
Les banques françaises attendent l’effet hausse de taux

Les banques françaises devraient faire moins d’étincelles en Bourse cette semaine que leurs homologues espagnoles et italiennes. Alors que BNP Paribas doit publier demain ses résultats annuels, suivie de la Société Générale mercredi et de Crédit Agricole SA jeudi, les marchés ne s’attendent pas au grand soir... des résultats. « Les banques françaises souffriront de la comparaison avec leurs pairs européennes. Elles bénéficient moins de la remontée des taux que dans d’autres géographies, tandis que leurs coûts augmentent », relève Antonio Roman, gérant equities chez Axiom AI.
Alors que la remontée des taux a dopé les marges nettes d’intérêt dans les pays où la proportion de prêts à taux variable est importante, les banques tricolores restent pénalisées par les spécificités de leur marché. « La question du taux d’usure qui limite la capacité des banques à répercuter la hausse des taux sur leur clientèle a fait beaucoup de bruit. Mais si les marges sur le crédit immobilier restent inférieures aux pays voisins c’est aussi parce que le marché français est très compétitif, les banques mutualistes détenant 70 à 80% des parts de marché », précise Antonio Roman.
Les banques françaises ne s’inscriront donc pas dans la tendance des résultats records publiés par leurs voisines, à l’instar de Deutsche Bank qui a enregistré en 2022son meilleur profit annuel en 15 ans. Le consensus Factset table sur un résultat annuel de 1,445 milliard d’euros pour la Société Générale, soit une baisse de 75% par rapport à 2021. Les comptes de la banque rouge et noire porteront les stigmates de la vente pour une bouchée de pain de sa filiale russe Rosbank. « Cette perte qui s’est déjà matérialisée dans les résultats du deuxième trimestre a toutefois été intégrée par les marchés. Cela ne devrait pas affecter la valorisation de la Société Générale », anticipe Sylvain Perret, analyste actions chez AlphaValue.
Pour Crédit Agricole SA, la filiale cotée du groupe mutualiste, le consensus Factset table sur un résultat annuel de 4,6 milliards d’euros, ce qui représenterait une baisse de 20,7% par rapport à 2021. Le Crédit Agricole souffre davantage de la hausse du coût de la rémunération des livrets d’épargne réglementée, qui se fera encore plus sentir en 2023. Au total, cette spécificité française devrait coûter à CASA l’équivalent de 15% de ses résultats d’ici à la fin 2023, estime Antonio Roman. Par ailleurs, « le Crédit Agricole a misé sur la diversification dans l’assurance et la gestion d’actifs, deux métiers moins porteurs dans l’environnement actuel », remarque Sylvain Perret.
Grâce au poids de la banque de financement et d’investissement dans son mix d’activité et à sa plus grande diversification géographique, BNP Paribas devrait tirer son épingle du jeu. Le consensus Factset table sur un résultat net en hausse, à 10,45 milliards d’euros pour l’année 2022, contre 9,48 milliards d’euros l’an dernier.
Objectifs 2023 et annonces sur la distribution
Les objectifs 2023 des banques françaises en termes de revenus seront scrutés de près car ils indiqueront leur propension à tirer parti de la remontée des taux. « Les banques françaises vont-elles finir par profiter de cette nouvelle donne ou vont-elles regarder le train passer ? », s’interroge Sylvain Perret. Seule BNP Paribas a envoyé jusqu’ici un signal clair en annonçant au troisième trimestre qu’elle s’attendait à dégager près de 2 milliards d’euros de bénéfice supplémentaire par rapport à son objectif à horizon 2025 grâce à la hausse des revenus nets d’intérêts.
Traditionnel boulet aux pieds des banques françaises, dont la taille des réseaux physiques pèse sur le coefficient d’exploitation, la question des coûts sera également regardée avec beaucoup d’attention. « Les banques françaises subissent de fortes pressions inflationnistes sur les salaires. Le plan de départs volontaires à l’étude chez BNP Paribas Personal Finance illustre le fait qu’elles cherchent des moyens de compenser les coûts », relève Antonio Roman. La semaine passée, le néerlandais ING a été sanctionné en raison d’une hausse attendue des coûts en 2023.
Les actionnaires seront à l’affût d’annonces en matière de distribution. Le cours d’Unicredit s’est envolé de 8% la semaine dernière après que la banque italienne a déclaré vouloir rendre près de 5,25 milliards d’euros à ses actionnaires cette année. La générosité devrait être moins forte dans l’Hexagone. Alors que les caisses régionales du Crédit Agricole via la SAS Rue La Boétieont augmenté leur part au capital de CASAen vue de soutenir le cours de Bourse, le marché ne s’attend pas à un programme de rachat d’actions. De même, l’incertitude pèse sur la distribution annoncée par la Société Générale. « La BCE va-t-elle autoriser la banque à verser son dividende sur la base du résultat sous-jacent excluant l’impact de la cession de Rosbank ? », s’interroge Antonio Roman. Quant à BNP Paribas, les investisseurs attendront des précisions quant au produit de la vente de Bank of the Westet au programme de rachat d’actions qui doit en découler.
Les valorisations des banques françaises ne devraient pas, dans l’ensemble, être bouleversées par les résultats publiés cette semaine. Si leur cours a connu un effet rattrapage au cours du dernier trimestre, toujours marqué en janvier 2023, il suit essentiellement l’évolution de la situation macroéconomique en Europe. Les scénarios adverses, pour lesquels les banques françaises ont renforcé leurs provisions, ne se sont pas matérialisés. Bien que la rentabilité tende à retrouver progressivement son niveau d’avant 2008 – le consensus table sur une rentabilité du capital (ROE) de 9% pour BNP Paribas, de 6,6% pour CASA et pour la Société Générale – les multiples restent assez faibles et inférieurs à ceux affichés avant la crise financière. Le ratio cours sur valeur comptable (price to book) de BNP Paribas devrait s’établir à 0,6 fois et ceux de CASA et de la Société Générale à 0,3x, selon Factset.
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