
Quand la Banque de France embauche des profils tech

A la direction générale du système d’information (DGSI) de la Banque de France, qui emploie 900 collaborateurs, une trentaine de spécialistes et experts sont regroupés au sein d’unités au plus proche des métiers afin de développer des algorithmes de détection de cas de fraude ou de protéger les comptes bancaires du Trésor public… « Pour animer cette équipe, nous disposons au sein du Lab, notre centre d’innovation, d’une douzaine de collaborateurs, avec des profils plus orientés gestion de projet, indique Thierry Bedoin, directeur général du système d’information de la Banque de France. Ils ont pour mission d’effectuer un travail de veille et de mener des expérimentations sur de nouveaux cas d’usage en lien avec les métiers et les acteurs externes. » A l’Autorité des marchés financiers (AMF), la direction des données et de la surveillance, constituée en décembre 2020, rassemble huit data scientists et douze profils informatiques, allant des product owners aux architectes recrutés pour la plupart parmi les experts ayant contribué à la construction d’ICY, la nouvelle plateforme de surveillance des marchés et de détection des abus. Une dizaine d’analystes issus principalement des marchés ou de la gestion d’actifs complète les effectifs.
Pour se renforcer, ces pôles d’expertise recrutent en permanence. La direction des données et de la surveillance de l’AMF recherche des chefs de projet, des ingénieurs d’intégration, des architectes… « Nous devrions également avoir besoin dans les mois qui viennent de deux ou trois nouveaux data scientists pour l’ensemble de l’AMF », précise Alexandra Givry, la directrice des données et de la surveillance. Les instances de régulation n’échappent pas aux tensions du marché. « Sur ces profils IT, la concurrence est très vive. Et pas seulement au niveau français, les candidats ayant souvent le choix entre plusieurs offres au niveau européen ou international. Nous avons également renforcé nos exigences et instauré des tests techniques qu’une partie des candidats ne réussit pas », confie Olivier Fliche, le directeur du pôle fintech innovation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Composée de trois data scientists, de deux juristes et de deux profils gestion de projet, cette équipe se charge entre autres d’assurer la promotion de ces nouvelles technologies au sein des entités… Une trentaine d’experts sont également répartis entre la direction des études, le pôle de stabilité financière et les directions de contrôle des banques et des assurances.
Pour contourner ces tensions, priorité est donnée à la mobilité interne. « Ce n’est que lorsque nous n’arrivons pas à pourvoir nos postes par ce biais que nous faisons appel à l’externe, en privilégiant des canaux comme LinkedIn ou la cooptation, explique Alexandra Givry. Il nous arrive aussi de faire appel à des chasseurs de têtes, notamment pour des postes d’expertise très techniques ou orientés gouvernance de données. » En plus des canaux traditionnels, la DGSI de la Banque de France cultive son attractivité au sein de la sphère IT. « Nous organisons des ‘jobdatings’, mais aussi des ‘hackathons’ ou des appels à projet où des étudiants interviennent par exemple sur des sujets de la finance verte ou de la gestion des données. L’objectif étant de mieux leur faire connaître notre rôle d’acteur innovant, et ce le plus tôt possible dans leur cursus », souligne Thierry Bedoin.
Concurrence
Dans un contexte de concurrence exacerbée, les instances de régulation s’appuient sur leurs atouts pour attirer les candidats. « Nous commençons toujours par leur parler de nos projets, poursuit Thierry Bedoin. En intégrant nos équipes, vous avez l’opportunité de travailler sur des missions d’intérêt général impliquant des volumes de données et des enjeux considérables. Avec le plus souvent une dimension européenne, voire internationale. C’est cet avantage concurrentiel qui nous permet de capter les meilleurs candidats et de disposer des meilleurs experts dans leur domaine. » Ces arguments ont fait mouche auprès de Corentin Simon, 26 ans, recruté en janvier 2021 comme ingénieur blockchain au sein du pôle blockchain de la Banque de France. « Depuis mon arrivée, j’ai par exemple contribué à un projet qui consistait à ‘tokeniser’ l’euro en lui attribuant une forme digitale via des technologies comme Ethereum et Hyperledger Fabric, relate-t-il. J’ai aussi travaillé sur des cas d’usage comme le règlement-livraison de titres et les paiements transfrontaliers via la blockchain. » Un peu plus d’un an après son recrutement, Corentin Simon ne regrette pas son choix. « Les projets sont extrêmement intéressants et variés, assure-t-il. Sur certains chantiers, je fais du développement, dans d’autres de l’intégration ou de l’architecture. J’apprécie aussi le fait d’évoluer dans un environnement agile et de pouvoir télétravailler trois jours par semaine. »
Cette exposition privilégiée attire d’ailleurs les convoitises. La plateforme crypto Binance a par exemple recruté en début d’année sa directrice juridique France à l’AMF. « Nos experts sont régulièrement chassés, car très réputés sur le marché, reconnaît Alexandra Givry. Mais il s’agit d’une forme de reconnaissance de notre expertise. Nous ne sommes toutefois pas davantage soumis que le reste du marché au mercato qui sévit actuellement. La durée moyenne d’ancienneté à l’AMF reste autour de neuf ans. » Pour assurer la rétention de leurs talents, les instances de régulation ont mis en place des parcours d’évolution. La Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) jouent par exemple à fond la carte de la synergie. « Lorsque nous enregistrons des départs, c’est le plus souvent vers la Banque de France, assure Olivier Fliche. Nos experts ont la possibilité d’intégrer les équipes de data scientists du pôle R&D, la maintenance sur des postes informatiques plus classiques, les statistiques, les études… Tout est ouvert, y compris des allers et retours entre Banque de France et ACPR. »
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Boulogne-sur-Mer - «Une nuit comme on n’en avait pas vécu depuis plusieurs mois": trois migrants sont morts et trois autres ont disparu lors de deux tentatives distinctes de traversée de la Manche dans la nuit de mardi à mercredi. Vers 22H00 mardi soir au large de Neufchâtel-Hardelot, «un pêcheur a signalé à la gendarmerie que des personnes étaient en détresse sur un bateau qui était proche de la côte», a indiqué le préfet du Pas-de-Calais, Laurent Touvet, lors d’un point-presse au port de Boulogne-sur-Mer. «Une personne a pu être réanimée par les gendarmes alors qu’elle était en train de se noyer», a-t-il précisé, mais «un peu plus tard, on a entendu des cris dans la mer de personnes plus éloignées (...), vraisemblablement trois disparus». Aux alentours de 5H00 du matin, le remorqueur Abeille Normandie a ramené au port de Boulogne-sur-Mer «un groupe de naufragés» secourus en mer. Parmi les naufragés figurent trois personnes décédées, «vraisemblablement écrasées au fond du bateau», a encore indiqué le préfet, tandis que trois autres personnes ont été hélitreuillées «directement vers l’hôpital de Boulogne». Selon les premiers éléments à sa disposition, «deux personnes (décédées) seraient d’origine du sud-est asiatique et une serait plutôt égyptienne, et ce sont des personnes jeunes (...) peut-être deux mineurs». Il s’agirait d’une femme et de deux hommes, a-t-il ajouté. Cela porte à au moins 23 le nombre de décès survenus lors de telles tentatives depuis le début de l’année, selon un comptage de l’AFP à partir de données officielles. Une enquête a été confiée à la police aux frontières et à la gendarmerie maritime, a déclaré la procureure de Boulogne-sur-Mer Cécile Gressier. Les personnes prises en charge «sont entendues pour identifier leur rôle, ce sont a minima des témoins, des victimes de ces réseaux qui sont entendues pour pouvoir identifier l’organisation criminelle des passeurs qui sont derrière ces opérations», a ajouté la procureure. 115 personnes sur un bateau C’est «une nuit comme on n’en avait pas vécu depuis plusieurs mois», a déploré le préfet, qui a cependant souligné que «le bilan aurait pu être beaucoup, beaucoup plus lourd": un bateau en difficulté a été secouru avec 115 personnes à bord, probablement un «record» pour une embarcation clandestine dans la région, selon Laurent Touvet. Ces traversées très périlleuses se font avec des canots pneumatiques de quelques mètres de long surnommés «small boats», souvent surchargés et à bord desquels beaucoup de passagers n’ont pas de gilets de sauvetage. Plus de 30.000 personnes sont arrivées de la sorte sur les côtes anglaises depuis début janvier selon le ministère de l’Intérieur britannique, un chiffre record à ce stade de l’année. La seule journée de samedi a vu 17 embarcations et plus de 1.000 migrants réussir la traversée, toujours selon les autorités britanniques. Mardi, une femme migrante a été déclarée décédée sur le rivage britannique à l’issue d’une tentative de traversée, selon la police du Kent (sud-est de l’Angleterre). Depuis son élection en juillet 2024, le gouvernement du travailliste Keir Starmer a multiplié les initiatives pour tenter de limiter les arrivées au Royaume-Uni, mais il peine à endiguer ce phénomène. Sa nouvelle ministre de l’Intérieur Shabana Mahmood, nommée vendredi, a promis que des expulsions de migrants vers la France, prévues dans le cadre d’un accord bilatéral entré en vigueur en août et censé avoir un effet dissuasif sur les traversées clandestines, débuteraient «de manière imminente». Londres a assuré début août avoir commencé à placer en détention des migrants arrivés par «small boats» dans le cadre de cet accord aux contours encore flous, régulièrement dénoncé par les associations. Jérôme NOËL avec le bureau de Lille © Agence France-Presse -
Olivier Faure demande à Sébastien Lecornu de « renoncer au 49.3 » pour démontrer un changement de méthode
Paris - Le patron du Parti socialiste Olivier Faure a demandé mercredi au nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu de renoncer à utiliser l’article 49.3 de la Constitution, permettant l’adoption d’un texte sans vote de l’Assemblée, pour démontrer «que la méthode change» par rapport aux précédents gouvernements. Sur franceinfo, M. Faure a affirmé qu’il n’y avait «aucun scénario où le Parti socialiste participe à l'équipe gouvernementale», et a affirmé qu’il ne refusait pas de discuter avec le nouveau chef de gouvernement, mais qu’il refusait de lui donner «un chèque en blanc» sans savoir ce qu’il fera notamment en matière budgétaire. «Je ne veux pas une plateforme commune qui nous amènerait à gouverner ensemble. Nous ne gouvernerons pas ensemble», a-t-il répété. S’il a «le sentiment que nous sommes baladés» et si la réponse du gouvernement «est une réponse qui est la même que celle qui est formulée depuis huit ans, alors je censurerai et donc nous irons vraisemblablement vers une dissolution», a-t-il prévenu. Le premier secrétaire a estimé que c'était au Premier ministre «de dire ce qu’il prend dans ce que nous avons proposé». Le Parti socialiste a présenté fin août à Blois un budget alternatif, proposant notamment de revenir sur la réforme des retraites et de mettre en place une taxe Zucman sur les plus hauts patrimoines. «Je refuse toute forme de budget qui irait chercher à prélever des économies sur les malades, sur les chômeurs, sur les travailleurs, sur les jeunes, sur les retraités, comme c'était le cas précédemment», a insisté M. Faure, estimant que la taxe Zucman sur les hauts patrimoines faisait partie «des réponses possibles» que pouvait donner M. Lecornu. Olivier Faure, qui réclamait un Premier ministre de gauche pour remplacer François Bayrou, renversé lundi lors d’un vote de confiance, a estimé que la nomination de Sébastien Lecornu n'était «pas une surprise, même s’il y a de l’incompréhension». «Au fond, Sébastien Lecornu à Matignon, c’est Emmanuel Macron à Matignon, c’est les mêmes», a-t-il asséné, rappelant qu’ils ont «tout entrepris ensemble depuis huit ans». © Agence France-Presse -
« Bloquons tout » : des premières actions mais des forces de l'ordre très présentes
Paris - Des premières actions ont essaimé mercredi, à l’appel de «Bloquons tout», une mobilisation citoyenne née sur les réseaux sociaux, mais elles semblent contenues, en raison notamment de la forte mobilisation des forces de l’ordre. Réforme des retraites, budget, choix du Premier ministre... «Il n’y a rien qui va», lâche Chloé, étudiante en master de 25 ans qui n’a pas souhaité donner son nom, devant un point de blocage à l’entrée du campus Paul-Sabatier de l’Université de Toulouse. «Les classes populaires sont celles qui prennent le plus et des gens qui se tuent au travail doivent encore plus rogner sur leur bien-être pour pouvoir faire passer le budget alors qu’il y aurait eu d’autres alternatives», explique-t-elle. Un peu partout sur le territoire, des actions ont été lancées mais sans toucher des cibles stratégiques mais elles se sont heurtées le plus souvent à l’action préventive des forces de l’ordre, comme par exemple à Marseille, où, prépositionnées à l’avance, elles ont empêché 200 personnes d’accéder à l’autoroute venant de Toulon. Dès 5h30 ce matin, une trentaine de personnes ont ainsi bloqué un rond-point d’accès à une zone commerciale, sur la commune de Petite Forêt près de Valenciennes dans le Nord. «Plus de révolutionnaires sur Facebook» "Évidemment, l’opération était un peu secrète pour ne pas être pris de vitesse par les forces de l’ordre. L’idée, c'était de surprendre aussi», explique Cédric Brun, tourneur-fraiseur et secrétaire général CGT chez PSA Valenciennes, âgé de 46 ans. Mais le rassemblement n’a pas eu le succès espéré: «On pensait être plus nombreux», regrette-t-il. «Ce qui est malheureux, c’est qu’il y a plus de révolutionnaires sur Facebook que dans la réalité». Le ministre de l’Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau avait annoncé la couleur tôt depuis Rungis, rappelant que «80.000 gendarmes et policiers» étaient sur le pont en France, dont 6.000 à Paris, avec la consigne «de ne pas tolérer de violence, de dégradation, de blocage, d’occupation des infrastructures essentielles de notre nation». A 09H30, la gendarmerie nationale décomptait 154 actions dans sa zone, pour environ 4.000 manifestants. La préfecture de police de Paris a fait état de 95 interpellations dans l’agglomération parisienne, selon le dernier bilan disponible. Huit arrestations ont été menées en province. Une cellule interministérielle de crise (CIC) se tient depuis 09H00 au ministère de l’Intérieur. Une première action spectaculaire s’est déroulée à Caen, où des manifestants ont mis le feu à des objets sur le viaduc de Calix près de Caen, a constaté une photographe de l’AFP. Pour le reste, les forces de l’ordre ont le plus souvent procédé à de rapides déblocages, comme à Bordeaux sur l’un des dépôts du réseau de tramways. Lycées bloqués Plusieurs lycées ont ponctuellement été touchés par des blocages, notamment à Paris, à Montpellier à et Rennes. Des mobilisations étudiantes ont été recensées à Paris, Rennes, Grenoble, Montpellier, Lyon, Mulhouse et Nice, selon l’Union étudiante. «Bloquer notre lycée, c’est bloquer l’Education nationale, ça représente l'éducation comme la veut Macron», témoigne Lucia, 17 ans et en première au lycée Claude Monet dans le 13e. Côté transports, la gendarmerie décomptait 18 actions de blocages d’axes mais les perturbations dans les transports en commun de la capitale, sont «conformes aux prévisions», ont indiqué à l’AFP la RATP et la SNCF. Ce mouvement horizontal, né sur les réseaux sociaux et sans chef de file identifié, rappelle celui des Gilets jaunes, il y a sept ans, mais rassemble des personnes plus jeunes et plus politisées, selon une enquête de la fondation Jean Jaurès. Il conteste les mesures d'économie annoncées mi-juillet par François Bayrou et rejette les classes dirigeantes, en particulier Emmanuel Macron. Il est partiellement soutenu par les syndicats. La CGT et Solidaires ont appelé à le rejoindre quand la CFDT et FO, notamment, ont préféré se concentrer sur la journée intersyndicale du 18, ce qui n’empêche pas certaines sections de se mobiliser notamment à La Rochelle où des agents territoriaux bloquent le dépôt de la propreté urbaine ou à Anglet (Pyrénées-Atlantiques) où la CGT tient un piquet de grève devant Dassault. La convergence des colères se fait aussi, partiellement, avec celle du monde agricole. La Confédération paysanne, 3e syndicat agricole français, a annoncé sa participation. «Je suis très en colère de la politique qui a été menée», confie le porte-parole de la Confédération paysanne en Côte-d’Or, Thomas Maurice, qui manifestera mercredi après-midi à Dijon. Béatrice JOANNIS © Agence France-Presse