
SG-Crédit du Nord, le big bang social

Ganesh est le dieu indien de la sagesse, qui permet d’éviter les obstacles. C’est aussi le nom de code du projet de fusion des réseaux de la Société Générale en France et du Crédit du Nord, en gestation depuis un an et officialisé en décembre 2020. Des obstacles, le groupe devra en lever beaucoup pour que ce chantier industriel sans précédent dans la banque de détail en France soit une réussite. Pour les quelque 29.000 salariés directement concernés par le rapprochement, ce mariage de deux enseignes et de deux cultures d’entreprise constitue un bouleversement. Reconversions, mobilités, fermetures d’agences et suppressions de postes… la liste des changements à venir est longue. D’abord au Crédit du Nord, qui sera de fait absorbé par sa maison mère le 1er janvier 2023 avec transfert des contrats de travail, mais aussi dans le réseau rouge et noir, appelé à fonctionner de manière moins centralisée.
Direction et syndicats planchent depuis le début de l’année sur l’épais volet social du projet. Ils ont d’abord trouvé un accord de méthode pour encadrer les négociations, puis ont défriché au printemps un premier « bloc », l’harmonisation des statuts entre les salariés de la Société Générale et du Crédit du Nord. Pièce de résistance, la rémunération globale des salariés du Crédit du Nord, que la direction du groupe a promis de maintenir. Mais celle-ci raisonne en budget global – elle intègre par exemple la cotisation patronale à la surcomplémentaire retraite SG, qui bénéficiera à partir de 2023 aux salariés transférés – là où les syndicats pensent salaire net et pouvoir d’achat. Or « la participation et l’intéressement sont bien plus élevés au Crédit du Nord, alors que la Société Générale a basé davantage sa politique salariale sur la part variable. La direction du groupe propose une compensation temporaire, mais qui ne couvre pas toute la perte de pouvoir d’achat », explique Cédric Pérennes, délégué syndical national de la CFDT Crédit du Nord. Selon les calculs de l’organisation, un salarié Crédit du Nord perdrait entre 1,3 % et 5,1 % de rémunération annuelle, suivant sa catégorie de salaire, si les prévisions de la Société Générale pour le calcul de la participation et de l’intéressement se réalisent. Dans le cas contraire, le manque à gagner pourrait aller jusqu’à 12 %. La direction a laissé jusqu’au 20 septembre aux syndicats pour accepter ces propositions.
La banque rouge et noire a tout de même amélioré l’intéressement à l’occasion de la renégociation de son nouvel accord triennal pour la période 2022-2024, signé avant l’été. Selon la CFDT, signataire avec le SNB et la CFTC, « la nouvelle formule de calcul donnera lieu à une augmentation moyenne de 15 % par rapport aux années 2017, 2018 et 2019 si les résultats sont du même ordre », et elle tiendra compte du coût du risque. Le groupe a aussi passé de 2.000 à 2.200 euros l’abondement du plan d’épargne entreprise qui sera fait à l’occasion des plans mondiaux d’actionnariat salarié. La prochaine augmentation de capital réservée aux salariés, qui jouent historiquement un rôle important au capital avec une participation proche de 7 %, devrait avoir lieu en 2022 si les conditions le permettent.
L’harmonisation des statuts a aussi eu des effets sur des éléments plus techniques. Les salariés de la Société Générale sont encore payés sur 13 mois, alors que ceux du Crédit du Nord touchent 12 mensualités. Le passage de 13 à 12 mois est désormais à l’ordre du jour.
Départs naturels
C’est à un deuxième bloc encore plus sensible que se sont attaqués les partenaires sociaux, celui de l’évolution de l’emploi. Car Ganesh est d’abord un projet de restructuration multiforme – des agences, des systèmes informatiques – qui aurait pu être engagé plus tôt compte tenu des défis économiques de la banque de détail. « Il y a une vraie différence de culture entre les deux maisons. La Société Générale est abonnée aux réorganisations depuis 2016, alors que les salariés du Crédit du Nord avaient été relativement préservés », glisse un observateur.
Avec 450 millions d’euros d’économies attendues en année pleine à horizon 2025, le rapprochement se traduira par des milliers de suppressions de postes, dont le nombre n’a pas été chiffré. Une saignée qui devrait cependant être couverte grâce aux départs naturels, selon les calculs du cabinet Secafi Alpha, mandaté par les syndicats du groupe. Entre 2020 et 2024, le périmètre des deux réseaux (hors fonctions supports informatiques) enregistrerait 5.400 à 5.900 départs à la retraite et démissions, autour de 20 % de l’effectif. Dans les front-offices, concernés par les fermetures d’agences et la réorganisation du maillage territorial, et bien plus décentralisés au Crédit du Nord, ce volant de départs est estimé à 3.000 collaborateurs (voir la carte). « Comment les salariés qui restent absorberont-ils la charge de travail de la nouvelle entité ? Et comment le groupe pourra-t-il recruter, alors que les deux réseaux seront en pleine réorganisation et que le secteur bancaire attire moins ? », s’interroge Philippe Fournil, délégué syndical national CGT de la Société Générale.
Les partenaires sociaux ont tenu leur deuxième réunion sur l’emploi le 3 septembre, après une première mise en bouche fin juin. Au programme, l’accompagnement de la montée en compétences, avec une informatique unifiée et des process différents en ligne de mire, la gestion des mobilités géographiques et la mise en œuvre d’un accord global sur l’emploi. Un accord-cadre aujourd’hui applicable au seul périmètre Société Générale, et qui fixe par exemple les modalités des départs volontaires, a été signé en 2019, mais il court seulement jusqu’en mars 2022. L’objectif est de conclure avant cette échéance les négociations en cours sur le volet emploi. Un dossier complet sur les impacts sociaux métier par métier sera remis courant octobre aux syndicats, pour expertise et avis. D’ici là, la direction des ressources humaines du groupe préfère garder le silence, s’appliquant ainsi un autre attribut du dieu Ganesh : la prudence.

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