Grégoire Sentilhes : « Le PER constitue une secousse majeure pour les Français »

Grégoire Sentilhes, président et cofondateur de NextStage AM
Sylvie Guyony
Grégoire Sentilhes, président et cofondateur de NextStage AM, participe toujours plus à un capital-investissement ouvert au plus grand nombre.

Grégoire Sentilhes, président et cofondateur de NextStage AM, participe à la démocratisation du capital-investissement.

Cet été, Axa France et NextStage AM ont annoncé un programme d’investissement de 500 millions d’euros, Pépites et Territoires. Comment est-il structuré ?

Le programme lancé par Patrick Cohen, directeur général d’Axa France, vise à investir dans des « pépites », des entreprises françaises, petites et moyennes (PME) ou de taille intermédiaire (ETI) ancrées dans les territoires et qui ont un potentiel d’innovation, d’expansion internationale et de croissance, mais ont besoin de renforcer leurs fonds propres pour devenir les championnes de leur marché. La crise actuelle les a bouleversées mais a également renforcé trois disruptions apparues auparavant : le digital, l’innovation environnementale et la santé intelligente. Ce sont les axes de notre stratégie d’investissement. La principale composante de Pépites et Territoires s’adresse à des ETI, rentables et en croissance réalisant jusqu’à 300 millions d’euros de chiffre d’affaires (CA), avec des tickets de 10 à 40 millions d’euros. Nous annoncerons les premiers investissements dès l’automne. La seconde composante s’adresse à des PME de 5 à 50 millions d’euros de CA, déjà rentables : portée par notre fonds Championnes III, cette poche représentera environ 15 % des investissements. Nous devrions investir 150 millions d’euros d’ici à 2022 sur Pépites & Territoires et le solde d’ici à 2025.

Championnes III a reçu le label Relance, comme Epopée Transitions I (qui vise 120 millions d’euros en fin d’année pour les seules PME et ETI du Grand Ouest) et environ 150 autres véhicules. Pépites et Territoires peut-il avoir le même impact en région ?

Ce label donne du sens aux investissements et apporte une dimension citoyenne : c’est une bonne approche pour accélérer la sortie de crise, pour les institutionnels comme pour les particuliers. Nous avons été l’un des quatre premiers acteurs du capital-investissement à l’obtenir. La relance s’inscrit dans un contexte pré-Covid d’une offre en capitaux propres qui manquait – alors que les Français épargnent énormément –, de disruption accélérée et de domaines d’activité inégalement affectés par les confinements. Tous les territoires n’ont pas la même densité industrielle ou économique, mais tous recèlent des pépites. Et partout l’accès aux capitaux propres et surtout l’accompagnement de la croissance sont trop faibles. Nous avons déjà un fort ancrage dans différentes régions, y compris en Bretagne, dans le Sud-Ouest, la région Rhône-Alpes, le Grand Est. A La Rochelle, nous avons accompagné Fountaine Pajot, n°2 mondial du nautisme : en cinq ans (la participation a été revendue en novembre 2020 à Arkéa Capital, NDLR), ses effectifs sont passés de 450 à 1.200 personnes, son chiffre d’affaires de 49 à 200 millions d’euros et ses résultats ont été multipliés par 4. Avec un taux de rentabilité net de 30 % sur cet investissement, nous avons réalisé un multiple proche de 4. C’est la vertu du capital patient. Autre exemple, à Lyon : nous avons réinvesti le mois dernier dans Inova, dont la plateforme permet à l’industrie biopharmaceutique de mettre en commun sa R&D, au capital de laquelle nous sommes entrés en 2018 (Carlyle y a investi ce 1er juillet 2021 et devient le principal actionnaire, aux côtés du management et de NextStage AM, NDLR). Cette opération est une des trois premières pour Pépites et Territoires. D’ici à 18 mois, ce programme sera ouvert par Axa et son réseau aux particuliers, au travers des unités de compte (UC) en assurance-vie et épargne retraite, avec le PER issu de la loi Pacte.

Quel bilan dressez-vous de votre approche des investisseurs individuels avec Axa ?

Nous avons lancé ensemble la première UC investie en private equity éligible au contrat d’assurance-vie en juillet 2016. Pour son dernier FCPR (fonds commun de placement à risque), Axa Avenir Entrepreneurs, deux sociétés ont été sélectionnées : Ardian et Nextstage AM. La première campagne, cet été, a rencontré un grand succès. Mais Axa n’est pas notre seul partenaire, nous travaillons avec Amundi, AG2R, Swiss Life, Apicil, Ageas, Spirica… et nous venons de commencer une collaboration avec Generali au travers de Nextstage Croissance. Nous avons par ailleurs lancé une solution de remploi des plus-values de cession d’entreprises, FPCI NextStage Capital Entrepreneur, qui entretient un cercle vertueux. Nous comptons 35.000 particuliers sur nos différentes offres.

Il y a un avant et un après loi Pacte. Le PER constitue une secousse majeure pour les Français qui ont désormais la capacité d’investir – pas de placer – en perspective de leur retraite et pour l’économie : 1 % de l’épargne nationale alimente le private equity, contre 20 % aux Etats-Unis. Nous avons amorcé un rattrapage : avec les taux bas et la sortie de crise, on peut accélérer.

Les Français ne risquent-ils pas d’être confrontés à une zombification de l’économie (lire aussi la rubrique Economie & Finance) ?

Le soutien de l’Etat a été plus important en France qu’ailleurs en Europe et les entrepreneurs français ont été de ce point de vue privilégiés. On constate que le nombre de procédures judiciaires reste faible. L’action menée avec les prêts garantis (PGE) et maintenant avec le plan d’investissement, qui tend à amplifier l’orientation de l’épargne des Français vers les entreprises, a du sens. Plutôt qu’une rémunération à l %, mieux vaut avoir son argent qui travaille à 10 % ou 15 %.

Pour votre structure cotée, vous vous êtes gardé de donner des perspectives à la fin du premier trimestre, et votre actif net réévalué était en repli… Comment comptez-vous améliorer cours et rendement de Nextstage SCA ?

Nous avons procédé à un arrêté trimestriel dans un contexte de rebond de la crise sanitaire et nous avons souhaité rester comme toujours prudents. Nous le restons, mais plus optimistes désormais avec des bonnes perspectives sur notre portefeuille qui n’a que 3,1 ans en moyenne. La cession de Fountaine Pajot est un exemple de création de valeur pour nos actionnaires et celles, sur d’autres véhicules, telles Drouot Digital, Soléo Services, puis Botanica ce mois d’août, valident notre stratégie.

Nous continuons notre travail de capital patience, car c’est ainsi que nous créons de la valeur sur le long terme pour nos actionnaires comme pour les entrepreneurs que nous accompagnons. Nous poursuivons par ailleurs notre stratégie de développement commun avec nos partenaires institutionnels qui ont besoin d’intégrer le private equity dans leurs offres, mais n’ont pas forcément vocation à le développer en interne.

Propos recueillis par Sylvie Guyony

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles du même thème

Contenu de nos partenaires

A lire sur ...