
Voyage d’affaires, une timide reprise

« Depuis septembre, à moi les charmes des voyages en Eurostar ! » Laure, responsable des affaires réglementaires dans une grande banque européenne à Londres, a recommencé à voyager depuis cet automne après une très longue pause de 18 mois. « Les règles ont changé, explique-t-elle. Il faut désormais obtenir une autorisation de déplacement de l’un des dirigeants du pays où l’on va et une autre du pays d’où l’on vient avant d’entamer tout voyage. » Comme Laure, un certain nombre de professionnels de la finance ont repris le chemin des gares et des aéroports. « Nos clients ont envie de voyager et de se rencontrer à nouveau en face-à-face, et ils voient d’un bon œil l’élimination progressive des restrictions sur les voyages et les réunions et événements sur place », confirme Cristina Scott, responsable des services financiers chez le spécialiste du voyage d’affaires CWT. Lors d’un sondage récent, 91 % des clients de CWT ont déclaré vouloir revenir à des entretiens en personne d’ici à fin 2022 et 17 % d’entre eux dès cette année. « L’industrie travaille clairement dans le sens d’une reprise solide et régulière du voyage », poursuit Cristina Scott.
La reprise reste néanmoins suspendue à l’évolution des exigences sanitaires : la levée des restrictions de déplacement aux Etats-Unis depuis le 8 novembre et l’ouverture de « vaccinated travel lanes », avec des vols spécifiques pour les voyageurs à destination de Singapour, ont ainsi donné un coup de fouet aux voyages professionnels dans ces pays. « Mais la fermeture d’un certain nombre de frontières en raison du nouveau variant Omicron risque de donner un nouveau coup d’arrêt à cette reprise fragile », anticipe un spécialiste du voyage d’affaires.
Pour l’heure, le nombre de voyages dans le secteur financier a été multiplié en France par 8,9 entre le début de la crise et octobre, selon International SOS, leader mondial de la gestion des risques en santé et sécurité. « Au début de la pandémie, les acteurs financiers s’en tenaient aux déplacements strictement essentiels, explique Cécile Caplin, responsable sûreté au sein d’International SOS. Les activités d’inspection générale destinées à assurer la continuité d’activité étaient privilégiées. » On reste loin des niveaux d’avant-crise : les voyages professionnels à l’étranger sont en baisse de 79 % par rapport à 2019 chez les acteurs de la banque et de la finance. Une reprise en demi-teinte qui se justifie par la nature de cette activité : « La dématérialisation des relations dans ce milieu explique qu’il ne soit pas à l’initiative de la reprise, poursuit Cécile Caplin. La situation est complètement différente de celle d’une entreprise disposant d’une chaîne de production et pour laquelle les voyages restent incontournables. » D’autant que les modalités de déplacement se sont largement complexifiées depuis la pandémie. « Chaque demande associée à un déplacement à l’international nécessite aujourd’hui 8 fois plus de travail en amont afin de répondre et anticiper les procédures migratoires et sanitaires permettant de se rendre dans un pays spécifique », écrit International SOS dans une étude.
Penser utile
L’épidémie de Covid-19 a aussi poussé les banques à repenser l’utilité du voyage d’affaires. « Tout déplacement doit être justifié et répondre à une logique clients – business ou de management –, notamment pour les réseaux en France et à l’international, fait-on savoir à la Société Générale. La tendance est donc à une optimisation des voyages d’affaires : plus qualitatifs et moins nombreux. » Cette tendance à la diminution se matérialise par des réductions de coûts. Chez HSBC, le recours massif à la vidéoconférence aurait ainsi permis à la banque sino-britannique d’économiser 300 millions de dollars sur les déplacements professionnels en 2020 comparé à 2019, rapporte le Financial Times.
Les impératifs écologiques viennent aussi se greffer aux nouvelles restrictions. ABN Amro compte réduire de moitié ses trajets par avion au cours des prochaines années comparé à 2017. La banque néerlandaise interdira à ses banquiers de prendre des vols entre les différents bureaux européens et les incitera à prendre le train. Le gérant Fidelity International s’est fixé pour objectif de réduire les voyages en avion de 50 % d’ici à fin 2024 comparé à 2019. « En 2019, les déplacements aériens ont représenté environ 38 % de notre empreinte carbone, rappelle Jean-Denis Bachot, directeur France de Fidelity International. Nous mettons en œuvre une nouvelle politique afin de réduire les vols pour les réunions internes et de préconiser des options plus respectueuses de l’environnement. »
Plus encore qu’avant la crise sanitaire, la sécurité du voyageur reste au centre des attentions. Axa a ainsi renforcé la prévention en évaluant activement la situation et en partageant un point régulier avec chaque pays. « Sur cette base, nous pouvons fournir des directives adaptées au niveau de risque associé à un voyage d’affaires potentiel », confie l’assureur. Ce recentrage sur le salarié modifie aussi la relation entre entreprises et spécialistes du voyage d’affaires. International SOS indique recevoir aujourd’hui dix fois plus d’appels qu’avant la crise de la part des responsables de la gestion des voyages et cinq fois plus de la part des clients. « Auparavant, les professionnels du voyage et leurs clients nous contactaient pour avoir des informations sur les pays à risques, indique Cécile Caplin. Désormais, les questions concernent l’ensemble des pays du globe car les personnes concernées veulent comprendre la nature des exigences sanitaires dans chacun d’eux. » Une nouvelle norme partie pour durer.
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"Soit il y a rupture, soit il y aura censure" annonce Jordan Bardella, après l'élection de Sébastien Lecornu
Strasbourg - Le Rassemblement national ne veut pas censurer immédiatement le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu, mais attend une «rupture» avec la politique menée jusqu’ici, a expliqué son président Jordan Bardella mercredi à Strasbourg. Le parti d’extrême droite ne compte pas censurer «a priori» mais d’abord «écouter le discours de politique générale» de M. Lecornu, a déclaré M. Bardella lors d’un point presse en marge d’une session plénière du Parlement européen. «Soit il y a rupture, soit il y aura censure», a-t-il résumé. Le Rassemblement national réclame notamment un durcissement de la politique migratoire et s’oppose à toute hausse de la fiscalité pour la «France qui travaille», a-t-il souligné. Jordan Bardella a aussi réclamé que parmi les premières mesures de Sébastien Lecornu soit actée l’opposition de la France au traité de libre-échange avec les pays latino-américains du Mercosur. Après la chute de François Bayrou lundi lors d’un vote de confiance des députés, puis son remplacement à Matignon au bout de 24 heures par M. Lecornu, le chef du RN n’a toutefois «aucune illusion» et juge le bail du nouveau chef du gouvernement «très précaire». © Agence France-Presse -
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Paris - Au coeur du jeu politique, le Parti socialiste met la pression sur Sébastien Lecornu, proche d’Emmanuel Macron, et pose de strictes conditions pour ne pas le censurer, alors que La France insoumise l’accuse déjà de jouer les supplétifs de la macronie. Le patron des socialistes Olivier Faure sait que le nouveau Premier ministre a besoin de sa mansuétude pour ne pas être rapidement renversé, d’autant que le Rassemblement national a choisi de faire de la dissolution de l’Assemblée son nouveau cheval de bataille. Alors qu’Emmanuel Macron a lui-même enjoint aux chefs de sa coalition gouvernementale de «travailler avec les socialistes», le patron du PS a déjà refusé de participer à un gouvernement avec le bloc central et Les Républicains. Hors de question également pour les socialistes de rejouer les «petits ajustements» de février dernier, lorsque le parti avait négocié avec François Bayrou sur le budget 2025, s’attirant les foudres du reste de la gauche. Première condition mise sur la table: que le nouveau chef du gouvernement s’engage à ne pas utiliser l’article 49.3 de la Constitution, permettant l’adoption d’un texte sans vote de l’Assemblée, pour démontrer «que la méthode change» et faire des compromis. Une exigence qui sera difficile à tenir pour le nouveau locataire de Matignon, aucun budget n’ayant pu être adopté sans 49.3 depuis 2022, faute de majorité. Le PS espère aussi obtenir de Sébastien Lecornu qu’il intègre dans le budget une partie des propositions socialistes présentées fin août, pour réorienter la politique économique du gouvernement vers plus de justice fiscale. Le Parti socialiste propose notamment de revenir sur la réforme des retraites et de mettre en place une taxe Zucman sur les plus hauts patrimoines, deux marqueurs de gauche vus comme des lignes rouges par le bloc central. Pour le député Laurent Baumel, Sébastien Lecornu doit clairement montrer «qu’il a compris et qu'à travers lui le Président de la République a compris qu’il n’y a plus de totem, plus de tabou sur le bilan du macronisme». De quoi laisser pessimistes de nombreux socialistes. Certains plaident d’ailleurs pour une censure directe, sans aucune négociation. Cette fois «un accord avec nous sera super cher. Nous ferons payer 1.000 balles les billets de 10 balles», promet le député (PS) de l’Eure Philippe Brun. «Humiliés» En février, le texte sur la table sortait de la commission mixte paritaire députés/sénateurs. «On ne pouvait par rajouter des mesures, mais juste enlever» les plus irritantes. «Là on part d’une copie blanche», explique-t-il. «La dernière fois on a été humilié, bafoué», se remémore Luc Broussy, président du conseil national du PS. Avec la «provocation» des propositions budgétaires de François Bayrou le 15 juillet, évoquant 44 milliards d’efforts budgétaires et la suppression de deux jours fériés, puis la nomination de Sébastien Lecornu, «ils ont eux-mêmes monté notre niveau d’exigence», résume-t-il. Un autre député suggère de «ne pas se précipiter pour aller négocier» et d’attendre que les mouvements sociaux de septembre fassent «bouger les choses». Le nouveau Premier ministre a promis mercredi «des ruptures sur le fond», lors de la passation de pouvoir à Matignon. Mais «sans justice fiscale, sociale, écologique, sans mesure pour le pouvoir d’achat, sans mise à contribution des très gros patrimoines, les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets», à savoir la censure, a prévenu le patron des députés socialistes Boris Vallaud sur RTL. Cette censure entraînerait probablement une dissolution, que le PS «ne souhaite pas» mais «ne redoute pas», a-t-il affirmé. Le PS sait qu’il joue gros face à ses autres partenaires de gauche, encore moins enclins qu’eux à laisser une chance à un troisième Premier ministre du socle commun en un an. «A partir du moment où c’est Lecornu qui est nommé, on n’a pas confiance», explique une écologiste. La France insoumise, qui a déjà fait aux socialistes un procès en traîtrise lors des négociations avec François Bayrou, les a aussitôt accusés d’avoir «pavé de roses le chemin de Lecornu vers Matignon». Le parti de Jean-Luc Mélenchon a annoncé qu’il déposerait une motion de censure à l’Assemblée dès le premier jour de la rentrée parlementaire. Et ils sommeront les socialistes de la voter. Cécile AZZARO © Agence France-Presse