Recherche développeuses désespérément…

Les entreprises doivent batailler pour féminiser leurs équipes de développement informatique.
Yves Rivoal
Informatique-IT-femme-mixité
 -  Adebestock

Seuls 16 % des 300 développeurs de la direction Transformation et Technologies d’Axa sont des femmes. Chez Crédit Agricole Technologies et Services (CA-TS), la direction des systèmes d’information (DSI) des caisses régionales de la banque verte, la proportion monte à 27 %. Cette pénurie de développeuses, qui touche à un degré moindre l’ensemble des autres professions des technologies de l’information (IT), est alimentée par une raison structurelle. « Dans les écoles d’ingénieurs informatiques, la part des femmes oscille entre 15 % et 20 % maximum. Le sourcing naturel n’est donc pas en mesure de répondre aux besoins des entreprises qui cherchent à intégrer davantage de mixité dans ces métiers », constate Pierre-Henri Havrin, directeur du recrutement et de la mobilité France de BNP Paribas. « Les métiers du développement restent en effet à connotation fortement masculine, avec des biais culturels qui les rendent inaccessibles aux yeux des jeunes femmes au moment de choisir leur orientation après le bac », ajoute Anne Rebuffel, responsable recrutement, formation, performance & talents d’Axa.

Pour inverser la tendance, les équipes RH font donc feu de tout bois. « Pour inciter les jeunes femmes à s’orienter vers cette filière, nous capitalisons sur les partenariats signés par nos six sites avec des écoles d’ingénieurs informatiques, confie Anissa Khentous, leader recrutement et formation chez CA-TS. Nous faisons intervenir sur les campus des développeuses pour qu’elles racontent aux étudiantes leur parcours et leur quotidien. En misant sur le fait que ces témoignages démystifieront ces métiers et influenceront positivement les choix d’orientation des futures ingénieures. » Ce travail de sensibilisation commence beaucoup plus en amont chez Axa. « Nos jeunes développeuses se déplacent régulièrement dans les collèges et lycées afin de présenter leur métier, souligne Anne Rebuffel. Nous accueillons également tous les ans des jeunes filles de troisième en stage d’observation. »

Pour attirer cette fois des candidates au recrutement, les RH s’appuient sur l’écosystème IT. BNP Paribas travaille par exemple en étroite relation avec 50inTech, une plateforme qui met en relation les entreprises et les femmes du digital. De son côté, Axa accueille en immersion de jeunes développeuses formées par des associations comme Girls in code ou Women Code it. « Nous participons également aux événements du monde de la tech et organisons nos propres opérations pour que les étudiantes prennent conscience qu’il est possible d’intégrer la filière IT chez Axa », ajoute Anne Rebuffel. C’est d’ailleurs suite à un événement en ligne qu’Amrta Balasoupramaniane, 23 ans, a postulé pour devenir data ingénieure au sein de l’équipe big data d’Axa France. « Un peu avant la fin de mon cursus à l’Ecole supérieure de génie informatique (ESGI), j’ai commencé à chercher un poste de data ingénieure en CDI, confie la jeune femme qui venait alors de passer deux ans en alternance comme développeuse data à la DSI de Natixis. Après avoir assisté à l’un des événements Axa, j’ai transmis mon CV aux RH, et j’ai été contactée quelques semaines plus tard… »

Les pratiques évoluent

Les stages et l’alternance constituent une autre filière importante de féminisation des équipes. « Cette année, nous devrions accueillir 260 alternants sur l’ensemble du périmètre IT et près de 200 stagiaires, confirme Pierre-Henri Havrin. Avec la volonté d’atteindre dès cette année 50 % de femmes sur les postes en alternance. » C’est d’ailleurs par ce biais qu’Anaïs Fornacciari a été recrutée comme développeuse nouvelles technologies chez BNP Paribas en septembre 2020. « Pendant les trois années de mon cursus d’ingénieure informatique au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), je passais trois semaines sur quatre avec les développeurs de la plateforme ITPS de BNP Paribas. Lorsque l’on m’a proposé de poursuivre l’aventure en CDI, j’ai accepté car je connaissais bien l’équipe, les technologies, et les missions sur lesquelles je travaillais étaient très stimulantes », confie cette jeune femme de 24 ans. La volonté de féminiser les troupes a aussi incité les RH à faire évoluer leurs pratiques. « Au sein de l’IT, nous avons formé l’ensemble des acteurs du recrutement à la non-discrimination afin de lutter contre les biais et les stéréotypes inconscients », souligne Pierre-Henri Havrin. De son côté, CA-TS a mis en place il y a un an des offres non genrées sur les postes de développeurs. « Et à compétences égales, quand nous avons un finaliste homme et une finaliste femme, c’est cette dernière qui est le plus souvent recrutée. Mais ce scénario se produit encore trop rarement », constate Anissa Khentous.

Pour Anaïs Fornacciari, évoluer dans un univers majoritairement masculin est un non-sujet. « J’ai eu la chance de tomber dans l’informatique toute petite puisque mon père travaillait dans ce secteur, raconte-t-elle. J’ai donc commencé à m’intéresser très tôt au développement, aux jeux vidéo… Je partage donc les mêmes codes que mes collègues hommes, et je n’ai jamais eu de souci pour m’intégrer. Que ce soit au Cnam, où nous n’étions que trois femmes sur une promotion de 25, ou chez BNP Paribas où la répartition est plus équilibrée. Au sein de mon équipe, il y a quatre hommes et trois femmes, dont l’une est tech lead, donc ma responsable… » Même discours de la part d’Amrta Balasoupramaniane. « Quand j’ai intégré l’équipe big data, j’ai dû faire mes preuves mais comme mes collègues masculins, assure la jeune ingénieure. J’ai aussi été accueillie avec bienveillance et je n’ai jamais sentie que l’on me traitait différemment parce que je suis une femme. »

Pour Pierre-Henri Havrin, ce volontarisme RH commence à porter ses fruits. « Si l’on se réfère à notre ambition d’atteindre 40 % de recrutements de femmes dans l’IT, nous sommes en ligne cette année avec cet objectif. Mais c’est un combat de tous les instants, car si nous nous laissions porter par l’évolution naturelle du marché, la situation se dégraderait », assure-t-il. Ce volontarisme s’étend aussi à la sphère managériale. « Sur les sept dernières nominations de managers IT, quatre étaient des femmes. Cela montre que nos dispositifs de promotion interne, comme les programmes Leadership au féminin ou Women@CA-TS, produisent des résultats », conclut Anissa Khentous.

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