Les banques françaises abordent prudemment la saison des résultats

La pression sur les marges se desserre lentement. Les banques hexagonales pourraient passer de nouvelles provisions.
Aurélie Abadie
SUPERPROFITs dividendes résultats bénéfices
Les banques françaises pourraient publier au troisième trimestre une augmentation du coût du risque, ce qui pèserait sur les profits.  -  AdobeStock

Le mouvement de remontée des taux bénéficie aux banques, mais pas à la même vitesse. Tandis que Deutsche Bank, Santander et Barclays ont publié la semaine dernière des résultats florissants, dopés par la hausse de leurs marges nettes d’intérêt, le phénomène devrait se traduire de manière beaucoup plus limitée dans les publications des banques françaises au troisième trimestre. Selon le consensus Factset, BNP Paribas devrait réaliser un résultat net de 2,3 milliards d’euros, contre 2,5 milliards d’euros au troisième trimestre 2021. Le consensus table sur un bénéfice net de 1 milliard d’euros pour la Société Générale, contre 1,6 milliard d’euros un an plus tôt, et un résultat net de 1,23 milliard d’euros pour CASA, contre 1,4 milliard d’euros un an plus tôt.

Alors que près de 40% du stock de prêts immobiliers du Crédit Agricole et de BPCE est à taux fixe, le taux d’usure, dont la formule de calcul actuelle est inadaptée à la remontée des taux, a contribué à ralentir la retarification des prêts aux mois d’août et de septembre. Si la progression a été rapide en juillet, de l’ordre de 18 points de base, en août (+12 points de base) et surtout en septembre (+6 points de base), « la remontée du taux d’emprunt a été bridée par un taux d’usure faiblement revalorisé », note ainsi l’Observatoire du Crédit Logement.

Pointées du doigt pour leurs gains réalisés grâce aux opérations de refinancement à long terme (TLTRO) de la BCE, de l’ordre de 2,5 milliards d’euros par an, « les banques françaises ont volontairement baissé leurs marges pendant cette période pour continuer à soutenir la production de prêts », confie une source de marché. « Elles partent donc d’un niveau de marges plus bas ». De plus, « Le marché français est très compétitif, ce qui permet aux clients de capter les bonnes nouvelles tandis que les opérateurs de marché absorbent les mauvaises », rappelait Jérôme Grivet, directeur général adjoint du Crédit Agricole lors de la conférence de rentrée de Moody’s. Bien que dominé par six établissements, le marché hexagonal reste « très concurrentiel, ce qui se traduit dans l’agressivité sur les taux de crédit », remarque-t-il.

Des effets négatifs à l’actif et au passif

Par ailleurs, les banques françaises devraient être confrontées, dans les prochains mois, à deux vents contraires qui maintiennent la pression sur leurs résultats . A l’actif, la remontée des taux d’emprunt est freinée par la baisse des volumes de nouveaux crédits, de l’ordre de 6 à 7% en rythme annuel et de 13 à 14% en rythme trimestriel selon les calculs de l’agence Moody’s. Au passif, le relèvement du taux servi aux clients sur l’épargne réglementée (Livret A, LDD) au 1er août va leur coûter au total 3,38 milliards d’euros, selon la Fédération bancaire française, avant un nouveau relèvement de ce taux au 1er février.

Autant dire que les marges nettes d’intérêt devraient rester sous pression et, dans certains cas, inférieures au prix de la couverture contre le risque de taux. Pour ne pas dépendre de la seule marge d’intérêt, les banques françaises disposent sources alternatives de revenus : l’assurance, les commissions sur les services, la gestion de l’épargne hors bilan, c’est à dire l’assurance vie et la gestion d’actifs. Mais ces sources de revenus se trouvent tout de même chahutées : l’assurance dommages est victime d’une sinistralité climatique récurrente qui plombe sa rentabilité technique. Quant à la gestion d’actifs, les chocs sur les marchés ont entraîné une baisse des valorisations et des encours gérés, malgré une collecte restée positive. Les banques françaises devraient, en revanche, continuer au troisième trimestre à bénéficier des conditions avantageuses des TLTRO, avant le coup d’arrêt donné par la BCE à la fin du mois de novembre.

Un coût du risque sous surveillance

Si le coût du risque est resté relativement limité jusqu’ici, à 46 points de base au premier semestre 2022 contre 40 points de base au premier semestre 2021, les superviseurs et les agences de notation s’accordent à dire que sa hausse est inévitable. Cela devrait se traduire par une révision ou une repondération des scénarios macroéconomiques des banques françaises, et donc de nouvelles provisions de prudence. Les derniers chiffres publiés par l’Insee traduisent déjà un ralentissement avec une croissance de 0,2% dans l’Hexagone au troisième trimestre. « Nous nous attendons à une vraie augmentation du coût du risque qui fera pression sur le résultat net. Mais l’effet ne sera pas immédiat car les banques françaises sont très provisionnées, elles n’ont pas repris leurs provisions Covid », souligne toutefois Guillaume Lucien-Baugas, senior analyst EMEA banking chez Moody’s. « Il y a des nuages à l’horizon mais nous ne voyons pas de dégradation massive », tempère également Jérôme Grivet, qui rappelle que le Crédit Agricole est assis sur un stock de 20 milliards d’euros de provisions, constituées à 40% de stages 1 et 2 sous IFRS 9, c’est-à-dire des provisions « de prudence » sur des encours sains.

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