
SVB, un candidat tout désigné au «bank run»

Silicon Valley Bank. Trois mots synonymes d’un bank run d’un nouveau genre, où le numérique peut détruire une réputation en quelques heures et permet de vider un compte bancaire de façon quasi-instantanée. Lors de la seule journée du 9 mars, la banque californienne a vu disparaître 40 milliards de dollars de dépôts. Les demandes de retrait pour le lendemain, avant la saisie par les régulateurs américains, atteignaient 100 milliards. Au total, SVB a vu s’évaporer 85% de sa base de dépôts en deux jours, un phénomène qui interpelle l’ensemble du secteur et les régulateurs, mais qui reflète aussi la structure de bilan très particulière du groupe. Explications et rappel des faits, en graphiques.
1- Une base de clientèle très tech
Banque des start-up et établissement dépositaire des fonds destinés aux sociétés de capital-risque : Silicon Valley Bank était très exposée à l’écosystème de la tech. Plus de la moitié de ses 173 milliards de dollars de dépôts fin 2022 provenaient de la tech, et 12% du secteur biotech/santé. Des industries qui ont souffert, dès 2022, de la hausse des taux et du tarissement des levées de fonds, et avaient commencé à retirer leurs avoirs pour couvrir leurs besoins en cash. Des clients très interconnectés aussi, qui se sont passés le mot la semaine du 6 mars pour prendre leurs jambes à leur cou. «Ce réseau concentré d’investisseurs en capital-risque et d’entreprises technologiques, alimenté par les réseaux sociaux, a retiré de manière coordonnée et à un rythme sans précédent des dépôts non garantis», relève la Réserve fédérale dans son rapport d’enquête sur ce fiasco, publié le 28 avril.
2- Des dépôts concentrés et non garantis
La clientèle très concentrée de SVB déformait la structure du passif de la banque. «Son financement dépendait de gros dépôts, concentrés et non garantis», relève la Réserve fédérale dans son rapport d’enquête publié le 28 avril. Aux Etats-Unis, les dépôts inférieurs à 250.000 dollars par personne et par banque bénéficient de la garantie fédérale de la Federal Deposit Insurance Corp (FDIC). Chez Silicon Valley Bank, 94% des dépôts dépassaient ce plafond, d’où la décision des autorités d’offrir une garantie sans limite à compter du 12 mars pour arrêter l’hémorragie. Rien de comparable avec la moyenne des grandes banques américaines – celles dont les actifs dépassent 100 milliards de dollars – où cette proportion atteint 41%.

3- Une liquidité à la carte
La faillite de SVB a aussi exposé les lacunes criantes de la supervision bancaire américaine. Les tutelles n’ont pas été aidées par les coups de canifs à la réglementation votés sous l’administration Trump. Silicon Valley Bank, dont la croissance a été très rapide, n’aurait été soumise qu’à partir d’octobre 2023 au ratio de liquidité LCR (liquidity coverage ratio), qui mesure la capacité du groupe à faire face à une fuite des dépôts à 30 jours. Et encore, ce ratio se serait appliqué dans une version allégée : selon cette méthode, SVB aurait affiché en 2022 et début 2023 un LCR réglementaire supérieur à l’exigence de 100%.
Une autre méthode de calcul, celle des plus grandes banques et de la réglementation européenne, aurait mis au jour une réalité moins flatteuse. En février 2023, par exemple, le ratio de SVB n’aurait atteint que 83%, ce qui aurait contraint le groupe à renforcer d’au moins 14 milliards de dollars son coussin d’actifs liquides. Actifs qui, dans le cas de Silicon Valley Bank, ont toutefois aggravé les problèmes de la banque: celle-ci était gorgée de bons du Trésor américains dont la perte de valeur a amputé sa solvabilité.
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