
Misez sur les fintech berlinoises !

Le bâtiment n’est pas particulièrement accueillant – il abritait autrefois les services d’écoutes téléphoniques de la Stasi, la police secrète de l’ex-Allemagne de l’Est – et le chauffage y est défaillant en ce jour d’hiver berlinois, mais rien qui puisse décourager William Kunter, directeur financier de N26, la néo-banque qui y a ses quartiers. « C’est un environnement de travail très énergisant. Nous croyons tous au produit, nous sommes tous clients et nous voulons tous que N26 devienne la banque du futur dans le monde entier, assure le Français de 31 ans, arrivé dans cette fintech il y a un an et demi. C’est complètement différent de toutes les expériences professionnelles que j’ai connues auparavant. » Après cinq années passées chez Goldman Sachs à Londres, ce diplômé de HEC et de l’Ensae avait envie de changement. « J’étais tombé dans une routine, le job ne m’intéressait plus vraiment, se souvient-il. Sans compter qu’on a peu de prise sur son parcours professionnel en banque d’affaires. Tout est très hiérarchique, on vous demande de faire quelque chose et vous n’avez pas vraiment votre mot à dire. » Il décide de quitter Goldman Sachs, ce qui est chose faite mi-juin 2016, soit, hasard du calendrier, la semaine du référendum sur le Brexit. « J’ai commencé à regarder les MBA et j’ai reçu pendant l’été la confirmation de mon admission à l’Insead pour janvier 2017. J’avais six mois devant moi, que je voulais mettre à profit pour découvrir de nouveaux environnements », poursuit-il. Au sein de la grande banque d’investissement américaine, William Kunter avait notamment couvert, avec intérêt, les start-up de la finance. Il décide donc d’aller explorer ce secteur. « Je cherchais une fintech déjà établie, bien ‘financée’ et pas trop spécialisée. N26 est assez rapidement apparue sur la liste. Je suis arrivé pour un stage de trois mois au département du développement commercial. La personne qui en avait la responsabilité est partie durant mon stage et on m’a proposé de la remplacer, raconte-t-il. Comme cela se passait très bien, que j’aimais beaucoup l’entreprise et la vie à Berlin, j’ai annulé mon MBA et j’ai décidé de rester ! »
Qualité de vie
La qualité de la vie berlinoise est en effet l’un des principaux atouts de la capitale allemande, devenue en quelques années la première place de la fintech en Allemagne : elle abrite 228 start-up de la finance sur les 699 que compte le pays, contre seulement 84 pour Francfort (1). « Grâce à un coût de la vie modéré et à une offre culturelle riche, en un mot grâce à une bonne qualité de vie, une grande communauté de start-up s’est constituée à Berlin au fil des ans », explique Sascha Demgensky, consultant chez PwC Deutschland. Il n’est donc pas étonnant que Berlin arrive en quatrième position du classement établi par la plate-forme anglaise Nestpick des meilleures villes pour travailler dans une start-up…, loin devant Paris (17e) et Londres (43e). Les salaires sont certes moins élevés à Berlin que dans la capitale britannique, mais les loyers aussi. Ce qui est loin d’être négligeable lorsque l’on passe d’une banque d’investissement à une start-up, comme l’a fait Alexis Hamel. A l’été 2016, ce dernier quitte la City, où il travaillait chez Natixis dans la vente de produits dérivés et structurés, pour prendre en charge le développement commercial chez FinReach, une fintech spécialisée dans les solutions SaaS (Software as a Service) aux établissements financiers. « Mon salaire a baissé mais je ne l’ai pas du tout ressenti sur ma qualité de vie, qui s’est même améliorée, assure ce Français de 27 ans. Par exemple, je paie la même somme pour un appartement à moi tout seul dans un quartier agréable de Berlin que pour une chambre dans une colocation à Londres. » Il se plaît beaucoup dans la capitale allemande, dont il apprécie tout particulièrement le caractère international et la vie culturelle. Pourtant, il y a encore quelques années, ce diplômé de l’université Panthéon-Sorbonne et de la Hult International Business School n’aurait jamais pensé travailler à Berlin. « Quand j’ai commencé ma carrière en finance de marché, je visais Londres, New York, Hong Kong… » Mais lorsqu’il entend parler, par un camarade de promotion, d’une opportunité chez FinReach, sa curiosité est piquée. « J’étais très satisfait de mon travail à Londres mais c’était très spécialisé. La possibilité d’intégrer une start-up à fort potentiel, basée sur des technologies qui vont définir notre avenir, telles que l’intelligence artificielle, me séduisait », confie l’ancien banquier. Le fait que FinReach fasse partie du groupe de fintech FinLeap a aussi été un « plus ». « J’ai toujours été attiré par l’entrepreneuriat. Compte tenu de l’expertise de FinLeap en la matière, c’était une façon idéale de se lancer dans cet environnement. »
Responsabilités et flexibilité
Edouard Gottlieb n’a, lui, pas hésité à prendre le risque d’intégrer une structure naissante. « Je réalise maintenant que j’aurais certainement dû être plus prudent mais j’étais fasciné par la perspective de cette nouvelle aventure », sourit ce Français de 27 ans qui fut le premier employé à rejoindre les fondateurs de FinCompare en novembre 2016. « Au début, nous n’étions que quatre autour d’une table à démarcher nos futurs clients et les banques. On nous raccrochait souvent au nez !, se remémore celui qui est aujourd’hui en charge des produits au sein de cette start-up qui aide les PME allemandes à trouver la source de financement la plus appropriée à leurs besoins. Puis tout est allé très vite. Nous avons été assez rapidement financés, l’équipe s’est agrandie à 15 au bout de trois mois et à près de 30 actuellement. Et maintenant, ce sont les banques qui viennent nous voir ! » Comme Alexis Hamel et William Kunter, Edouard Gottlieb a déménagé de Londres à Berlin. Mais lui visait explicitement cette ville qu’il qualifie de « fascinante ». Après plusieurs années en Angleterre, pendant lesquelles il a étudié la philosophie des sciences à UCL, puis à Oxford, tout en travaillant l’été à la City, il voulait rentrer en Allemagne, où il est né de parents français et a grandi jusqu’à ses 16 ans. « J’avais intégré un programme pour jeunes diplômés en banque d’investissement chez Credit Suisse à Londres. Ce fut très formateur mais j’ai réalisé que je voulais avoir plus de responsabilités, d’autonomie et d’impact », raconte-t-il. Deux expériences en start-up à Oxford et à Londres le convainquent que c’est ce type d’environnement qui lui correspond.
Plus d’un an après son arrivée à FinCompare, il estime avoir fait le bon choix. « J’aime ces environnements flexibles où tout se décide très vite », souligne-t-il. Cette caractéristique a aussi séduit Sébastien Munos, 30 ans, analyste risque crédit pour la plate-forme bancaire SolarisBank, une autre fintech du groupe FinLeap, qui vient de lever 57 millions d’euros auprès, notamment, de BBVA et Visa. « J’étais habitué à des processus de décision lourds », dit celui qui a travaillé auparavant comme credit manager pour TP Vision (Philips TV) à Paris, puis à Prague. L’agilité propre aux start-up peut parfois sembler « un peu chaotique » quand on n’y est pas habitué, admet ce trentenaire. « Il faut s’accrocher, ne pas hésiter à poser des questions, assure-t-il, enthousiasmé par l’esprit d’équipe qui règne chez SolarisBank. Tout le monde est très accessible. La porte du CEO est toujours ouverte. »
Ce Montpelliérain, qui a fait ses études à l’Isem et à la Montpellier Business School, apprécie beaucoup la vie berlinoise tout en ayant la certitude qu’il n’y passera pas sa vie. « Ici, les choses sont simples, les gens décontractés et plus ouverts qu’à Paris, il y a un esprit de liberté dans la ville, affirme-t-il. La seule chose qui me dérange, c’est le manque de lumière. » Et l’allemand ? Sébastien Munos a commencé des cours il y a deux mois… mais sans grande motivation. La langue de travail dans les fintech est évidemment l’anglais et, à Berlin, on peut vivre très facilement sans parler un mot d’allemand. « Tout le monde parle anglais, relève William Kunter. J’ai étudié l’allemand jusqu’en ‘prépa’, donc je le comprends assez bien mais je n’ai pas vraiment besoin de faire l’effort de parler. » Il s’est toutefois promis d’y remédier cette année. C’est sa bonne résolution pour 2018.
(1) Calcul réalisé par la banque Comdirect dans le cadre d’une étude publiée en novembre 2017.
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