices existants est souhaitable, il apparaît que la question du conflit d’intérêts, et donc de la gouvernance, doit être sérieusement examinée lorsqu’il s’agit d’indices systémiques, destinés à être utilisés dans des milliers d’instruments et différentes plates-formes à travers le monde», explique-t-il. ICE est certes l’administrateur du Libor, mais ce dernier est étroitement supervisé par la FCA (Financial Conduct Authority) britannique, alors qu’il n’est fait aucune mention de gouvernance ou de supervision dans le livre blanc publié jeudi.

Cohérence des courbes de taux

L’initiative de l’opérateur boursier pourrait également représenter à terme une menace de fragmentation de la liquidité. Le secteur financier américain a en effet sélectionné le SOFR, calculé quant à lui sur la base des opérations de prises en pension (repo) au jour le jour du Trésor américain, comme remplaçant du Libor, et a prévu la création de taux à terme de référence basés sur le SOFR pour fin 2021. Le fait d’avoir un taux au jour le jour et un taux à terme basés sur des sous-jacents différents, avec des méthodes de calcul différentes, «pourrait poser des problèmes de fragmentation de la liquidité et de cohérence sur la courbe de taux», observe ainsi Cédric Quéméner.

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