
L’engagement climatique des banques et des assureurs reste flou

Des ONG au régulateur, il n’y a parfois qu’une différence de méthode et de degré. Le Climate Finance Day 2021, événement majeur de Finance for Tomorrow, a été interrompu plus de deux heures mardi par des activistes après le discours introductif de Bruno Le Maire. Mais finalement, la critique la plus vive est venue du régulateur et du superviseur des plus grands acteurs de la Place (AMF et ACPR). Dans un pré-rapport publié le matin même sur le suivi et l’évaluation des engagements climatiques des institutions financières, ils soulignent que si les plus grands acteurs financiers (9 banques, 17 assureurs et 20 sociétés de gestion) ont une exposition au secteur du charbon inférieure à 1%, tout est loin d’être transparent.
Sur les engagements climatiques vis-à-vis du charbon et des énergies non conventionnelles, les deux autorités soulignent que les politiques « restent hétérogènes en ce qui concerne notamment le périmètre des activités, la mesure des expositions concernées et les seuils d’exclusion ». « Dans l’ensemble, la capacité à atteindre les engagements reste difficile à évaluer en l’absence de jalons ou de précisions sur les étapes pour respecter les objectifs affichés », concluent l’AMF et l’ACPR qui encouragent « les établissements financiers à clarifier et à renforcer leur niveau d’exigence vis-à-vis des énergies fossiles ».
Des objectifs peu détaillés chez les banques
Les banques ont certes annoncé des dates de sortie du charbon pour l’Europe/OCDE (2030, sauf le Crédit Mutuel Arkéa en 2027 et l’AFD dès 2013) et le monde (2013 pour l’AFD, 2027 pour le Crédit Mutuel Arkéa, 2030 pour Le Crédit Mutuel Alliance Fédérale, HSBC et la Banque Postale et 2040 pour les autres). Mais « la fixation d’une date définitive de sortie s’accompagne rarement d’une description des étapes intermédiaires permettant de préparer une telle sortie », note le rapport. Une limite à laquelle s’ajoute « une notion de ‘développeur’ qui continue à recouvrir des réalités différentes selon les banques » dans le financement de nouveaux projets ou encore une politique qui ne s’applique pas au financement ou refinancement d’autres établissements financiers.
Concernant le pétrole et le gaz, les engagements portent majoritairement sur les hydrocarbures non conventionnels. Surtout, ils font l’objet de politiques hétérogènes allant d’une exclusion totale à une exclusion limitée « aux gaz et pétrole de schiste, parfois aux seuls nouveaux projets en Arctique ou portant sur les sables bitumineux », détaille le rapport. Pire, il faut distinguer les différentes entités des groupes pour des engagements qui ne concernent que la partie banque. La Banque Postale s’est par exemple engagée dès le 14 octobre à ne pas financer de projets basés sur le pétrole et le gaz et à ne plus leur fournir de services financiers (crédits, tenue de compte, moyens de paiements, affacturage…) tout en gérant en extinctions les services et encours existants jusqu’en 2030. Mais son engagement ne concerne pas la Banque Postale Assurances, la Banque Postale Asset Management ni CNP Assurances.
Le problème des seuils d’exclusion chez les assureurs
Du côté des assureurs, si l’ensemble des 17 groupes étudiés communiquent sur une sortie du charbon d’ici 2030 pour l’Europe et l’OCDE, « le constat d’une hétérogénéité des critères des politiques d’exclusion concernant le charbon thermique réalisé lors du dernier exercice reste valable ». Un constat confirmé par l'état des lieux de l’intégration des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les stratégies d’investissements des assureurs en 2020 publié mardi par la Fédération française de l’assurance (FFA). L’organisation rapporte que seulement 13 assureurs sur 22, représentant tout juste 53% des actifs gérés, appliquent un seuil relatif d’exclusion à la part du charbon thermique dans le chiffre d’affaires des activités de production-exploitation des mines ou dans le mix énergétique des activités de production d’au moins 20%. C’est pourtant le seuil maximum recommandé par les ONG fin 2020.
Une nouvelle fois, peu d’assureurs ont des politiques d’exclusion sur les énergies fossiles conventionnelles (seuls trois) tandis que la définition des énergies fossiles non conventionnelles varie aussi. Alors que la question du financement et de l’assurance des activités pétro-gazières agite les critiques des ONG, l’ACPR n’a pas pu mesurer l’exposition des assureurs au pétrole et au gaz en l’absence de listes fiables.
Nouvelle initiative et flou
Repoussée à plus tard, cette mesure n’a pas empêché la FFA de lancer une nouvelle initiative pour contribuer à l’objectif de neutralité carbone en 2050. Elle appelle ses membres à définir leurs politiques de dialogue avec les entreprises du secteur des combustibles fossiles, incluant des calendriers d’arrêt de financement des entreprises qui ne renonceraient pas à leurs nouveaux projets de production des énergies fossiles non conventionnelles.
La Fédération bancaire française (FBF) avait elle annoncé plus tôt un engagement des six plus grands groupes bancaires sur les hydrocarbures non conventionnels. « Dès janvier 2022, ils ne financeront plus les projets dédiés et les entreprises dont la part d’hydrocarbures non conventionnels dans l’exploration et la production (pétrole de schiste, gaz de schiste et sables bitumineux) serait supérieure à 30% de leur activité », précise un communiqué. La Banque Postale, mais aussi le Crédit Mutuel Alliance Fédérale qui a annoncé cesser le financement de tout nouveau projet d’exploration, de production et d’infrastructure dans le pétrole et le gaz, sont allés plus loin.
Des évolutions saluées par les ONG qui qualifient toutefois « d’engagements dérisoires » les annonces de la FBF. « Les banques françaises ont la conviction que la transition sera réussie si elle est graduelle, et accompagne tout le monde », veut croire l’organisation. Le décor est planté pour la COP 26 qui doit débuter le 1er novembre à Glasgow.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse