
FISCALITÉ - Le plus dur commence

Les pays du G20 réunis à Venise les 9 et 10 juillet ont confirmé leur soutien au Cadre inclusif de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En jeu, une clarification des règles de répartition de l’impôt sur les entreprises multinationales et la mise en place d’un taux d’imposition minimum afin de limiter l’optimisation fiscale. « Au titre du pilier 1, des droits d’imposition sur plus de 100 milliards de dollars de bénéfices devraient être réattribués chaque année aux juridictions du marché. S’agissant du pilier 2, l’impôt minimum mondial, dont le taux sera d’au moins 15 %, devrait générer environ 150 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires au niveau mondial chaque année », estime l’OCDE dans un rapport remis au G20.
Mais pour les fonctionnaires européens comme pour leurs homologues américains, c’est le retour de Venise qui s’annonce délicat.
Les travaux de la Commission européenne se retrouvent complexifiés par le glissement opéré dans les négociations de l’accord inclusif. En s’accordant sur les règles de répartition de l’impôt prélevé sur les entreprises multinationales et en écartant la notion de services digitaux, les signataires de l’accord inclusif contraignent la Commission à multiplier les initiatives réglementaires : tout d’abord pour transcrire dans le droit communautaire l’accord, s’il devait être finalisé. Il s’agit là d’un premier écueil, la règle de l’unanimité régissant la législation fiscale européenne. Or l’Estonie, la Hongrie et l’Irlande n’ont pas soutenu le projet de taxation plancher, le taux minimum de 15 % étant supérieur à celui pratiqué en Irlande (12,5 %) et en Hongrie (15 %). Quant à l’Estonie, elle est depuis sept ans le pays membre de l’OCDE dont la fiscalité est la plus accommodante, selon le classement établi par la Tax Foundation. La France, qui prendra la présidence tournante du Conseil au premier semestre 2022, assure ne pas ménager ses efforts pour convaincre les récalcitrants. Le ministre des Finances Bruno Le Maire s’est ainsi félicité d’avoir convaincu la Pologne de signer l’accord.
Des positions marquées
Ensuite, la Commission reste tenue de publier une proposition de directive visant à instaurer une taxe sur les services numériques, conformément au mandat du Conseil. C’est là que le bât blesse : l’accord conclu dans le cadre de l’OCDE oblige les pays signataires à supprimer toutes les taxes sur les services digitaux, en place ou en projet. La secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen s’est exprimée sur ce point sans ambiguïté, se félicitant de la fin prochaine d’un « éventail chaotique de taxes unilatérales », considérées comme « discriminatoires » pour les entreprises américaines, projet de la Commission inclus.
« Nous sommes conscients des inquiétudes américaines concernant le projet de ‘digital levy’ européen, et nous projetons de nous en expliquer avec Janet Yellen en marge de la réunion de l’Eurogroupe du 13 juillet. Ce prélèvement ne vise pas les géants du numérique mais les services digitaux. C’est l’une des ressources propres décidées par l’UE à 27 afin de contribuer au financement du plan de relance européen », s’est justifié Bruno Le Maire à l’occasion du G20 de Venise. Selon les estimations de la Commission, la taxe, en l’état du projet actuel, contribuerait à hauteur de 1,3 milliard d’euros par an au remboursement des prêts souscrits pour financer NextGenerationEU, le plan de relance de l’Union européenne (UE).
Les Etats-Unis cherchent eux aussi à augmenter des recettes fiscales mises à mal par la précédente réforme de l’administration Trump et la crise sanitaire. Le Trésor américain estime que la mise en application des termes de l’accord inclusif générerait plus de 500 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires sur dix ans, et ne souhaite pas renoncer à celles-ci au profit d’autres juridictions. Si les dispositions relatives au pilier 2 paraissent relativement simples à mettre en œuvre dès 2021, par une loi de réconciliation budgétaire, les règles de répartition du pilier 1 restent à affiner et ne seront pas soumises au vote du Congrès avant le printemps 2022, a annoncé Janet Yellen.
Face à la détermination de Washington, le point de vue de Bruxelles semble tout aussi affirmé. « Les discussions à l’OCDE ont dérivé. Elles ont débuté dans le cadre de l’accord inclusif sur la taxation des activités numériques, parce que les géants du secteur échappaient à l’impôt, tandis que les entreprises en Europe qui avaient une activité physique se trouvaient à payer 20 % d’impôt sur les sociétés en moyenne, contre 9 % pour leurs concurrentes. Il n’est pas question que l’UE lâche sur ce point », rappelle une source proche du dossier. La publication de la proposition, initialement prévue pour juillet, attendra que les derniers arbitrages soient rendus dans le cadre du G20.
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